TRADUCTION
DANS L’AFFAIRE de la LOI SUR L’ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d’une demande de prestations présentée par
U.I.
- et -
d’un appel interjeté devant un juge-arbitre par la Commission
à l’encontre d’une décision rendue par le conseil arbitral
à Richmond Hill (Ontario) le 17 août 2011
Le juge-arbitre M. E. LAGACÉ
La Commission porte en appel la décision du conseil arbitral d’accueillir l’appel du prestataire à l’encontre du refus de sa demande de prestations parce qu’il a tardé à la présenter; le conseil a conclu que le prestataire avait agi comme une personne raisonnable et avait prouvé qu’il avait un motif valable pour avoir tardé pendant un an à déposer sa demande, en conformité avec le paragraphe 10(5) de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi).
Le prestataire a reçu un relevé des prestations le 9 avril 2010 en même temps qu’on lui a fourni son code d’accès et des renseignements à savoir quand il devait remplir sa prochaine déclaration, le tout assorti de directives sur la façon de remplir sa demande.
La Commission a refusé sa demande au motif d’une présentation tardive, car il n’a tenté ni de remplir des déclarations ni de communiquer avec la Commission avant le 4 avril 2011, soit quand il a demandé que sa demande soit antidatée pour prendre effet le 5 avril 2010.
Dans son appel devant le conseil, le prestataire a expliqué la situation exceptionnelle dans laquelle il s’était retrouvé au cours de la période en question : il vivait dans une région éloignée et ne savait pas très bien se servir d’un ordinateur, aussi s’attendait-il à recevoir les formulaires appropriés à remplir de la part de la Commission; entre-temps, sa maison et sa voiture ont été détruites par une tornade, et ses pertes n’étaient couvertes par aucune assurance; la même chose est arrivée aux maisons de sa mère et de sa sœur, toutes deux situées dans le même secteur dévasté; il a dû absorber le coût du remplacement de son toit et, comme il était sans ressources, il a dû s’employer aux réparations de sa maison de même qu’à celles des membres de sa famille; pendant qu’il s’affairait à cette tâche, il est tombé du toit et s’est blessé; la Ville a intenté une action contre lui parce qu’il n’avait pas les permis nécessaires pour faire ces réparations; entre-temps, les outils dont il se servait pour réparer son toit ont été volés; et sa maison a été envahie par l’eau en raison de la pluie qui s’est infiltrée à travers le toit endommagé.
De plus, au cours de cette période, il a perdu un membre de sa famille et devait s’occuper de ses parents âgés et souffrants qui ont été obligés de déménager à quatre reprises. En raison de tous ces problèmes, il a été exposé à un stress considérable qui l’a amené à négliger le suivi de sa demande auprès de la Commission et à oublier les formulaires qu’il s’attendait de recevoir d’elle. De plus, toujours au cours de cette période, le courrier a cessé d’être livré de façon convenable dans la région où il vivait, le facteur n’ayant plus d’endroit où laisser le courrier puisqu’il n’y avait plus de boîte aux lettres ou encore le courrier devant être laissé sans protection sur ce qui était auparavant la galerie avant du prestataire, là où il pouvait être dérobé.
Face à ces circonstances prises dans leur ensemble, le conseil a accueilli l’appel interjeté par le prestataire à l’encontre de sa déclaration d’inadmissibilité, au motif qu’il avait agi comme une personne raisonnable en essayant, avant de donner suite à sa demande de prestations d’assurance-emploi, d’assurer un toit aux membres de sa famille et de régler leurs problèmes de santé tout en composant avec la multitude de difficultés découlant de la tornade.
Dans son appel devant le juge-arbitre, la Commission fait valoir que le conseil a commis une erreur de fait et de droit quand il a tiré la conclusion qu’il a tirée, et que sa décision est déraisonnable.
Le soussigné reconnaît qu’il est maintenant bien établi en droit qu’il incombe au prestataire de s’enquérir de ses droits aux prestations; que le paragraphe 10(4) de la Loi porte qu’un prestataire qui retourne ses déclarations en dehors du délai prescrit doit prouver qu’il avait un motif valable expliquant son retard tout au long de la période; que le paragraphe 50(1) de la Loi rend non admissibles les prestataires qui ne remplissent pas une condition ou ne satisfont pas à une exigence qui y est prévue; et que le paragraphe 54 de la Loi porte en outre que les demandes hebdomadaires de prestations doivent être faites dans le délai prescrit conformément au paragraphe 26(1) du Règlement.
Par conséquent, il incombe au prestataire qui ne présente pas ses déclarations dans le délai prescrit de prouver qu’il avait un motif valable justifiant son retard (arrêts Chow, A-1000-92; Harbour, A-541-85). Le prestataire s’est-il acquitté de cette exigence en l’instance?
Aucun prestataire n’est un surhomme; il y a par conséquent une limite à ce dont on peut s’attendre d’une personne qui passe à travers une combinaison de circonstances exceptionnelles et difficiles comme celles auxquelles le prestataire a eu à faire face au cours de la période de retard en question. On ne demande pas à un prestataire de faire l’impossible pour protéger ses droits et pour assumer ses responsabilités en vertu de la loi, mais seulement de prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans les mêmes circonstances (arrêts Beaudin, A-341-04 et Rouleau, A-4-95).
Après avoir instruit l’appel du prestataire, le conseil a conclu en tenant pour avéré que le prestataire avait agi comme une personne raisonnable l’aurait fait tout en composant avec la combinaison exceptionnelle de problèmes difficiles à laquelle il a fait face et qui explique le retard à donner suite à sa demande auprès de la Commission.
La Loi ne prévoit pas que le juge-arbitre, à cette étape de la procédure, réévalue la preuve et substitue sa propre opinion à celle du conseil; il doit plutôt s’assurer du caractère raisonnable de sa décision. Après avoir analysé la preuve et la décision contestée, je conclus que la décision du conseil est bien fondée en droit et dans les faits et je ne vois aucune raison valable d’intervenir.
POUR CES MOTIFS, l’appel de la Commission est rejeté.
M. E. Lagacé
JUGE-ARBITRE
Montréal (Québec)
Le 27 janvier 2012