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  • Jugement de la Cour d’Appel Fédérale #A-451-85 - CRUPI, CARM c. COMMISSION

    JUGEMENT DE LA COUR D’APPEL FÉDÉRALE

    Date :
    le 27 mars 1986

    Dossier :
    A-451-85

    Décision du juge-arbitre :
    CUB 10387;

    « TRADUCTION »

    CORAM :

    LE JUGE HEALD
    LE JUGE RYAN
    LE JUGE MacGUIGAN

    AFFAIRE INTÉRESSANT UNE DEMANDE FONDÉE SUR L'ARTICLE 28 DE LA LOI SUR LA COUR FÉDÉRALE

    ENTRE :

    CARM CRUPI,

    requérant,

    et

    COMMISSION CANADIENNE DE L'EMPLOI ET DE L'IMMIGRATION,

    intimée.

    Audience tenue à Ottawa le jeudi 16 janvier 1986.


    MOTIFS DE JUGEMENT
    (Jugement rendu à Ottawa
    le jeudi 27 mars 1986) ;
    Prononcé par

    LE JUGE HEALD :

    J'ai eu l'avantage de lire les motifs de jugement rédigés en l'espèce par mon collègue, le juge MacGuigan. La conclusion à laquelle je parviens relativement aux questions soulevées par la présente demande fondée sur l'article 28 est différente de la sienne. À mon avis, cette demande devrait être accueillie. J'entends, dans les motifs qui suivent, exposer mon raisonnement à l'appui de cette conclusion.

    Le juge MacGuigan a brossé les faits de façon détaillée; je n'ai pas l'intention de répéter cet exposé mais j'estime nécessaire d'insister sur les circonstances de fait qui m'apparaissent déterminantes. La question à résoudre est celle de savoir si le requérant, dans les circonstances de l'espèce, peut être considéré comme étant "détenu dans une prison ou un établissement semblable, ..." au sens que revêt cette phrase dans l'article 45 de la Loi. Le requérant a reçu des prestations du 18 mars 1984 au 21 mai 1984. Le 17 mai 1984, il a été arrêté par la police de Nepean et accusé d'une infraction au Code criminel. Le dossier ne révèle pas la nature de cette infraction. Le 18 mai 1984, il a été renvoyé au Penetanguishene Mental Health Centre pour une période de soixante jours à des fins d'examen psychiatrique. On a dit que ce renvoi était fondé sur l'opinion d'un certain Dr Blair, d'Ottawa. En fait, il a été détenu au Royal Ottawa Hospital jusqu'au 22 mai 1984, date à laquelle il est allé au centre Penetanguishene. Le pouvoir d'ordonner le renvoi pour une période de soixante jours serait prévu à l'alinéa 738(6)b) du Code criminel. Les paragraphes (5) et (6) de l'article 738 sont ainsi libellés :

    738. ...

    (5) Nonobstant le paragraphe (1), la cour des poursuites sommaires peut, à tout moment avant de déclarer un défendeur coupable ou de rendre une ordonnance contre lui ou de rejeter la dénonciation, selon le cas, lorsqu'elle est d'avis en se fondant sur le témoignage d'au moins un médecin dûment qualifié, qu'il y a raison de croire que le défendeur est un malade mental, renvoyer le défendeur au moyen d'une ordonnance, écrite à telle garde que la cour détermine pour observation pendant une période d'au plus trente jours.

    (6) Nonobstant le paragraphe (5), une cour des poursuites sommaires peut renvoyer le défendeur en conformité de ce paragraphe

    a) pour une période, d'au plus trente jours sans avoir entendu le témoignage d'une médecin dûment qualifié, lorsque les circonstances l'exigent et qu'il ne se trouve pas de médecin qui puisse à bref délai examiner l'accusé et rendre témoignage; et

    b) pour une période de plus de trente jours ne dépassant pas soixante jours, lorsqu'elle est convaincue qu'une telle période d'observation est requise compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire et que son opinion est appuyée par le témoignage d'au moins au médecin dûment qualifié.

    Le requérant ne s'était vu refuser le cautionnement ni au terme d'une audience de justification ni au terme d'une enquête sur la révision du cautionnement. Il a quitté le centre Penetanguishene à l'expiration de la période du renvoi de soixante jours, antérieure à la date de son procès. Il n'était pas sous garde le 18 juillet 1984, lorsqu'il est retourné à Ottawa. Le dossier ne révèle pas de façon précise la date à laquelle il a été décidé de l'accusation criminelle portée contre lui, mais il semble que, à une date se situant entre le 18 et le 20 juillet 1984, il a été trouvé coupable de l'accusation en question et libéré en vertu d'une ordonnance de probation. Le 20 juillet, le requérant a, par téléphone, avisé la Commission qu'[TRADUCTION] "il avait été innocenté par les tribunaux" et se trouvait à présent [TRADUCTION] "libéré en vertu d'une ordonnance de probation et placé sous la surveillance du ministère des Services correctionnels." La Commission l'a avisé que son inadmissibilité prendrait fin à compter du 18 juillet 1984. Le requérant a alors demandé des prestations de maladie pour la période s'étendant du 22 mai 1984 au 18 juillet 1984, présentant à l'appui de sa demande un certificat médical en date du 26 juin 1984 portant la signature du Dr E.T. Barker, un médecin pratiquant au centre médical de Penetanguishene. Dans ce certificat, le Dr Barker disait que le requérant était [TRADUCTION] "présentement sous observation en vertu d'une mandat de renvoi." Le requérant a également présenté un certificat médical portant la date du 16 août 1984 et signé par le Dr R. Bacmaceda, un médecin attaché au Royal Ottawa Hospital, dans lequel celui-ci diagnostiquait que la principale case de l'incapacité du demandeur était une [TRADUCTION] "psychose maniaco-dépressive - excluant la schizophrénie paranoïde". La Commission a fait parvenir au requérant un Avis de refus en date du 1er juin 1984. Il y est déclaré :

    [TRADUCTION]

    ...vous n'êtes pas admissible au bénéfice des prestations en vertu de l'alinéa 45a) de la Loi sur l'assurance-chômage et du paragraphe 55 du Règlement (sic), car vous êtes détenu dans un établissement. Le paiement des prestations est suspendu à partir du 22 mai 1984 tant et aussi longtemps que cette situation prévaudra.

    Je considère qu'il est utile, pour décider de l'interprétation qui doit être donnée aux termes "détenu dans une prison ou un établissement semblable" dans le contexte de l'article 45, de comparer le libellé actuel de cet article avec son libellé antérieur. L'article 45 actuel est le suivant :

    45. À l'exception des cas prévus à l'article 31, un prestataire n'est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle

    a) il est détenu dans une prison ou un établissement semblable, ou

    b) pendant qu'il est hors du Canada, sauf prescription contraire.

    Avant la modification apportée par S.C. 1974-75-76, chap. 80, art. 17, l'article 45 portait que :

    45. Sauf disposition contraire des règlements, un prestataire n'est pas admissible au bénéfice des prestations pendant qu'il est détenu dans une prison ou un pénitencier ou pensionnaire d'une établissement recevant des subventions publiques, ni pendant, qu'il réside à titre temporaire ou permanent hors du Canada.

