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  • CUB 77954

    TRADUCTION

    DANS L’AFFAIRE de la LOI SUR L’ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d’une demande de prestations présentée par
    H.P.

    - et -

    d’un appel interjeté devant un juge-arbitre par la Commission de l’assurance-emploi
    à l’encontre de la décision rendue par le conseil arbitral
    à Fredericton (Nouveau-Brunswick) le 3 mars 2011

    DÉCISION

    Le juge-arbitre DAVID H. RUSSELL

    Le conseil arbitral a accueilli l’appel qu’a interjeté Mme H.P. à l’encontre de la décision de lui imposer une inadmissibilité, en application de l’article 32 de la Loi sur l’assurance-emploi, parce qu’elle a pris volontairement un congé sans justification.

    Mme H.P. a travaillé à temps partiel au département chargé des électrocardiogrammes dans un hôpital administré par son employeur, Cape Breton Health Authority. Dans sa demande de prestations, elle a déclaré qu’elle avait quitté son emploi en raison d’un manque de travail (pièce 2-5). Son employeur a indiqué qu’elle a pris un congé sans solde qui débutait le 2 janvier 2011 (pièce 5).

    Dans son avis d’appel devant le conseil arbitral, Mme H.P. a écrit ce qui suit :

    J’occupe un poste à temps partiel au département chargé des électrocardiogrammes; j’ai signé un contrat en vue de devenir technologue autorisée en cardiologie d’ici janvier 2013. Aucun établissement d’enseignement ne donne ce programme en Nouvelle-Écosse. L’établissement le plus près de chez moi qui propose le programme est situé à Fredericton, au Nouveau-Brunswick. Mon emploi m’est réservé à condition que je devienne agréée. C’est pourquoi j’en suis là. Je veux travailler, mais je dois d’abord prendre ces dispositions.

    Le 9 décembre 2010, Emploi Nouvelle-Écosse, un ministère provincial, a écrit notamment ce qui suit à Mme H.P. : « La présente vise à vous informer que nous avons reçu votre demande d’admission au Programme de participation payante » (pièce 10). Cette demande, approuvée par Emploi Nouvelle-Écosse, renfermait le passage suivant (pièce 11-2) :

    Inscription à une activité de formation en vertu de
    l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi
    Le présent formulaire a pour objet de documenter :

    • votre demande d’inscription à l’activité de formation décrite dans la Partie B ci-dessous aux fins de l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi, et
    • votre consentement à l’inscription à l’activité de formation. [...]

    PARTIE E – ATTESTATION ET CONSENTEMENT

    1. J’atteste avoir lu et compris l’information présentée à la page 2 du présent formulaire expliquant les conditions d’admissibilité aux prestations d’assurance-emploi que je devrai respecter lorsque je participerai à l’activité de formation décrite dans la partie B ci-dessus si Emploi Nouvelle-Écosse m’y inscrit, et
    2. j’accepte qu’Emploi Nouvelle-Écosse m’inscrive à l’activité de formation précitée. [...]

    Aux fins de l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi, le (la) participant(e) est inscrit(e) par les présentes à l’activité de formation précitée. [...]
    SIGNATURE POUR EMPLOI NOUVELLE-ÉCOSSE
    (Espace prévu pour la signature de l’agent de programme)

    Cette demande datée du 8 décembre 2010 a été signée par Mme H.P.; Emploi Nouvelle-Écosse l’a reçue le 9 décembre 2010 et approuvée le 13 décembre 2010. Elle était suivie d’un document d’information générale qui contenait notamment les renseignements ci-dessous (pièce 11-3) :

    Inscription en vertu de l’article 25

    Aux termes de l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi, un prestataire est en chômage, capable de travailler et disponible à cette fin, et donc admissible aux prestations d’assurance-emploi durant toute période où :

    a. il suit, à ses frais [...], un cours ou programme d’instruction ou de formation vers lequel il a été dirigé par Emploi Nouvelle-Écosse [...].

    Aux termes de l’article 25, vous serez admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant toute la durée de l’activité de formation décrite dans votre Plan d’action de retour au travail, mais seulement pendant votre période d’admissibilité aux prestations. Si votre période d’admissibilité aux prestations d’assurance-emploi n’est pas terminée à la fin de votre activité de formation (décrite à la Partie B de la page précédente), vous pourriez continuer à recevoir des prestations d’assurance-emploi si vous respectez les conditions imposées lorsqu’on vous a dirigé vers cette activité en vertu de l’article 25.

