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  • Jugement de la Cour d’Appel Fédérale #A-397-08 - BRULOTTE, PAUL-ANDRE , AND OTHER CO-APPLICANTS c. ATTORNEY GENERAL OF CANADA

    JUGEMENT DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE

    DATE :
    20090506

    DOSSIER :
    A-397-08

    RÉFÉRENCE :
    2009 CAF 149

    Décision du juge-arbitre :
    CUB 70719;

    CORAM :

    LE JUGE LÉTOURNEAU
    LE JUGE BLAIS
    LA JUGE TRUDEL

    ENTRE :

    PAUL-ANDRÉ BRULOTTE ET AUTRES CODEMANDEURS,

    demandeurs,

    - et -

    LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

    défendeur.

    Audience tenue à Québec (Québec), le 6 mai 2009.

    MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
    (Prononcés à l'audience à Québec (Québec),
    le 6 mai 2009);

    LA JUGE TRUDEL :

    [1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision du juge-arbitre Marin (CUB 70719, en date du 30 juin 2008) rejetant l'appel représentatif du demandeur. La décision du juge-arbitre, liant quelques 118 autres prestataires (dossier du demandeur aux pages 100 et suivantes), porte plus particulièrement sur les paragraphes (9) et (19) de l'article 36 du Règlement sur l'assurance-emploi (DORS/96-332) (le Règlement) relativement à la répartition de la rémunération aux fins du bénéfice des prestations.

    [2] Nous ne mentionnerons, en l'instance, que les faits spécifiques s'appliquant au cas du demandeur mais en ayant tout de même à l'esprit qu'il s'agit d'une cause type dont le résultat en appel s'appliquera également aux prestataires qui ont accepté de se joindre à cet appel représentatif.

    [3] Le 24 octobre 2001, le demandeur et ses collègues de travail ont été licenciés suite à la faillite de leur employeur, Les Industries Davie inc. (Davie). En vertu de l'alinéa 136(1)(d) de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, L.R.C. 1985, c. B-3, ils ont tous acquis le statut de créanciers privilégiés dans la faillite de Davie et ce, jusqu'à concurrence de 2 000 $ chacun.

    [4] Après son licenciement, le demandeur a formulé une demande de prestations d'assurance-emploi suite à laquelle une période de prestations prenant effet le 28 octobre 2001 a été établie à son profit.

    [5] Ce licenciement a aussi eu pour effet de mettre en cause l'article 36 du Règlement puisque les employés licenciés avaient droit, en vertu de leur convention collective, à des montants à titre d'avantages tels des congés fériés ou des paies de vacances (mémoire du défendeur à la page 3).

    [6] Les paragraphes pertinents de l'article 36 se lisent comme suit :

    (9) Sous réserve des paragraphes (10) et (11), toute rémunération payée ou payable au prestataire en raison de son licenciement ou de la cessation de son emploi est, abstraction faite de la nature de la rémunération et de la période pour laquelle elle est présentée comme étant payée ou payable, répartie sur un nombre de semaines qui commence par la semaine du licenciement ou de la cessation d'emploi, de sorte que la rémunération totale tirée par lui de cet emploi dans chaque semaine consécutive, sauf la dernière, soit égale à sa rémunération hebdomadaire normale provenant de cet emploi.

    (9) Subject to subsections (10) and (11), all earnings paid or payable to a claimant by reason of a lay-off or separation from an employment shall, regardless of the nature of the earnings or the period in respect of which the earnings are purported to be paid or payable, be allocated to a number of weeks that begins with the week of the lay-off or separation in such a manner that the total earnings of the claimant from that employment are, in each consecutive week except the last, equal to the claimant's normal weekly earnings from that employment.

    [...]

    [...]

    (19) La rémunération non visée aux paragraphes (1) à (18) est répartie :

    (19) Where a claimant has earnings to which none of subsections (1) to (18) apply, those earnings shall be allocated

    a) si elle est reçue en échange de services, sur la période où ces services ont été fournis;

    (a) if they arise from the performance of services, to the period in which the services are performed; and

    b) si elle résulte d'une opération, sur la semaine où l'opération a eu lieu.