    Il est évident que les paramètres de l'ancien article 45 sont beaucoup plus larges que ceux de l'article 45 actuel. Comme, à mon avis, mous pouvons présumer que le Penetanguishene Mental Health Centre reçoit des subventions publiques, il semble certain que, s'il était décidé de l'espèce en vertu de l'ancien article 45, le requérant serait exclu du bénéfice des prestations. En conséquence, par cette modification, les hôpitaux et les autres établissements recevant des subventions publiques ont été retirés du champ d'application de l'article 45, que ne s'étend à présent qu'aux prisons et aux établissements semblables aux prisons. Il est évident que la modification du libellé de l'article 45 a été fait dans un but précis, et il doit être présumé qu'elle a une certaine portée 1.

    L'étape suivante, à mon avis, consiste à adopter, en ce qui a trait à l'interprétation des termes pertinents de l'article 45, une approche qui tienne compte du contexte dans lequel il s'inscrit. Les mots doivent être interprétés selon le contexte global, dans leur acception grammaticale courante en conformité avec l'esprit et l'objet de la Loi et l'intention du législateur 2. La Partie II de la Loi sur l'assurance-chômage, qui comprend les articles 16 à 58 inclusivement, est intitulée "Prestations d'assurance-chômage". L'article 17 et le paragraphe 18(1) déterminent et énoncent le nombre de semaines d'emploi assurable nécessaire au cours d'une période de référence pour ouvrir droit aux prestations. Le paragraphe (2) de l'article 18 prévoit la prorogation de la période de référence, dans certaines circonstances. Il est ainsi libellé :

    18....

    (2) Lorsqu'une personne prouve de la manière que la Commission peut ordonner qu'au cours d'une période de référence visée à l'alinéa a) du paragraphe (1), elle n'a pas exercé, pendant une ou plusieurs semaines, un emploi assurable parce qu'elle

    a) était incapable de travailler par suite d'une maladie, blessure, mise en quarantaine ou grossesse prévue par les règlements,

    b) était détenue dans une prison, un pénitencier ou autre institution de même nature,

    c) suivant un cours d'instruction ou autre programme sur les instances d'une autorité que peut désigner la Commission, ou

    d) touchait, sur une base temporaire, l'indemnité maximale prévue pour un accident du travail ou une maladie professionnelle,

    cette période de référence sera, aux fins du présent article, prolongée d'un nombre équivalent de semaines.

    L'article 25, qui est également pertinent, prévoit que :

    25. Un prestataire n'est pas admissible au service des prestations initiales pour tout jour ouvrable d'une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu'il était.

    a) soit capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d'obtenir un emploi convenable ce jour-là, ou

    b) soit incapable de travailler ce jour-là par suite d'une maladie, blessure ou mise en quarantaine prévue par les règlements et qu'il aurait été sans cela disponible pour travailler.

    L'article 25, selon mon interprétation, empêche clairement le paiement des prestations aux personnes qui n'ont pas prouvé leur disponibilité au travail et leur incapacité à trouver un emploi convenable ou encore leur manque de disponibilité par suite d'"une maladie, blessure ou mise en quarantaine prévue par les règlements...". De la même façon, le paragraphe 18(2), précité, prévoit la prolongation de la période de référence du requérant dans certaines situations précises. Les circonstances décrites aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 18(2) ont un dénominateur commun. Ils évoquent tous une situation de fait dans laquelle le (1a) requérant(e) n'est pas disponible au travail en raison de circonstances extérieures échappant à sa volonté. L'alinéa b) utilise la phrase "détenue dans une prison, un pénitencier ou autre institution de même nature". L'alinéa a) prévoit la prolongation de la période de référence pour qui est "incapable de travailler par suite d'une maladie, blessure, mise en quarantaine ou grossesse prévue par les règlements".

    En conséquence, il semble évident que le Parlement avait l'intention de prévoir que les prestataires qui ne sont pas disponibles au travail par suite d'une "maladie ... prévue par les règlements" ne sont pas inadmissibles aux prestations. Cela ressort clairement des disposition des alinéas 18(2)a) et 25b) de la Loi, qui ont été citées plus haut. L'article 47 du Règlement énonce les exigences supplémentaires applicables au versement des prestations de maladie. Le paragraphe 47(1) du Règlement est ainsi libellé :

    47.(1) Un prestataire qui, conformément à l'alinéa 25b) de la Loi, allègue qu'il est incapable de travailler par suite d'une maladie, blessure ou mise en quarantaine, doit fournir à ses frais et au moment où le lui demande la Commission, un certificat établi par un médecin ou une autre personne compétente aux yeux de la Commission, donnant tout renseignement que la Commission peut exiger au sujet de la nature de la maladie, de la blessure ou de la mise en quarantaine, de la durée probable de l'incapacité et de toute autre circonstances s'y rapportant.

    Le paragraphe 47(6) du Règlement prévoit que :

    47.(6) Aux fins de alinéas 18(2)a) et 25b), et du paragraphe 43(3) de la Loi, une maladie, blessure ou mise en quarantaine en est une qui rend le prestataire incapable de remplir les fonctions de son emploi régulier ou habituel ou de tout autre emploi convenable.

    Ainsi que l'a noté le juge MacGuigan, le requérant en l'espèce a effectivement présenté deux certificats médicaux dans le but de satisfaire à cette exigence. Celui portant la date du 15 août 1984 disait que la requérant souffrait d'une [TRADUCTION] "psychose maniaco-dépressive - excluant la schizophrénie paranoïde".

    Quelles déductions cet examen de l'économie de la Loi et du Règlement permet-il relativement aux circonstances de l'espèce? Il semble évident que le Parlement a fait une distinction claire entre, d'une part, les personnes détenues dans des institutions pénales et, d'autre part, les personnes souffrant d'une maladie. Les membres de chacun de ces deux groupes ne sont ni les uns ni les autres disponibles au travail. Ainsi que nous l'avons déjà noté, la Loi et le Règlement les traitent de façon assez différente. L'article 45 et l'alinéa 18(2)b) visent le problème de la non disponibilité due à l'emprisonnement dans une institution pénale, alors que l'article 47 du Règlement parle du manque de disponibilité au travail par suite de maladie. À première vue, il semblerait que le requérant en l'espèce répond aux exigences du paragraphe 47(6) du Règlement puisque sa maladie le rendait "...incapable de remplir les fonctions de son emploi régulier ou habituel ou de tout autre emploi convenable." Quoi qu'il en soit, lorsque l'article 45 de la Loi parle d'une établissement semblable à une prison, il vise de façon évidente une prison ("gaol") ou on pénitencier (selon les termes de l'alinéa 18(2)b)) ou tout autre établissement correspondant à une prison ou ressemblant de façon générale à un tel établissement 3. Selon moi, il ne peut être sérieusement soutenu qu'il est de l'esprit de la Loi et du Règlement qu'un véritable hôpital constitue en établissement semblable à une prison.