    Mme H.P. a commencé sa formation le 2 janvier 2011 à Fredericton, au Nouveau-Brunswick. Le 30 août 2011, date à laquelle elle a interjeté appel devant le juge-arbitre, elle suivait toujours la formation. Celle-ci se terminera le 2 mars 2012.

    Lorsqu’il a accueilli l’appel, le conseil a écrit ce qui suit (pièce 12-4) :

    Pour conserver son emploi, la prestataire devait suivre une formation.

    L’employeur paie ses frais de scolarité.

    ---------

    Le conseil accepte les circonstances raisonnables aux termes du sous-alinéa 29c)(xiv) de la Loi.

    Le conseil tient pour avéré que la prestataire était fondée à prendre un congé pour terminer sa formation, ce qui constituait une condition d’emploi, aux termes de l’article 32 de la Loi.
    [Traduction]

    Le sous-alinéa 29c)(xiv) de la Loi prévoit ce qui suit :

    Pour l’application des articles 30 à 33 : [...]

    c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas : [...]

    (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

    ANALYSE

    La norme de contrôle de la décision correcte s’applique si une erreur est commise lorsqu’une décision est rendue relativement à une question de droit (voir l’arrêt Canada [P.G] c. Greey, 2009 CAF 296). C’est le cas en l’espèce. Le conseil a déterminé, tel qu’il est indiqué, que la prestataire était fondée à prendre un congé temporaire aux termes du sous-alinéa 29c)(xiv). Cependant, le conseil n’a pas tenu compte de l’expression « prévue par règlement ». Cette expression renvoie à l’article 51.1 du Règlement sur l’assurance-emploi (le Règlement), qui mentionne ce qui suit :

    51.1 Pour l’application du sous-alinéa 29c)(xiv) de la Loi, sont notamment prévues les circonstances raisonnables suivantes :

    a) le prestataire est dans l’obligation d’accompagner vers un autre lieu de résidence une personne avec qui il vit dans une relation conjugale depuis moins d’un an, dans l’un ou l’autre des cas suivants :
    (i) l’un d’eux a eu ou a adopté un enfant pendant cette période [...].

    Ces circonstances ne correspondent aucunement à la situation de la prestataire. Je conclus que le conseil a commis une erreur de droit lorsqu’il a déterminé que la situation de la prestataire était visée par le sous-alinéa 29c)(xiv).

    Toutefois, l’examen du cas n’est pas terminé. L’article 25 de la Loi s’applique aux faits établis. Il prévoit entre autres ce qui suit :

    Pour l’application de la présente partie, un prestataire est en chômage, capable de travailler et disponible à cette fin durant toute période où :

    a) il suit, à ses frais ou dans le cadre d’une prestation d’emploi ou d’une prestation similaire faisant l’objet d’un accord visé à l’article 63, un cours ou programme d’instruction ou de formation vers lequel il a été dirigé par la Commission ou l’autorité qu’elle peut désigner [...].

    Lors de l’instruction de cet appel le 30 août 2011, il a été convenu que l’avocat de la Commission disposerait de 14 jours pour fournir des renseignements concernant sa position, en fonction de l’article 25; la prestataire serait ainsi en mesure de répondre aux questions. Les choses se sont bel et bien déroulées de cette façon, mais la Commission a ensuite présenté d’autres renseignements que la prestataire a contestés. Malgré tout, j’ai examiné tous les renseignements fournis à la suite de l’audience.

    La Commission est d’avis qu’un prestataire qui obtient, aux termes de l’article 25, l’approbation d’une autorité désignée (et il ne fait aucun doute qu’Emploi Nouvelle-Écosse est une autorité désignée) pour suivre un cours de formation doit tout de même se voir « conseiller » de quitter son emploi. Le 7 septembre 2011, les observations suivantes ont été présentées à ce sujet :

    La Commission soutient que rien ne prouve que la prestataire a demandé ou obtenu l’approbation de l’autorité désignée avant de prendre un congé. En d’autres termes, la prestataire n’a pas demandé à l’autorité désignée si elle pouvait prendre un congé, et l’autorité désignée n’a pas conseillé à la prestataire de le faire. L’autorité désignée considérait que la prestataire était disponible pour travailler pendant ses études, aux termes de l’article 25 de la Loi4.
    Cependant, l’autorité désignée n’a pas conseillé à la prestataire de prendre un congé sans solde, alors qu’elle occupait un emploi bien rémunéré, pour suivre sa formation.

