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  • A-154-11 - JUGEMENT DE LA COUR D’APPEL FÉDÉRALE

    CUB CORRESPONDANT : 76454A

    DATE: 20120703
    DOSSIER : A-154-11
    RÉFÉRENCE : 2012 CAF 202
    DÉCISION DU JUGE-ARBITRE : CUB 76454

    « TRADUCTION »

    Coram:

    ENTRE : ROB MAUCHEL, appelant,
    Et : LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, intimé

    Audience tenue à Toronto (Ontario), le 27 juin 2012.

    MOTIFS DU JUGEMENT : Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 3 juillet 2012.

    LE JUGE EVANS :

    [1] Rob Mauchel a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi le 14 septembre 2009 et a demandé que sa demande soit antidatée au 5 octobre 2007, date à laquelle il a quitté son emploi à Ottawa pour déménager avec son épouse à Toronto où elle avait accepté un emploi.

    [2] M. Mauchel a déclaré que ce n’est qu’en septembre 2009, alors que son épouse a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi, qu’il a constaté que le fait de déménager dans une autre ville avec un conjoint pouvait justifier un départ volontaire et qu’il pouvait être admissible à des prestations. Il a appris cela d’un agent de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission), qui lui a également suggéré de faire antidater sa demande.

    [3] La Commission a rejeté la demande d’antidatation de M. Mauchel, celui-ci n’ayant pas démontré qu’il avait un motif valable au sens du paragraphe 10(4) de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi), de présenter sa demande de prestations avec un retard de deux ans. M. Mauchel n’était pas admissible à des prestations d’assurance-emploi à la date de sa demande, soit le 14 septembre 2009, parce qu’il ne comptait pas suffisamment d’heures de rémunération assurable au cours des douze mois précédents.

    [4] M. Mauchel a interjeté appel de la décision de la Commission à un conseil arbitral (le conseil arbitral). La seule question dont le conseil arbitral était saisi était celle du refus de la Commission d’antidater sa demande.

    [5] Dans son témoignage, M. Mauchel a déclaré que, comme il avait déjà été prestataire d’assurance-emploi et avait déjà travaillé dans le domaine de la technologie de l’information, et qu’il était à ce titre habitué à faire des recherches dans Internet, il reconnaissait que les renseignements obtenus à partir du site Web de Service Canada au sujet de l’admissibilité à l’assurance-emploi étaient véridiques et faisaient autant autorité que s’ils étaient fournis par un agent de la Commission. Il a qualifié les renseignements figurant sur le site Web de [TRADUCTION] « clairs et non équivoques ». Puisqu’il ressortait de ces renseignements que l’assurance-emploi visait ceux qui avaient perdu leur emploi sans y être pour quoi que ce soit, il a conclu qu’une personne dans sa situation était inadmissible à recevoir des prestations. Or, s’il avait fait une recherche plus en profondeur sur le site Web, il aurait découvert que ceux qui quittaient leur emploi parce qu’ils devaient déménager afin d’accompagner leur époux vers un autre lieu de résidence pouvaient être admissibles à des prestations.

    [6] Le conseil arbitral a conclu que, [TRADUCTION]« en raison de son expérience dans le domaine de la technologie de l’information et du fait qu’il a déjà été prestataire de l’assurance-emploi », il était raisonnable que M. Mauchel infère de ce qu’il avait lu sur le site Web qu’il n’était pas admissible à des prestations. M. Mauchel n’avait donc aucune raison de vérifier sa situation auprès de la Commission avant septembre 2009, alors qu’il a appris qu’il pouvait être admissible à des prestations. En conséquence, le conseil arbitral a estimé que M. Mauchel avait fait ce qu’une personne raisonnable se trouvant dans la même situation aurait fait pour se renseigner sur ses droits et ses obligations.

    [7] Pour ce motif, le conseil arbitral a accueilli l’appel, statuant que M. Mauchel avait démontré l’existence d’un motif valable durant toute la période du retard à déposer sa demande de prestations. La Commission a interjeté appel de la décision du conseil arbitral à un juge-arbitre, qui a accueilli l’appel (CUB 76454).

    [8] Le juge-arbitre a conclu que, puisque M. Mauchel avait trouvé le site Web « trop compliqué ou incomplet », une personne raisonnable aurait entrepris d’autres démarches auprès de la Commission pour se renseigner à propos de son admissibilité à des prestations. Le juge-arbitre a déclaré qu’il ne s’agissait pas d’une affaire où un employé de la Commission avait mal informé un prestataire, ou qu’un prestataire, en raison d’une maladie, a été empêché de chercher de l’information. Il a annulé la décision du conseil arbitral au motif qu’elle était entachée d’une erreur de fait et de droit.