    MM. les docteurs Blair, Barker et Bacmaceda ont initialement rendu à l'endroit du requérant puis confirmé un diagnostic concluant à la maladie mentale. Le juge l'a envoyé au Penetanguishene Mental Health Centre parce qu'on craignait qu'il soit atteint d'une maladie mentale, et par conséquent inapte à subir son procès. Avant d'aller à l'hôpital de Penetanguishene, il a passé quatre jours au Royal Ottawa Hospital, où il a fait l'objet d'un examen médical. La détention du requérant n'avait pas le caractère d'une [TRADUCTION] "mise sous garde" puisqu'il n'y avait eu aucune audience de justification ou enquête relative au cautionnement. Elle n'avait pas non plus de caractère [TRADUCTION] "punitif" puisqu'il n'avait été trouvé coupable d'aucune infraction. Ainsi qu'il a déjà été noté, lorsqu'il a pris congé de cet hôpital, il n'était pas sous garde, et il est retourné à Ottawa volontairement. Comme le renvoi à l'hôpital Penetanguishene n'avait pour but ni de mettre sous garde ni de punir le requérant, je ne vois pas ce qui permettrait de dire qu'un établissement dont les parties reconnaissent qu'il constitue clairement un hôpital, et qui, en l'espèce, a agi envers le requérant comme il le fait envers les personnes dont la santé soulève des craintes, est une prison ou un établissement semblable.

    Il m'apparaît que la majorité du conseil arbitral a été influencée à tort par un élément non pertinent, savoir le fait que la Penetanguishene Mental Health Centre faisait partie d'un complexe pénitentiaire (dossier d'appel, page 34). À mon avis, la question de savoir s'il s'agissait là d'un fait établi devant le conseil n'est pas pertinente. Le requérant a été envoyé à deux hôpitaux pour des raisons médicales. Il n'est aucunement pertinent de savoir si des installations hospitalières données font partie d'un complexe de quelque autre type pour décider des questions soulevées par cette demande de prestations d'assurance-chômage. L'hôpital de Penetanguishene n'est pas moins un hôpital uniquement parce qu'il se trouve situé à côté d'un pénitencier. De la même façon, le Royal Ottawa Hospital n'est pas moins un hôpital pour être voisin d'un centre commercial. La majorité du conseil a conclu (dossier d'appel, page 34) que le requérant, au cours de la période de soixante jours pour laquelle il avait été envoyé à l'hôpital, était [TRADUCTION] "...détenu en attendant son procès" ou [TRADUCTION] "...réellement détenu en attendant son procès".

    Ainsi que je l'ai déjà souligné, je suis d'avis que la détention du requérant à Penetanguishene ne constituait pas une [TRADUCTION] "mise sous garde" parce qu'il n'y avait pas eu d'audience de justification ni d'enquête relative au cautionnement et que cette détention n'avait pas un caractère [TRADUCTION] "punitif" puisque le requérant n'avait été déclaré coupable d'aucune infraction. Il s'ensuit que la majorité du conseil a commis une erreur de droit en tirant cette conclusion. Avec déférence, je suis d'avis que le juge-arbitre a commis la même erreur fondamentale. J'en arrive à cette opinion en considérant les définitions du terme "prison" (prison) qui fondent son appréciation des faits de l'espèce (dossier d'appel, page 111). Plus particulièrement, il a parlé de la façon suivante de la définition du terme "prison" (prison) qui figure dans le Jowitt's Dictionary of English Law, (1959): [TRADUCTION] "le Dictionary of English Law de Earl Jowitt nous indique que les prisons sont des endroits dans lesquels on confine des personnes soit pour les garder en sûreté jusqu'à ce qu'elles aient été jugées pour un délit dont elles sont accusées soit pour les punir après qu'elles aient été jugées et condamnées." (Souligné par mes soins).

    Il est clair que la partie de la définition tirée du Dictionary of English Law d'Earl Jowitt que le juge-arbitre a soulignée s'appliquait, dans son esprit, aux faits de l'espèce. Il a, de la même façon souligné des passages de définitions similaires tirées de Stroud's Judicial Dictionary et du Corpus Juris Secundus. Toutes ces définitions impliquent fondamentalement un objectif de détention ou de punition. Pour les motifs que je viens d'énoncer, je suis d'avis que l'emprisonnement en l'espèce n'avait pour but ni la détention ni la punition, mais des fins médicales. L'aspect intéressant de toutes ces définitions citées par le juge-arbitre est toutefois que chacune, sans exception, utilise la même critère, savoir quel est le motif, le but ou l'objet de l'emprisonnement? Si nous appliquons ce critère qui, à mon avis, est approprié, il est évident que, selon les faits en cause, ni le Royal Ottawa Hospital ni le Penetanguishene Mental Health Centre n'est une "prison ou un établissement semblable". Ils sont tous deux des hôpitaux. Au cours du renvoi du requérant pour une période de soixante jours, celui-ci a été un patient de l'un et de l'autre de ces hôpitaux, qui l'ont toux deux traité pour une maladie présumée. Il s'ensuit, selon moi, que le requérant, au cours de la période pertinente de soixante jours commençant le 18 mai 1984, n'était pas détenu dans une prison ou un établissement semblable au sens que revêt cette phrase à l'alinéa 45a) de la Loi sur l'assurance-chômage.

    Pour ces motifs, j'accueillerais la demande fondée sur l'article 28, j'annulerais la décision du juge-arbitre et je renverrais la question devant un juge-arbitre pour qu'il en soit décidé à nouveau en tenant pour acquis que le conseil arbitral a commis une erreur de droit en concluant que le Penetanguishene Mental Health Centre constitue, pour l'application de l'article 45 de la Loi sur l'assurance-chômage, un établissement semblable à une prison.



    "Darrel V. Heald"
    J.C.F.C.


    1 Voir: Driedger, Construction of Statutes, 2nd Ed., page 127

    2 Voir: Driedger, Construction of Statutes, 2nd Ed., page 87

    3 Voir: Black's Law Dictionary, Fifth Edition, page 1240


    LE JUGE RYAN :

    Je suis d'accord avec le juge Heald pour dire que la demande fondée sur l'article 28 devrait être accueillie et que la question devrait être renvoyée devant un juge-arbitre pour qu'il en décide à nouveau sur le fondement que le juge Heald indique.

    Je ferai toutefois à l'endroit des motifs du juge Heald les remarques suivantes.

    Ainsi que l'indique le juge Heald, il est clair que M. Crupi n'était pas sous garde à Penetanguishene parce qu'il avait été trouvé coupable d'une infraction criminelle ou parce qu'il était détenu en attendant la reprise de son procès. J'hésiterais toutefois à dire que M. Crupi n'était pas mis sous garde. La lecture corrélative de l'alinéa 738(6)b) et l'alinéa 738(5)b) du Code criminel - ces deux alinéas doivent d'ailleurs être lus ensemble - me porte à conclure que le renvoi de M. Crupi au Penetanguishene Mental Health Centre devait être au renvoi en détention provisoire. M. Crupi était donc sous garde alors qu'il était à l'hôpital (les parties reconnaissent que le Mental Health Centre set un hôpital), mais la détention avait pour but son examen médical, une fin particulièrement appropriée à un hôpital mais totalement étrangère à une prison.

