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  • Jugement de la Cour d’Appel Fédérale #A-209-89 - DAVID, B., MORRISON c. COMMISSION

    JUGEMENT DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE

    Daté :
    le 2 mai 1990

    Dossier :
    A-209-89

    Décision du juge-arbitre :
    CUB 16202

    « TRADUCTION »

    CORAM :

    LE JUGE MARCEAU, J.C.A.
    LE JUGE STONE, J.C.A.
    LE JUGE MacGUIGAN, J.C.A.

    AFFAIRE INTÉRESSANT L'ARTICLE 28 DE
    LOI SUR LA COUR FÉDÉRALE

    ET une décision d'un juge-arbitre
    nommé en vertu de l'article 92 de
    la Loi de 1971 sur l'assurance chômage,

    ENTRE :

    DAVID B. MORRISON,

    requérant pour lui-même et d'autres personnes,

    requérant,

    - et -

    LA COMMISSION DE L'EMPLOI ET DE L'IMMIGRATION DU CANADA,

    intimée.


    Audience tenue à Vancouver (C.-B.), le vendredi 6 avril 1990.

    MOTIFS DU JUGEMENT
    (Jugement rendu à Ottawa, Ontario,
    le mercredi 2 mai 1990)
    ;
    Prononcé par


    LE JUGE MacGUIGAN :

    La présente requête en vertu de l'article 28, déposée au nom du requérant et de 68 autres personnes, cherche à faire réviser et annuler une décision rendue le 7 février 1989 par le juge Muldoon qui, agissant comme juge-arbitre en vertu de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage ("la Loi"), maintenait la décision d'un conseil arbitral. Selon la décision contestée, le requérant avait "perdu son emploi du fait d'un arrêt de travail dû à un conflit collectif" au sens du paragraphe 44(1) de la Loi, parce que, à cause d'un conflit de travail dans l'industrie forestière de la Colombie-Britannique, il a omis de retourner à son poste à la date prévue après une mise à pied saisonnière de quatre semaines. Il a donc été juge inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-chômage.

    Les conclusions du juge-arbitre sur les faits étaient les suivantes (dossier, p. 322-3):

    [Traduction]
    Il est évident que le prestataire et ses collègues de travail avaient réellement un emploi à perdre le 11 août 1986 et que ce dernier a été perdu par suite de la grève, même si cette dernière était prématurée, lorsqu'une ligne de piquetage, non autorisée mais néanmoins bien réelle, a persuadé l'équipe d'entretien et le personnel de l'atelier de ne pas se présenter au travail le 7 août 1986... La grève spontanée a eu lieu et c'est cette dernière qui est à l'origine de l'arrêt de travail. L'idée d'une cause postérieure ou secondaire n'est tout simplement pas pertinente.
    Puisqu'elle s'appuie sur des éléments de preuve, cette conclusion ferme du juge-arbitre sur les faits ne peut être contestée à moins qu'il ait fait une erreur de droit en aboutissant à cette conclusion.

    C'est exactement ce que le requérant soutient. Selon le requérant, la question soulevée dans la présente requête est de savoir si le requérant avait un emploi à perdre lorsque l'arrêt de travail s'est produit. S'appuyant sur Gionest c. Commission de l’assurance-chômage (1983) 1 C.F. 832 (C.A.), (1982) 5 D.L.R. (4e série) 686, et Procureur général du Canada c. Carpentier (1982) CUB 7464 (le juge Marceau) 1 , le requérant en l'espèce a soutenu qu'il ne pouvait pas perdre son emploi par suite d'un conflit de travail, puisqu'il n'était pas réellement employé à l'époque en cause. En d'autres mots, il a admis qu'il existait une date de rappel précise (comme l'employeur l'a déclare: dossier p. 88). mais a allégué qu'il ne s'agissait pas d'un emploi au sens se la Loi jusqu'à ce qu'il soit réellement de retour au travail.

    À l'appui de cette position, il cite le juge Pratte dans l'affaire Gionest (p. 835 C.F., 688 D.L.R.):

    On ne peut perdre ce qu'on ne possède pas. Une personne ne peut perdre son emploi si elle n'a d'abord un emploi qu'elle perd subséquemment. Il est vrai que celui qui est sans emploi et qui perd une chance, une occasion d'être employé, perd, en un certain sens, un emploi; mais il ne perd pas son emploi parce que cet emploi n'a jamais été le sien.
    Cependant, dans l'affaire Gionest, les employés visés avaient été mis à pied pour l'hiver et la convention collective avait pris fin lorsque l'employeur avait décidé de ne pas réouvrir son usine de transformation de poisson avant la conclusion d'une nouvelle convention collective. Le juge Pratte poursuivait en ces termes (835 C.F., 688 D.L.R.):
    En l'espèce, les requérants étaient déjà en chômage lorsque l'employeur, en raison des négociations en cours, a retardé l'ouverture de l'usine. Ils n'avaient, à ce moment, aucun emploi et, à cause de cela, ne pouvaient perdre leur emploi.
    Par ailleurs, en l'espèce, un avis de rappel, comme l'a constaté le juge-arbitre, prévoyait le retour au travail à une date précise. La précarité de l'emploi qui existait dans l'affaire Gionest ne se retrouvait pas en l'espèce. Dans l'affaire Carpentier, le juge-arbitre (alors le juge Marceau) a soutenu que les trois professeurs remplaçants dont le contrat pour l'année précédente avait pris fin et qui, à cause d'une grève, n'avaient pas été rappelés n'étaient pas employés au moment de la grève. Encore une fois, cette affaire se distingue clairement des faits en l'espèce car le requérant disposait d'un contrat de travail et d'un rappel au travail.

