EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
RELATIVEMENT à une demande de prestations par
F.Z.
- et -
RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre
par l’employeur X.Y. Clinique Dentaire
de la décision d'un Conseil arbitral rendue
le 12 octobre 2010, à Montréal (Québec)
M. E. LAGACÉ, juge-arbitre
L’employeur interjette appel de la décision unanime du Conseil arbitral ayant pour effet de maintenir l’admissibilité de la prestataire aux prestations d’assurance-emploi et de rejeter les prétentions de l’employeur à l’effet que cette dernière aurait été congédiée pour inconduite selon les termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi).
L’employeur soutient que la prestataire a été congédiée pour avoir volé des sommes importantes dans l’exercice de ses fonctions, sommes pour lesquelles l’employeur a été dédommagé par son assureur.
La prestataire nie toute implication que ce soit dans la disparition des sommes d’argent en question.
Devant les déclarations contradictoires de l’employeur et de la prestataire, et jugeant l’insuffisance de preuve fournie par l’employeur quant au fait reproché, la Commission a décidé que les faits ne lui permettent pas de conclure à un congédiement pour inconduite, et en conséquence a accordé la demande de prestations conformément à l’article 30 de la Loi.
En appel de cette décision, l’employeur dépose la lettre de congédiement, le rapport comptable qui établit la valeur et la méthode utilisée pour le détournement, et une copie de la lettre de l’assureur et du chèque d’indemnisation de celui-ci.
L’employeur et le comptable ne témoignent pas devant le Conseil qui se contente des représentations faisant référence à la preuve écrite en dossier.
Le Conseil explique dans sa décision les lacunes qu’il relève dans la preuve de l’employeur pour justifier le congédiement de la prestataire pour inconduite.
Dans son appel au juge-arbitre, l’employeur tente de réfuter ces lacunes et invite ni plus ni moins celui- ci à substituer son appréciation des faits à celle du Conseil.
Bien sûr l’employeur n’accepte pas la décision du Conseil, et c’est pourquoi il réitère les mêmes arguments basés sur la même preuve pour inviter le juge-arbitre à conclure autrement.
Mais l’employeur oublie qu’il n’appartient pas au juge-arbitre d’apprécier les faits et de substituer son opinion à celle du Conseil, sur une question impliquant la crédibilité de la prestataire; le rôle du soussigné se limite à vérifier si la décision attaquée contient des erreurs de faits ou de droit suffisamment importantes pour la rendre déraisonnable.
Le fait qu’un rapport comptable établit le détournement de certaines sommes n’implique pas pour autant que la prestataire en est responsable; et le Conseil n’a commis aucune erreur en retenant que le rapport comptable, l’unique preuve des tractations financières, repose uniquement sur les informations reçues de l’employeur par le comptable vérificateur. L’employeur n’est jamais venu témoigner pour relier la prestataire au résultat de cette expertise. Le fait que l’assureur de l’employeur l’ait indemnisé ne fait pas plus preuve du détournement reproché à la prestataire.
De plus, aucune preuve n’a été faite par l’employeur pour tenter de contredire le témoignage de la prestataire lorsqu’elle déclare ne pas avoir confectionné les listes de clients qu’on lui oppose pour établir les sommes subtilisées. Il en va de même pour plusieurs dates où de l’argent aurait été subtilisé, aucune preuve ne vient contredire l’affirmation de la prestataire à l’effet qu’elle ne travaillait même pas ces jours-là, et que de plus elle n’était pas la seule à recevoir des paiements comptant des clients.
Quant au rapport comptable, il vaut uniquement pour les calculs qu’il contient, mais il n’a aucune valeur quant au lien qu’il fait entre le détournement et la prestataire, dans la mesure où ce lien repose uniquement sur les informations fournies par l’employeur. Ces informations reprises dans le rapport comptable constituent du ouï-dire, et ce tant et aussi longtemps que l’employeur lui-même ne vient pas en faire la preuve de façon convaincante; or l’employeur n’ayant pas témoigné à ce sujet devant le Conseil, comment peut-on reprocher à celui-ci d’avoir cru le témoignage de la prestataire contredit uniquement par une preuve de ouï-dire? L’assureur de l’employeur était sans doute justifié de l’indemniser sur la foi d’une expertise comptable qui établit un détournement, mais cette indemnisation ne prouve pas pour autant que la prestataire en est responsable.
Il est peut-être vrai que l’employeur a déposé contre la prestataire une plainte à la section des fraudes financières de la ville de Montréal, comme le souligne à juste titre l’employeur, mais rien dans la preuve n’indique, comme le retient à juste titre le Conseil, que cette plainte a été suivie du dépôt d’une accusation criminelle contre la prestataire, et que cette plainte était bien fondée.
Le soussigné, ayant analysé la preuve, ne voit aucun motif valable d’intervenir sur une pure question de faits qui implique la crédibilité de la prestataire par rapport à la preuve déficiente offerte par l’employeur. L’employeur d’ailleurs n’a relevé aucune erreur de fait ou de droit suffisamment importante dans la décision du Conseil pour justifier l’intervention du soussigné; oui, le Conseil n’a pas conclu dans le sens souhaité par l’employeur, mais c’était au Conseil de peser le mérite des prétentions des parties, et il n’appartient pas après coup au soussigné de substituer son appréciation des faits à celle tout aussi valable du Conseil.
Après avoir analysé les faits mis en preuve, le soussigné se doit de conclure que la décision du Conseil paraît justifiée tant par les faits mis en preuve que le droit, et qu’il s’agit donc d’une décision raisonnable justifiant le rejet de l’appel.
POUR CES MOTIFS, je rejette l’appel de l’employeur
M. E. Lagacé
JUGE-ARBITRE
Montréal (Québec)
Le 8 février 2012