    Mes autres observations ne feront que s'ajouter aux motifs du juge Heald.

    Une personne ne peut être détenue dans une prison ou un établissement semblable que si l'établissement à l'intérieur duquel elle se trouve est véritablement une prison ou un établissement semblable: telle doit être la nature même de cet établissement. Un patient se trouvant, comme M. Crupi, dans un hôpital à la suite d'un renvoi pourrait parfois avoir l'impression que, y étant gardé contre son gré, il se trouve en prison; cela n'impliquerait cependant pas que l'établissement en question constitue une prison.

    Le juge Heald dit que lorsque l'article 45 de la Loi parle d'une établissement semblable, "... il vise de façon évidente une prison ("jail") ou un pénitencier ... ou tout autre établissement correspondant à peu près à une prison ou ressemblant de façon générale à un tel établissement." Je souscris à cette opinion. J'ajouterai simplement une remarque aux motifs prononcés par le juge Heald à l'appui de sa conclusion. Le mot "inmate"(détenu), historiquement, et même encore à présent, possède, à tort ou à raison, une connotation péjorative. Associé au terme "prison" et à l'expression "établissement semblable", il leur transmet à tous deux cette connotation. Les termes "détenue dans une prison ou un établissement semblable" suggèrent fortement que l'expression "établissement semblable" doit désigner un établissement ressemblant beaucoup à une prison. Des éléments communs, des points de ressemblance ne sauraient suffire. La modification apportée à l'article 45 de la Loi, à laquelle le juge Heald a fait référence, renforce cette interprétation.

    Le seul fait qu'un hôpital puisse, à l'occasion, recevoir des patients renvoyés par un tribunal à des fins de diagnostic est loin de suffire à faire de cet hôpital un établissement semblable à une prison. Et ce serait le cas même si ce renvoi visait fondamentalement l'établissement d'un diagnostic et son utilisation, par le tribunal auteur du renvoi, lors du procès du patient, comme c'était évidemment le but ultime du renvoi de M. Crupi.

    Bien que je constate que l'intimée s'est appuyée sur d'autres circonstances que le renvoi en détention de M. Crupi, je ne suis pas d'avis que l'une quelconque des questions soulevées puissent servir de fondement à la décision portant que le Mental Health Centre est une prison ou un établissement semblable. La conclusion suivant laquelle le centre est pourvu d'[TRADUCTION] "une section à sécurité maximale" permet difficilement de conclure que le centre est un établissement "correspondent à peu près à une prison": un hôpital dispensant des soins psychiatriques peut très bien posséder une section de sécurité. La conclusion devant suivant laquelle le centre faisait partie d'un "penententiary complex"("pénitencier"), - quel que soit le sens de cette expression - ne peut, elle non plus, permettre de conclure que le centre était lui-même une institution semblable à une prison. Et je ne vois rien dans l'une quelconque des autres conclusions du Conseil qui puisse fonder une telle conclusion.

    Je soulignerai que je suis d'accord avec le juge MacGuigan pour dire que la question de savoir si M. Crupi aurait pu faire la preuve qu'il remplissait les conditions prévues à l'alinéa 25b) de la Loi ne se pose pas dans le cadre de la demande en l'espèce.



    "William F. Ryan"
    J.


    LE JUGE MacGUIGAN :

    La seule question soulevée par la demande fondée sur l'article 28 en l'espèce est celle de savoir si un prestataire d'assurance-chômage, dont un tribunal a ordonné le renvoi à des fins d'observation psychiatrique après qu'il a été accusé d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, est "détenu dans une prison ou un établissement semblable" au sens de l'alinéa 45a) de la Loi sur l'assurance-chômage ("la Loi") et est ainsi inadmissible à recevoir des prestations pour la période de son renvoi.

    En mars 1984, le requérant a présenté une demande initiale de prestations régulières d'assurance-chômage. Il a été établi que son droit commençait le 18 mars, et les prestations lui ont été versées à partir de cette date jusqu'au 21 mai 1984.

    Arrêté par la police de Nepean le 17 mai 1984, le requérant comparaissait le lendemain devant la Cour provinciale. Par ordonnance de la Cour, il a été renvoyé au Penetanguishene Mental Health Centre pour une période de soixante jours à des fins d'observation psychiatrique. En fait, il a été gardé au Royal Ottawa Hospital jusqu'au 22 mai 1984, date à laquelle il a été admis à Penetanguishene.

    La Commission de l'assurance-chômage ("la Commission") a été avisée de ces événements le 29 mai par la police de Nepean. Le 1er juin, après avoir vérifié ces informations, la Commission a déclaré le requérant inadmissible aux prestations à compter du 22 mai.

    Le requérant a été libéré de Penetanguishene le 18 juillet 1984; il a ensuite été mis fin à son inadmissibilité aux prestations à compter de cette date. Le requérant, s'appuyant sur des certificats médicaux, a demandé que lui soient payées des prestations de maladie pour la période allant du 22 mai au 18 juillet. La Commission ayant refusé de modifier sa décision, le requérant a interjeté appel devant un conseil arbitral. La décision de la majorité du conseil, en date du 25 septembre 1984, portait que :

    [TRADUCTION]

    La majorité du conseil arbitral conclut que le prestataire était, en fait, détenu en attendant son procès et que Penetanguishene est un établissement que l'on peut classer dans la définition de l'alinéa 45a): "il est détenu dans une prison ou un établissement semblable". Cette définition pourrait éventuellement être contestée comme elle l'a été par M. MacDonald qui a soutenu que le prestataire était dans un "hôpital" et non, comme on l'a allégué, dans un établissement semblable à une prison. La conclusion majoritaire du conseil se fonde sur ce qui suit : a) M. Crupi a été inculpé d'un délit et a été gardé à vue; b) il a été réinterné sur un ordre de la Cour après recommandation du Dr Blair du tribunal provincial en vue d'une évaluation psychiatrique; c) il a d'abord été adressé au Royal Ottawa Hospital puis transféré au Penetanguishene Mental Health Centre qui est un établissement comportant une section réservée à l'application des mesures à sécurité maximale; d) le prestataire a été gardé à vue tout le temps qu'il se trouvait au Centre de Penetanguishene qui fait partie d'un pénitencier et il a été également détenu pendant un certain temps dans le bâtiment à sécurité maximale de cet établissement; e) après voir passé la période de 60 jours d'évaluation, M. Crupi a ensuite été condamné en vertu de la Loi et a bénéficié d'une période de probation. Le "dénouement" de sa probation ne peut pas être utilisé comme preuve qu'il n'était pas réellement détenu en attendant son procès mais plutôt, comme l'a allégué M. MacDonald, que le prestataire était réellement un patient que l'on évaluait dans un établissement de santé qui, en raison des ressources plus nombreuses dont il dispose, était en fait le Penetanguishene Health Centre. À notre avis, l'agent de l'assurance-chômage a tiré la conclusion voulue et sa décision ne doit pas être modifiée.

    DÉCISION: La décision de l'agent de l'assurance-chômage doit être maintenue.