    [9] M. Mauchel a présenté à la Cour une demande de contrôle judiciaire de la décision du juge-arbitre.

    [10] Je reconnais que le juge-arbitre a commis une erreur en concluant que le conseil arbitral avait convenu avec M. Mauchel que le site Web de Service Canada était « indûment compliqué et ne présentait pas adéquatement les renseignements dont le prestataire avait besoin pour présenter sa demande ». Le conseil arbitral n’a tiré aucune conclusion de la sorte, mais semble avoir accepté le témoignage de M. Mauchel, qui a dit avoir trouvé les renseignements sur le site Web [TRADUCTION] « clairs et non équivoques » et qu’il n’avait pas communiqué avec la Commission parce que les renseignements n’étaient pas [TRADUCTION] « difficiles à comprendre ou trompeurs ». Néanmoins, je ne suis pas convaincu que l’erreur du juge-arbitre était importante parce que, malgré cette erreur, le juge-arbitre ne pouvait, d’après les faits constatés par le conseil arbitral, faire autrement que conclure que la décision de celui-ci était déraisonnable.

    [11] M. Mauchel a reconnu que le site Web indique qu’une personne qui a quitté volontairement son emploi afin de déménager avec son époux dans un autre lieu de résidence pourrait être admissible à des prestations d’assurance-emploi. Il a toutefois soutenu qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce qu’une personne raisonnable trouve cet exemple de « motif valable ». En effet, le message principal que le site Web transmettait au départ au lecteur était que seules les personnes qui perdaient malgré eux leur emploi étaient admissibles et l’appelant a estimé qu’un départ volontaire n’équivalait pas à une « perte » d’emploi.

    [12] Il a ajouté que, même s’il avait lu que le fait de déménager pour accompagner son épouse pouvait justifier un départ volontaire, il n’aurait pas pensé que ce motif s’appliquait à lui. À l’exception de la grossesse, tous les exemples de motif valable sont « négatifs », et son épouse et lui avaient pris ensemble la décision « positive » de déménager si elle obtenait un emploi à Toronto. En conséquence, a-t-il déclaré, il ne « devait » pas déménager au sens où le site Web le laissait entendre.

    [13] Je ne suis pas d’accord. Une personne raisonnable qui se fie au site Web pour obtenir des renseignements doit faire une recherche plus approfondie que celle à laquelle M. Mauchel semble s’être livrée. Une personne raisonnable ne se serait pas laissée induire en erreur par les premières informations générales apparaissant sur le site au sujet de l’admissibilité aux prestations au point d’être dissuadée de chercher des renseignements plus précis concernant sa situation. Ces premières informations selon lesquelles l’assurance-emploi est destiné aux personnes qui perdent leur emploi sans y être pour quoi que ce soit sont suffisamment générales pour viser les personnes qui sont sans emploi parce qu’elles ont volontairement quitté celui qu’elles avaient pour un motif valable.

    [14] À mon avis, le site Web contenait suffisamment de renseignements pour amener une personne raisonnable placée dans une situation semblable à celle de M. Mauchel à se demander si elle pouvait être admissible à des prestations et à communiquer avec la Commission pour obtenir une réponse ou présenter une demande. La question n’est pas de savoir si un prestataire en particulier a trouvé les renseignements clairs et non équivoques et décidé qu’il était inutile de fouiller davantage sur le site Web, mais bien de savoir si une personne raisonnable aurait pensé ainsi. Nul ne prétend que le site Web contenait des renseignements erronés.

    [15] Puisque le site Web n’est pas censé répondre à tous les cas particuliers, les prestataires ne peuvent pas raisonnablement considérer les renseignements qui y figurent comme des renseignements personnalisés offerts par un agent en réponse à leurs demandes d’information quant à leur admissibilité. Que plusieurs jours s’écoulent avant que l’on réussisse à parler à un agent de la Commission par téléphone ne saurait justifier le retard de M. Mauchel.

    [16] Pour ces motifs, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire.

    « John M. Evans », j.c.a.

    Marc Noël, j.c.a.: « Je suis d’accord »

    K. Sharlow, j.c.a.: « Je suis d’accord »

    2012-10-25