    (b) if they arise from a transaction, to the week in which the transaction occurs.

    [je souligne]

    [emphasis added]

    [7] La particularité de ce dossier est que l'obligation de l'employeur de verser cette rémunération est passée au syndic nommé par les créanciers dans le cadre de la faillite de Davie. La rémunération a donc été versée par le syndic dans le cours normal de son administration. Pour le demandeur, elle le fut le 11 septembre 2008 (affidavit de Diane Brunet : dossier du demandeur, page 35 au paragraphe 2).

    [8] Comme le rapporte la décision de la Commission à l'origine du présent litige, conformément à l'article 46 de la Loi sur l'assurance-emploi L.C. 1996, ch. 23, le syndic a avisé celle-ci, en novembre 2006, que le demandeur avait droit à une somme brute de 1 420,97 $ pour des vacances impayées. Suite à la correspondance du syndic, la Commission a avisé le demandeur que le revenu payable à titre de dividende constituait une rémunération à déduire des prestations reçues selon le salaire hebdomadaire régulier du demandeur fixé à 840,40 $. Ainsi, la Commission décidait qu'aucune prestation ne lui était payable du 28 octobre au 3 novembre 2001 et qu'un solde de 219 $ serait réparti à la semaine commençant le 4 novembre 2001. La Commission ajoutait aussi que toute somme qui serait versée par le syndic au bénéfice du demandeur serait utilisée pour rembourser la Commission des prestations reçues en trop (dossier du demandeur à la page 91).

    [9] De là découlent les appels infructueux du demandeur au conseil arbitral et au juge-arbitre qui ont tous deux confirmé la décision de la Commission.

    [10] Parlant au nom de la Cour, notre collègue le juge Létourneau a écrit quant au paragraphe 36(9) :

    ... la jurisprudence de notre Cour est constante sur ce point et revêt le caractère d'une politique judiciaire permettant de donner un sens pratique et fonctionnel au paragraphe 36(9) du Règlement, un sens qui reflète l'intention législative que les paies de vacances, payées ou payables par suite d'un licenciement ou de la cessation d'un emploi, soient réparties sur un nombre de semaines qui commence par la semaine du licenciement ou de la cessation d'emploi. Il en est ainsi, comme le veut le paragraphe 36(9), « abstraction faite de la nature de la rémunération et de la période pour laquelle elle est présentée comme étant payée ou payable. » (Sarrazin c. Canada, 2006 CAF 313 au paragraphe 7).

    [11] Il en ressort que le paiement fait sous le paragraphe 36(9) du Règlement couvre « toute partie de rémunération qui devient due et exigible au moment où se termine le contrat de travail et commence l'état de chômage » (Lemay c. Canada, 2005 CAF 433 au paragraphe 4).

    [12] Le demandeur ne remet pas cette « politique judiciaire » en question. Il plaide plutôt que les faits de l'instance mettent en cause le paragraphe 36(19) du Règlement. Selon sa thèse, l'opération dont traite le paragraphe 36(19) serait, en l'espèce, ou la vente par le syndic, le 14 octobre 2006, de l'entreprise de la débitrice à une tierce société (mémoire du demandeur au paragraphe 42); ou la décision du syndic, un mois plus tard, de verser des « dividendes-vacances » aux employés ou ex-employés de Davie (mémoire du demandeur au paragraphe 38). Nous sommes d'avis que cette approche est erronée.

    [13] Dans le cas de la répartition de la rémunération, le paragraphe 36(9) du Règlement met l'accent sur le motif du versement de la rémunération et non sur le moment du versement de celle-ci.

    [14] Le paragraphe 36(19) du Règlement ne saurait avoir d'application dans les circonstances étant donné son caractère supplétif et le fait qu'il n'est mis en cause que lorsque aucun des paragraphes 1 à 18 ne trouve application.

    [15] Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée avec dépens.



    « Johanne Trudel »
    j.c.a.

    2011-01-16