    La décision minoritaire était ainsi libellée:

    [TRADUCTION]

    En tant que président je me dissocie de l'opinion majoritaire pour les motifs suivants: M. Crupi était détenu dans les deux institutions en question pour fins d'évaluation de son incapacité et traitement ultérieur. Il n'était pas détenu en attendant la date de son procès, mais en raison d'un ordre de réinternement. Il est sorti avant la date de son procès. Par conséquent, M. Crupi n'était pas un détenu dans un établissement mais plutôt un patient. En fait, il était malade et était traité comme tel. Deuxièmement, les établissements en question sont des hôpitaux psychiatriques et non des prisons. Le fait que M. Crupi ait été détenu et incapable de quitter l'établissement où il se trouvait n'est pas pertinent. Le fait pertinent est la maladie mentale dont M. Crupi souffrait à l'époque. La conclusion du président est donc que l'alinéa 45a) de la Loi ne s'applique pas dans le case de M. Crupi.

    Le requérant a ensuite interjeté appel devant un juge-arbitre conformément à l'article 95 de la Loi. Le 9 avril 1985, le juge-arbitre a rendu la décision suivante:

    [TRADUCTION]

    Pour commencer, les dispositions statutaires pertinentes dans la présente affaire sont l'alinéa 45a) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage et l'article 55 du Règlement sur l'assurance-chômage. Ils sont libellés comme suit:

    "45. À l'exception des cas prévus à l'article 31, un prestataire n'est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle

    a) il est détenu dans une prison ou un établissement semblable, ou

    55. Un prestataire qui est détenu dans une prison ou dans un établissement du même genre et à qui a été accordée la libération conditionnelle, de jour ou autre, une autorisation d'absence temporaire ou un certificat de disponibilité pour chercher et accepter un emploi dans la société, ne perd pas son droit aux prestations du seul fait de l'article 45 de la Loi."

    L'avocat du prestataire a constamment soutenu que durant la période pendant laquelle le prestataire se trouvait au Penetanguishene Mental Health Centre, il y était à titre de patient. Par ailleurs, l'avocat de la Commission a également soutenu qu'il s'y trouvait à titre de détenu. Le Shorter Oxford English Dictionary définit un détenu comme [TRADUCTION] "une personne qui vit avec d'autres personnes dans la même maison (sens rare maintenant); un occupant parmi tant d'autres, celui qui occupe une maison, qui habite dans la même maison que d'autres ou dans la maison d'autres personnes." Le Black's Law Dictionary définit le détenu comme [TRADUCTION] "une personne détenue dans une prison, un pénitencier, ou un établissement semblable, une personne qui habite ou qui vit dans une maison avec un autre personne, des personnes qui occupent des pièces différentes mais qui utilisent la même porte pour entrer et sortir de la maison." Le Britannica World Language Dictionary définit le détenu comme "une personne qui vit dans un endroit qu'elle partage avec d'autres personnes, un compagnon ou un camarade avec lequel on occupe un lieu." Ce dictionnaire décrit également le détenu comme [TRADUCTION] "une personne qui est gardée ou détenue dans une prison, un asile ou un établissement semblable." En ce qui concerne le terme patient, le Britannica World Language Dictionary le définit comme suit: [TRADUCTION] "Une personne qui subit un traitement pour une maladie ou une blessure."

    Si le prestataire avait séjourné à Penetanguishene pour une journée ou deux on n'aurait pas pu dire qu'il était détenu dans cet établissement. Cependant, compte tenu de la durée de son séjour dans cet établissement, il ne fait aucun doute qu'il est devenu un détenu. Toutefois, cela n'élimine pas le fait qu'il était également un patient du centre est, à mon avis, il était à la fois un détenu et un patient 1a Penetanguishene du 22 mai 1984 jusqu'au 20 juillet 1984 approximativement, date à laquelle il a quitté cet établissement.

    Avec tout le respect dû à l'avocat, le point en litige dans la présente affaire n'a rien à voir avec le statut de prestataire lorsqu'il se trouvait au Penetanguishene Mental Health Centre. À mon avis, il s'agit de savoir si oui ou non le centre entre dans la catégorie visée par l'alinéa 45a) de la Loi. En termes simples, il faut se demander si Penetanguishene était une prison ou un établissement semblable dans le cas du prestataire Carm Crupi.

    L'autre question évidente à se poser est celle de savoir de qu'est une prison. Il y a plus de 300 ans, un brillant poète anglais, Richard Lovelace, a donné cette définition inoubliable de la prison dans son fameux poème "To Althea: From Prison":

    [TRADUCTION]

    "Des murs de pierre ne font pas une prison et des barreaux de fer ne sont pas une cage, les esprits innocents et tranquilles en font un ermitage."

    C'est Maxwell qui, à la page 6 de Interprétation of statuts, nous a rappelé que "la règle d'or consiste à attribuer aux termes de la Loi leur sens ordinaire." C'est Lord Wensleydale qui dans Grey c. Pearson [1857], 6 H.L.C. 61, a formulé la règle d'interprétation par excellence lorsqu'il a déclaré ce qui suit, à la page 106:

    "Lorsqu'on interprète les volontés d'un testateur, les lois et tous les actes instrumentaires, il faut s'en tenir au sens grammatical et ordinaire des mots, à moins que cela n'entraîne quelque absurdité ou quelque contradiction ou illogisme par rapport au reste du texte et, le cas échéant, le sens grammatical et ordinaire des mots peut être modifié de manière à éviter l'absurdité, la contradiction et l'illogisme, mais sans plus."

    Si j'applique la "règle" d'interprétation dite "par excellence" et que je garde présent à l'esprit la signification ordinaire et courante des mots figurant au dictionnaire, je n'éprouve aucune difficulté à comprendre l'interprétation et la portée réelle de l'alinéa 45a) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage. Le sens ordinaire et grammatical du terme "prison" se trouve dans plusieurs ouvrages bien connus. J'en ai choisi quatre.

    Le Black's Law Dictionary, 1979, 5e édition, définit la prison comme un édifice public ou autre endroit servant à la réclusion de personnes soit pour fins de punition imposée par la Loi ou autrement pour les fins de l'administration de la justice,"
    (souligné par mes soins)

    Le Dictionary of English Law (1959) de Earl Jowitt nous indique que les prisons sont des endroits dans lesquels on confine des personnes soit pour les garder en sûreté jusqu'à ce qu'elles aient été jugées pour un délit dont elles sont accusées soit pour les punir après qu'elles aient été jugées et condamnées.

    (souligné par mes soins)

    Dans le Stroud's Judicial Dictionary, nous trouvons la définition suivante de la prison:

    [TRADUCTION]

    PRISON.(1) Tout endroit où une personne est privée de sa liberté est une prison; par exemple, si quelqu'un se réfugie dans un SANCTUAIRE et qu'il quitte ce SANCTUAIRE, on dit qu'il s'est enfui (Voir l'affaire Hobert et Stroud, Cro, Car. 210); il en est de même pour un endroit où l'on se trouve uniquement en libération conditionnelle; ainsi lorsque "un fuit mis in les cippes comme suspect de felony, et la vient un autre que luy lessa aler alarge&#8212 ces est felony per common ley, de fragentibus prisonis" (Dyer 99, pl. 60). Voir encore Geôle, Emprisonnement. Voici une définition probablement plus complète du terme "prison": "un endroit de réclusion sûr où l'on détient des individus qui doivent répondre d'un acte impliquant une responsabilité personnelle ou criminelle." (Cowel), se dit également d'un endroit où l'on détient une personne accusée d'un délit ou pour toute fin d'emprisonnement légalement ordonnée par une Cour. Voir encore 2 Hawk. P.C. CH. 18, paragraphe 4; 10 Encyc. 402-404, FUIR; S'ÉCHAPPER; SAUVER; PRISONNIER.