    Le fait que l’autorité désignée considère que la prestataire était disponible pour travailler au sens de l’article 25 ne prouve pas qu’elle lui a conseillé de quitter son emploi. Cela ne prouve pas non plus que la prestataire était fondée à quitter son emploi et qu’elle ne disposait d’aucune autre solution raisonnable. Le fait que la prestataire était considérée comme disponible pour travailler aux termes de l’article 25 ne constitue pas automatiquement une justification pour prendre un congé ou quitter un emploi.

    Ce n’est que dans les cas où l’autorité désignée conseille à un prestataire de prendre un congé ou de quitter son emploi qu’il est possible de déterminer que le prestataire était fondé à le faire5.
    [Traduction]

    Par la suite, l’avocat de la Commission a présenté des observations datées du 21 septembre 2011, dans lesquelles il a écrit ce qui suit :

    La Commission transmet aux autorités désignées les lignes directrices et procédures ci-jointes concernant les demandes d’autorisation de quitter un emploi (les « lignes directrices »).
    [Traduction]

    Les observations contenaient également le passage suivant :

    En l’espèce, la situation de la prestataire ne correspond pas aux circonstances exceptionnelles mentionnées dans les lignes directrices. Par conséquent, la prestataire n’aurait pas pu obtenir l’autorisation de quitter son emploi.

    La prestataire ne s’est pas vu conseiller de prendre un congé pour suivre une formation. Elle n’est donc pas fondée à prendre un congé et ne peut être admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi dans ces circonstances.
    [Traduction]

    Les faits ne sont pas contestés. L’employeur a exigé que Mme H.P. perfectionne ses compétences afin de pouvoir conserver son poste. Mme H.P. a présenté une demande à Emploi Nouvelle-Écosse, une autorité désignée, afin d’être dirigée vers une activité de formation conformément à l’article 25 de la Loi. Elle a ensuite été dirigée vers une telle activité. La formation a commencé au début de janvier 2011 à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, et elle est toujours en cours. Mme H.P. ne s’est pas vu « conseiller » de quitter son emploi, mais elle est de toute évidence en congé en attendant de terminer la formation vers laquelle elle a été dirigée.

    Compte tenu de ces circonstances, je ne vois pas l’intérêt de renvoyer l’affaire à un autre conseil arbitral puisque tous les faits existent. Je vais donc rendre la décision que le conseil arbitral aurait dû, selon moi, rendre.

    À la lumière des documents qu’Emploi Nouvelle-Écosse a transmis à Mme H.P., il est évident que celle-ci a présenté une demande puis obtenu une autorisation parce qu’elle souhaitait quitter son emploi et être admissible au bénéfice des prestations, sans plus, à condition qu’elle commence une formation et qu’elle la poursuive. D’un point de vue pratique, il était essentiel que Mme H.P. quitte l’emploi qu’elle occupait à l’île du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, pour pouvoir suivre une formation à temps plein à Fredericton, au Nouveau-Brunswick. Autrement, il serait ridicule qu’elle obtienne une approbation pour suivre cette formation.

    La position de la Commission repose sur les lignes directrices. Celles-ci ne sont associées à aucun pouvoir législatif et ne peuvent primer sur la Loi ou son règlement d’application. Dans ses observations, l’avocat de la Commission n’a pas indiqué que ces lignes directrices représentaient plus que des positions de principe internes. Il n’a mentionné aucune autorité judiciaire selon laquelle les lignes directrices ont la priorité sur le libellé de la Loi. Aux termes de la Loi, un prestataire est en chômage et disponible pour travailler pendant qu’il suit une formation vers laquelle il a été dirigé par une autorité désignée, ce qui est le cas en l’espèce. Les lignes directrices de la Commission ne peuvent obliger la prestataire à faire quoi que ce soit qui va au-delà des exigences de la Loi (voir décision CUB 17986). Mme H.P. a pris toutes les dispositions nécessaires pour être admissible au bénéfice des prestations pendant sa formation à Fredericton. L’appel de la Commission est rejeté.

    David H. Russell
    JUGE-ARBITRE

    FREDERICTON (Nouveau-Brunswick)
    Le 7 octobre 2011

    2012-02-14