    À mon avis, la règle de droit pertinente est plutôt celle qui a été établie par la Cour dans l'affaire Procureur général du Canada c. Morgan (1988), 98 N.R. 92 et dans l'affaire Roberts c. Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada (1985) 60 N.R. 349. Dans l'affaire Morgan, la Cour a maintenu la décision d'un juge-arbitre pour le motif que la date à laquelle l'emploi commence ou se termine est une pure question de fait. Dans l'affaire Roberts, la décision d'un juge-arbitre a été annulée parce qu'elle ne respectait pas la décision du conseil arbitral sur les faits, car le conseil avait soutenu que [TRADUCTION] "le prestataire n'avait pas perdu son emploi par suite du conflit de travail, mais qu'il l'aurait perdu de toute façon à cause de conditions indépendantes de sa volonté" (p. 350-1). Des décisions semblables ont été rendues par des juges-arbitres dans les affaires suivantes : James (1987) CUB 14168 (le juge Joyal); Smith (1987) CUB 14416 (le juge Joyal); Smith (1989) CUB 14416A (le juge Denault).

    Ces affaires ne justifient donc pas l'ajout à la Loi d'une exigence selon laquelle un prestataire devrait être réellement au travail pour que le paragraphe 44(1) s'applique. En effet, un avis de rappel pour une date précise suffit. La véritable décision à prendre porte sur les faits, c'est-à-dire qu'il s'agit de savoir si le prestataire «... a perdu son emploi du fait d'un arrêt de travail dû à un conflit collectif...» C'est exactement la question que le juge-arbitre s'est posée et il y a répondu en disant qu' [TRADUCTION] "il était évident que le prestataire et ses collègues de travail avaient réellement un emploi à perdre le 11 août 1986 et que ce dernier avait été perdu par suite de la grève" (dossier, p. 322).

    L'affaire serait tranchée si on n'avait soulevé un point au cours des plaidoiries au sujet de la version française du paragraphe pertinent de la Loi. Voici le texte du paragraphe 44(1) de la Loi dans ses deux versions officielles: L'affaire serait tranchée si on n'avait soulevé un point au cours des plaidoiries au sujet de la version française du paragraphe pertinent de la Loi. Voici le texte du paragraphe 44(1) de la Loi dans ses deux versions officielles:

    See 44(1) A claimant who has lost his employment by reason of a stoppage of work attributable to a labour dispute at the factory, workshop or other premises at which he was employed is not entitled to receive benefit until Act. 44(1) Un prestataire qui a perdu son emploi du fait d’un arrêt de travail dù à un conflit collective à l’usine, à l’atelier ou en tout autre local où il exerçait un emploi n’est pas admissible au bénéfice des prestations tant que ne s’est pas réalisée l’une des éventualités suivantes, à savoir:
    a) the termination of the stoppage of work, a) à la fin de l’arrêt du travail,
    b) he becomes bona fide employed elsewhere in the occupation that he usually follows, or b) son engagement de bonne foi à un emploi exercé ailleurs dans le cadre de l’occupation qui est habituellement la sienne,
    c) he had become regularly engaged in some other occupation, whichever event first occurs. c) le fait qu’il s’est mis à exercer quelque autre occupation d’une laçon régulière.
    Le problème a trait à la signification de l'expression française «où il exerçait un emploi» et de l'extrait correspondant de la version anglaise, soit «at which he was employed.» Le verbe «exerçait» n'a pas la même connotation que «was employed». D'abord, il s'agit d'une voix active en français. De plus, il donne l'impression d'une personne réellement en train de travailler.

    Néanmoins, ces verbes se retrouvent dans une proposition subordonnée dont l'objet n'est que de préciser le lieu où la grève se produit et il semble peu probable que le Parlement ait utilisé ce moyen pour modifier le sens à donner à la proposition principale, soit «un prestataire qui a perdu son emploi... /a claimant who has lost his employment ...» En l'espèce, j'estime qu'il convient d'interpréter le texte français à la lumière du texte anglais tout aussi officiel.

    Par conséquent, je rejette la requête.



    (Mark R. MacGuigan)


    J.A.

    A souscrit aux motifs
    Le juge Marceau

    A souscrit aux motifs
    Le juge Stone


    1 Une requête en vertu de l'article 28 présentée contre la décision du juge Marceau a été rejetée par la Cour (dossier A-801-82, jugement le 12 janvier 1983).

    2011-01-16