    (souligné par mes soins)

    Enfin dans le Corpus Juris Secundus 72, nous trouvons ce qui suit:

    a. Prison

    Le terme "prison" a été défini comme un endroit de réclusion où l'on garde des personnes en sûreté afin qu'elles puissent répondre de leurs actes devant une Cour civile ou criminelle1; endroit tenu par l'autorité publique pour détenir des individus emprisonnés en vertu de poursuites judiciaires2; un bâtiment servant à garder en lieu sûr ou à détenir des criminels et plus précisément des criminels condamnés3. Au sens général du terme, peut se rapporter à tout lieu de détention utilisé en vertu de poursuites judiciaires out d'une arrestation légale, mais s'applique habituellement au lieu de détention des criminels condamnés et sert à désigner une institution servant à emprisonner des individus condamnés pour les crimes les plus graves.6 Une prison n'est pas un lieu de refuge pour le criminel, c'est un lieu de punition.7

    (souligné par mes soins)

    Il va sans dire que le prestataire a d'abord été accusé d'un délit, puis interné au Penetanguishene Mental Health Centre où il a été détenu dans le bâtiment de sécurité maximale. En temps opportun, après sa sortie de Penetanguishene, il a été jugé pour le délit dont il avait été accusé et il a été mis en probation après avoir été jugé coupable. Bien que j'éprouve beaucoup de sympathie pour le prestataire qui, j'en suis convaincu, tente sincèrement de retrouver le statut de citoyen respecté qui se conforme aux lois (et le félicite de ses efforts et lui souhaite bonne chance), je n'ai malheureusement pas d'autre choix que de rejeter son appel en tenant compte des faits incontestés de la présente cause. Son séjour au Penetanguishene Mental Health Centre a été une période d'emprisonnement et, par conséquent, comme le prévoit clairement l'alinéa 45a) de la Loi, il n'était admissible au bénéfice des prestations.

    Il y a une autre bonne raison pour laquelle je dois rejeter son appel. Le prestataire a fondé son appel sur l'alinéa 951 de la Loi. Néanmoins, je vais exposer les trois alinéas de cet article.

    Pour ce qui est de l'alinéa 95a), je suis convaincu que le conseil arbitral n'a enfreint aucun principe de justice naturelle. Le prestataire a comparu et il a eu tout le loisir d'exposer son point de vue devant le conseil arbitral. Il n'y a absolument rien qui laisse supposer que ce dernier a fait preuve de partialité ou de parti-pris, et l'alinéa 95a) ne s'applique donc pas.

    En ce qui concerne l'alinéa 95b), je suis absolument convaincu que le conseil arbitral n'a commis aucune erreur de droit à l'égard de l'une des dispositions de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage ou de la jurisprudence reconnue se rapportant à cette Loi. En conséquence, l'alinéa 95b) ne s'applique pas non plus.

    Quant à l'alinéa 95c), il est clair que le conseil arbitral était appelé à apprécier uniquement des faits et des circonstances établis par la preuve. Il existe de nombreuses décisions dans lesquelles il a été établi que - depuis l'adoption du nouvel article 95 de la Loi - un juge-arbitre ne peut ni infirmer la décision d'un conseil arbitral, ni en rejeter ou modifier les conclusions, à moins que cette décision ou ces conclusions soient manifestement erronées par rapport à l'ensemble du dossier, c'est-à-dire que la conclusion de fait ait été tirée de façon absurde ou arbitraire. Même si j'étais enclin à donner raison au prestataire, ce qui n'est pas le cas, je ne pourrais faire droit à cet appel que s'il tombait sous le coup de l'un des trois alinéas de l'article 95. L'examen très minutieux du dossier m'indique clairement que ce n'est pas le cas ici. L'appel de la décision majoritaire du conseil arbitral doit donc être rejeté.

    Le dossier ne révèle pas la disposition du Code criminel sur laquelle s'est appuyée la Cour pour prononcer l'ordonnance de renvoi, mais les parties se sont entendues devant nous pour dire que cette décision a été prise en vertu du paragraphe 738(6). En fait, selon le Code criminel, un juge de paix présidant à une enquête préliminaire, un juge au procès d'une personne accusée d'une acte criminel, une cour des poursuites sommaires ou un juge d'une cour d'appel sont tous investis du même pouvoir d'ordonner un examen psychiatrique. Les dispositions pertinentes du Code sont les suivantes:

    465. (1) Un juge de paix agissant en vertu de la présente Partie peut ...

    c) dans une ordonnance par écrit adressée à un prévenu,

    (i) lui ordonner de se présenter pour observation devant la personne aux lieu et date indiqués, ou

    (ii) le renvoyer à la garde qu'il prescrit pour observation pendant trente jours au plus,

    lorsque, suivant son opinion, appuyée par le témoignage ou lorsque le poursuivant et le prévenu y consentent, par le rapport écrit d'au moins un médecin dûment qualifié, il y a des motifs de croire

    (iii) que le prévenu peut être atteint d'une maladie mentale, ou

    (iv) que le prévenu, lorsqu'il s'agit d'une personne du sexe féminin inculpée d'une infraction découlant de la mort de son enfant nouveau-né, est mentalement déséquilibré;

    (2) Nonobstant l'alinéa (1)c), un juge de paix agissant en vertu de la présente Partie peut renvoyer un prévenu en conformité de cet alinéa

    a) pour une période d'au plus trente jours sans avoir entendu le témoignage ou examiné le rapport d'un médecin dûment qualifié, lorsque les circonstances l'exigent et qu'il ne se trouve pas de médecin qui puisse à bref délai examiner le prévenu et rendre témoignage ou présenter un rapport; et

    b) pour une période de plus de trente jours ne dépassant pas soixante jours, lorsqu'il est convaincu qu'une telle période d'observation est requise compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire et que son opinion est appuyée par le témoignage ou, lorsque le poursuivant et le prévenu y consentent, par le rapport écrit d'au moins un médecin dûment qualifié.

    (3) Le juge de paix, qui, compte tenu des observations faites à la suite de l'ordonnance rendue conformément à l'alinéa (1)c), a des raisons suffisantes de douter de la capacité du prévenu, pour cause d'aliénation mentale, de mener sa défense, doit ordonner que cette question soit tranchée dès l'enquête préliminaire.

    (4) Le juge de paix qui ordonne qu'une question soit tranchée conformément au paragraphe (3) doit se conformer à l'article 543 dans la mesure où il peut s'appliquer.

