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  • CUB 71941

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d'une demande de prestations

    - et -

    d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par la Commission à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Montréal (Québec) le 15 mai 2008

    DÉCISION

    Le juge-arbitre GUY GOULARD

    La prestataire a travaillé dans une résidence pour personnes âgées jusqu'au 31 octobre 2006. Elle a présenté une demande initiale le 15 janvier 2008 et une période de prestations débutant le 13 janvier 2008 a été établie à son profit. La Commission a déterminé que la prestataire n'était pas fondée à quitter son emploi et l'a exclue du bénéfice des prestations pour une période indéterminée à partir du 13 janvier 2008. Elle a également déterminé que la prestataire n'était pas disponible pour travailler parce qu'elle était assignée à résidence et l'a donc déclarée non admissible au bénéfice des prestations pour une période indéterminée à partir du 20 février 2008, aux termes du paragraphe 18 a) de la Loi sur l'assurance-emploi. En outre, la Commission a déterminé que la prestataire n'était pas admissible aux prestations de maladie, car, même si elle n'avait pas été malade, elle n'aurait pas été disponible pour travailler en raison de son assignation à résidence.

    La prestataire a interjeté appel des décisions de la Commission devant un conseil arbitral, lequel a accueilli l'appel concernant le bien-fondé du départ volontaire et l'admissibilité au bénéfice des prestations de maladie, mais a rejeté l'appel concernant la disponibilité pour travailler pendant l'assignation à résidence. La Commission appelle des décisions rendues par le conseil. L'appel a été instruit à Montréal (Québec) le 13 février 2009. La prestataire a été dûment convoquée, mais elle ne s'est pas présentée. Elle n'a pas non plus communiqué avec le Bureau du juge-arbitre ni avec la Commission. Cette dernière a soutenu que le conseil avait commis une erreur en déterminant que la prestataire avait prouvé qu'elle était fondée à quitter volontairement son emploi, aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi.

    La prestataire a déclaré qu'elle avait quitté son emploi parce qu'elle devait purger une sentence de 18 mois en prison (pièce 5). Elle avait été incarcérée du 17 mai au 5 juillet 2007 avant de participer à un programme de réhabilitation du 5 juillet au 5 décembre 2007 pour traiter sa toxicomanie. Par après, elle avait été assignée à résidence jusqu'à la fin d'avril 2008.

    La prestataire s'est présentée devant le conseil et a confirmé les faits figurant au dossier d'appel. Elle a déclaré qu'elle n'avait pas d'autre choix que de quitter son emploi parce qu'elle devait participer à un programme de traitement de la toxicomanie si elle voulait sortir de prison. Ce n'est que le 20 avril 2008, soit à la fin de son assignation à résidence, qu'elle a pu finalement être disponible pour travailler.

    Le conseil arbitral a examiné la preuve et accueilli l'appel de la prestataire relativement à la question concernant le bien-fondé du départ volontaire pour les raisons suivantes :

    Depuis son dernier jour de travail le 31 octobre 2006, la prestataire a traversé une période particulièrement difficile. Elle n'a pas pu travailler pendant plus de six mois en raison d'une blessure au dos, puis elle a passé deux mois en prison. Elle a été libérée à la condition de participer à un programme de réhabilitation intensif d'une durée de six mois. Par après, elle a été assignée à résidence, et le médecin de famille qui la traite depuis longtemps l'a déclarée inapte au travail pour une période de trois mois (pièce 4). En ce moment, elle essaie seulement de s'en sortir. Elle est sans doute la seule responsable de ses déboires, néanmoins, elle a quand même beaucoup souffert. Lorsqu'elle a finalement quitté son emploi, elle n'avait pas travaillé pendant plus de six mois, et elle quittait la prison pour aller dans un centre de réhabilitation où les règlements étaient très sévères. Ses relations avec son employeur semblaient alors se détériorer, notamment en raison de son absence prolongée. Elle devait encore s'absenter du travail, mais elle n'a pu obtenir une prolongation de son congé. Le conseil considère que cette version des faits est suffisamment crédible compte tenu des circonstances et que, par conséquence, le départ volontaire était la seule solution raisonnable qui s'offrait à la prestataire.

    [Traduction]

    En l'espèce, la preuve non contestée a permis d'établir que la prestataire avait dû quitter son emploi parce qu'elle était incarcérée. Il a été clairement établi qu'un prestataire qui perd son emploi en raison de son incarcération ou de toute autre ordonnance du tribunal qui l'empêcherait de travailler n'est pas admissible au bénéfice des prestations, peu importe que la fin de son emploi résulte d'un départ volontaire sans justification ou d'un congédiement en raison d'une inconduite [arrêts Borden (A-338-03), Lavallée (A-720-01) Easson (A-1598-92) et Brissette (A-1342-92)]. Dans l'arrêt Borden (précité) le juge Létourneau a écrit ce qui suit :

    Le fait est que l'emploi du défendeur a pris fin lorsqu'il a été incarcéré, parce qu'il ne pouvait plus remplir une condition essentielle de son contrat de travail. Comme la Cour suprême du Canada l'a établi dans l'arrêt Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Maksteel Québec Inc., 2003 CSC 68, aux paragraphes 32 et 33, lorsqu'un employé qui ne peut travailler parce qu'il est incarcéré est renvoyé, « [l]e congédiement découle [...] de l'indisponibilité de l'employé. Cette indisponibilité est une conséquence inéluctable de la privation de liberté qui est légitimement imposée à l'employé qui a commis un acte prohibé. [...] Tout contrevenant doit subir les conséquences découlant de son emprisonnement, voire la perte de son emploi en cas d'indisponibilité ».

    Je conclus donc que le conseil arbitral a commis une erreur de droit et une erreur de fait aux termes de la Loi sur l'assurance-emploi en déterminant que la prestataire était fondée à quitter son emploi.

    Par conséquent, l'appel est accueilli. La décision du conseil arbitral concernant le bien-fondé du départ volontaire est annulée et la décision de la Commission est confirmée.

    Guy Goulard

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    Le 27 février 2009

    2011-01-16