    543. (1) Une cour, un juge ou un magistrat peut, à tout moment avant le verdict, lorsqu'il paraît qu'il y a des raisons suffisantes de douter que l'accusé soit, pour cause d'aliénation mentale, en état de conduire sa défense, ordonner que soit examinée la question de savoir si l'accusé est alors, pour cause d'aliénation mentale, incapable de subir son procès.

    (2) Une cour, un juge ou un magistrat peuvent, à tout moment avant le verdict ou la sentence, lorsque, suivant leur opinion, appuyée par le témoignage ou lorsque le poursuivant et le prévenu y consentent, par le rapport écrit d'au moins un médecin dûment qualifié, il y a des motifs de croire

    a) que le prévenu est atteint d'une maladie mentale, ou

    b) que le prévenu, lorsqu'il s'agit d'une personne du sexe féminin inculpée d'une infraction découlant de la mort de son enfant nouveau-né, est mentalement déséquilibré,

    dans une ordonnance par écrit adressée à un prévenu

    c) lui ordonner de se présenter pour observation devant la personne, aux lieu et date indiqués ou

    d) le renvoyer à la garde qu'ils prescrivent pour observation pendant trente jours au plus.

    (2.1) Nonobstant le paragraphe (2), une cour, un juge ou un magistrat peuvent renvoyer un accusé en conformité de ce paragraphe

    a) pour une période d'au plus trente jours sans avoir entendu le témoignage ou examiné le rapport d'un médecin dûment qualifié, lorsque les circonstances l'exigent et qu'il ne se trouve pas de médecin qui puisse à bref délai examiner l'accusé et rendre témoignage ou présenter un rapport; et

    b) pour une période de plus de trente jours ne dépassant pas soixante jours, lorsqu'ils sont convaincus qu'une telle période d'observation est requise compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire et que leur opinion est appuyée par le témoignage ou, lorsque le poursuivant et le prévenu y consentent, par le rapport écrit d'au moins un médecin dûment qualifié.

    (3) Lorsqu'il apparaît qu'il y a des raisons suffisantes de douter que l'accusé soit, pour cause d'aliénation mentale, en état de conduire sa défense, la cour, le juge ou le magistrat doit, si l'accusé n'est pas représenté par un procureur, désigner un procureur pour agir au nom de l'accusé.

    (4) Aux fins du paragraphe (1), les dispositions suivantes s'appliquent, savoir:

    a) lorsque la question est soulevée avant que la poursuite n'ait terminé son exposé, la cour, le juge ou le magistrat peut différer d'ordonner le jugement de la question jusqu'à tout moment avant que la défense ne commence son exposé;

    b) lorsque le procè se tient ou doit se tenir devant une cour composée d'un juge et d'un jury,

    (i) si le juge ordonne que la question soit jugée avant que l'accusé ne soit confié à un jury en vue d'un procès sur l'acte d'accusation, cette question doit être jugée par douze jurés ou, dans le territoire du Yukon et les territoires du Nord-Ouest, par six jurés, et,

    (ii) si le juge ordonne que la question soit jugée après que l'accusé a été confié à un jury en vue d'un procès sur l'acte d'accusation, le jury doit être assermenté pour juger cette question en sus de celle pour laquelle il a déjà été assermenté; et

    c) lorsque le procès se tient devant un juge ou un magistrat, ce juge ou ce magistrat doit juger la question et rendre un verdict.

    (5) Si le verdict porte que l'accusé n'est pas incapable, pour cause d'aliénation mentale, de subir son procès, l'interpellation ou le procès doit suivre son cours comme si cette question n'avait pas été soulevée.

    (6) Si le verdict porte que l'accusé est, pour cause d'aliénation mentale, incapable de subir son procès, la cour, le juge ou le magistrat doit ordonner que l'accusé soit tenu sous garde jusqu'à ce que le bon plaisir du lieutenant-gouverneur de la province soit connu, et tout plaidoyer qui a été invoqué doit être écarté et le jury libéré.

    545. (1) Lorsque, en application de la présente Partie, un accusé est déclaré atteint d'aliénation mentale, le lieutenant-gouverneur de la province où l'accusé est détenu peut

    a) rendre une ordonnance pour la bonne garde de l'accusé dans le lieu et de la manière qu'il prescrit, ou

    b) s'il est d'avis que le mesure est dans l'intérêt véritable de l'accusé sans nuire à l'intérêt public, rendre une ordonnance portant libération de l'accusé, soit inconditionnellement, soit aux conditions qu'il prescrit.

    608.2 (1) Un juge de la Cour d'appel peut, dans une ordonnance par écrit adressée à un appelant

    a) lui ordonner de se présenter pour observation devant la personne, aux lieu et date indiqués, ou

    b) le renvoyer à la garde qu'il prescrit pour observation pendant trente jours au plus,

    lorsqu'il est d'avis, en se fondant sur la témoignage ou, lorsque le poursuivant et le prévenu y consentent, sur le rapport écrit d'au moins un médecin dûment qualifié, qu'il y a des raisons de croire que cet appelant

    c) peut être atteint d'une maladie mentale, ou

    d) s'il s'agit d'une personne du sexe féminin inculpée d'une infraction découlant de la mort de son enfant nouveau-né, est mentalement déséquilibré.

    (2) Nonobstant le paragraphe (1), le juge de la Cour d'appel peut renvoyer un appelant conformément à ce paragraphe

    a) pour une période d'au plus trente jours sans avoir entendu le témoignage ou examiné le rapport d'un médecin dûment qualifié, lorsque les circonstances l'exigent et qu'il ne se trouve pas de médecin qui puisse à bref délai examiner l'accusé et rendre témoignage ou présenter un rapport; et

    b) pour une période de plus de trente jours ne dépassant pas soixante jours, lorsqu'il est convaincu qu'une telle période d'observation est requise compte tenu de toues les circonstances de l'affaire et que leur opinion est appuyée par le témoignage ou, lorsque le poursuivant et le prévenu y consentent, par le rapport écrit d'au moins un médecin dûment qualifié.

    738.
    (5) Nonobstant le paragraphe (1), la cour des poursuites sommaires peut, avant de déclarer un défendeur coupable, de rendre une ordonnance contre lui ou de rejeter la dénonciation, lorsqu'elle est d'avis en se fondant sur le témoignage, ou lorsque la poursuivant et la défendeur y consentent, sur le rapport écrit d'au moins un médecin dûment qualifié, qu'il y a raison de croire que le défendeur est un malade mental, dans une ordonnance écrite adressée au défendeur,

    a) lui ordonner de se présenter pour observation devant une personne aux lieu et date indiqués; ou

    b) le renvoyer à la garde que la cour prescrit pour observation pendant trente jours au plus.

    (6) Nonobstant le paragraphe (5), une cour des poursuites sommaires peut renvoyer le défendeur en conformité de ce paragraphe

    a) pour une période d'au plus trente jours sans avoir entendu le témoignage ou examiné le rapport d'un médecin dûment qualifié, lorsque les circonstances l'exigent et qu'il ne se trouve pas de médecin qui puisse à bref délai examiner l'accusé et rendre témoignage ou présenter un rapport; et

    b) pour une période de plus de trente jours ne dépassant pas soixante jours, lorsqu'elle est convaincue qu'une telle période d'observation est requise compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire et que cette opinion est appuyée par le témoignage, ou lorsque le poursuivant et la prévenu y consentent, par le rapport écrit d'au moins un médecin dûment qualifié.

    (7) La cour des poursuites sommaires qui, compte tenu des observations faites à la suite de l'ordonnance rendue conformément au paragraphe (5), a des raisons suffisantes de douter de la capacité du prévenu, pour cause d'aliénation mentale, de mener sa défense, doit ordonner que cette question soit tranchée.

    (8) La Cour des poursuites sommaires qui ordonne qu'une question soit tranchée conformément au paragraphe (7) doit se conformer à l'article 543 dans la mesure où il peut s'appliquer.

    L'intimée a soutenu devant nous que le requérant, en plus d'être inadmissible par l'effet de l'article 45 de la Loi, n'avait pas satisfait aux exigences prévues à l'article 25:

    Un prestataire n'est pas admissible au service des prestations initiales pour tout jour ouvrable d'une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu'il était

    a) soit capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d'obtenir un emploi convenable ce jour-là, ou

    b) soit incapable de travailler ce jour-là par suite d'une maladie, blessure ou mise en quarantaine prévue par les règlements et qu'il aurait été sans cela disponible pour travailler.

    L'intimée soutient que le requérant n'a prouvé qu'il satisfaisait ni à l'une ni à l'autre des conditions prévues à l'alinéa 25b), savoir qu'il était incapable de travailler par suite d'une maladie prévue par les règlements et qu'il aurait été sans cela disponible pour travailler.

    Le paragraphe 47(1) du Règlement prévoit que la preuve de la maladie se fera comme suit:

    Un prestataire qui, conformément à l'alinéa 25b) de la Loi, allègue qu'il est incapable de travailler par suite d'une maladie, blessure ou mise en quarantaine, doit fournir à ses frais et au moment où le lui demande la Commission, un certificat établi par un médecin ou une autre personne compétente aux yeux de la Commission, donnant tout renseignement que la Commission peut exiger au sujet de la nature de la maladie, de la blessure ou de la mise en quarantaine, de la durée probable de l'incapacité et de toute autre circonstance s'y rapportant.

    En fait, le requérant a présenté, pour satisfaire à cette exigence deux certificats médicaux, dont le premier était établi par un médecin du Royal Ottawa Hospital et le second provenait d'un médecin de Penetanguishene.

    De plus, ainsi que l'a souligné avec justesse l'avocat du requérant, l'avis en date du 1er juin 1984 du rejet par la Commission de la demande de prestations du requérant comportait expressément les limites suivantes:

    [TRADUCTION]

    D'après les renseignements fournis à l'appui de votre demande de prestations, vous n'êtes pas admissible au bénéfice des prestations en vertu de l'alinéa 45a) de la Loi sur l'assurance-chômage et du paragraphe 55 du Règlement, car vous êtes détenu dans un établissement. Le paiement des prestations est suspendu à partir du 22 mai 1984 et aussi longtemps que cette situation prévaudra.

    Le seul motif invoqué par la Commission à l'appui de l'inadmissibilité du requérant, et la seule question sur laquelle ont porté l'examen du conseil arbitral et celui du juge-arbitre, est que le requérant a eu maille à partir avec l'alinéa 45a). Il ne nous est pas permis, dans le cadre d'une demande fondée sur l'article 28, d'élargir la question à l'étude.

    Le juge Joyal, agissant à titre de juge-arbitre dans l'affaire Painchaud c. Commission canadienne de l'emploi et de l'immigration, nº du greffe A-729-85, (décision rendue le 11 juin 1985, CUB 10689 et portée en appel devant cette Cour), est parvenu, après la décision du juge-arbitre en l'espèce, à une conclusion opposée à partir de faits substantiels identiques à ceux en cause, si ce n'est que le renvoi avait été initialement ordonné par un juge président à une enquête préliminaire plutôt que par une cour des poursuites sommaires. Le juge Joyal a conclu (aux pages 6 et 7)

    Je reviens au texte du paragraphe 45a) et aux circonstances qui ont entouré l'hébergement du prestataire à l'institut de psychiatrie. L'expression dont se sert le texte français est "détenu", ce qui implique une contrainte exercée sur la personne. La jurisprudence ne nous aide pas beaucoup à en connaître la portée.

    Le texte anglais se sert du mot "inmate". La jurisprudence anglaise nous indique clairement que le sens de ce mot dépend du contexte dans lequel il se trouve. Sans doute "inmate" veut dire un détenu dans une prison ou un pénitencier ou autre "detention centre". "Inmate" peut aussi décrire un commis dans l'atelier de son patron, ou un voyageur dans une chambre d'hôtel, ou un étudiant qui fréquente un internat.

    J'en conclus que le mot "inmate" dans son étymologie ou dans le sens juridique qu'on aurait pu lui attribuer n'a pas tout à fait le sens de "détenu". Dans le dictionnaire Robert, on parle d'un détenu comme étant une personne "maintenu en captivité", d'un "inculpé arbitrairement détenu", ce qui implique une contrainte imposée par une autorité quelconque.

    Le sens étymologique du mot "détenu" ou "inmate" n'éclaircit pas la situation. L'interprétation du texte doit donc se fonder sur l'expression "prison" ou un "établissement semblable". Nous y trouvons l'application d'une règle fondamentale d'interprétation, soit la règle de "ejusdem generis", ce qui provoque en tribunal à limiter la portée des mots "institution semblable" au genre de mot "prison".

    Pourrait-on prétendre que l'institut de psychiatrie en question est une "institution semblable" à une prison? L'acte d'incorporation ou la charte de cette institution ne l'indique pas. Les buts et les attributions de l'institut n'ont rien de pénitentiel. De plus, d'après le dossier, la remise du prestataire entre les mains des autorités de l'institut n'est pas un moyen de sanction ou un geste punitif qu'on inflige à un détenu de prison. L'expérience du prestataire est en raison d'un diagnostique préliminaire indiquant clairement que le prestataire a besoin d'examens psychiatriques ou de traitements. Il est détenu dans le sens que son état de santé impose des restrictions sérieuses à sa liberté mais ces restrictions lui sont imposées pour son propre bien. Il est détenu dans un sens, mais non un "détenu de prison" au sens de l'article 45. Il n'est pas plus en "détenu" que le serait une personne détenue dans un hôpital en raison de blessures graves.

    En conséquence, la seule question visant l'application de l'alinéa 45a) de la Loi à un prestataire renvoyé pour subir un examen psychiatrique a non seulement divisé le conseil arbitral en l'espèce mais encore a été tranchée de façon opposée par les deux seuls arbitres à en avoir été saisis. Elle divise également cette Cour. Comme tant d'autres questions de droit administratif, celle-ci relève de l'interprétation des lois.

    En matière d'interprétation des lois, les tribunaux ont, à différents moments, opté soit pour une approche littérale soit pour une approche qui tient compte du but de la loi. Le débat Hart-Fuller sur le droit et la moralité, désormais classique et rapporté dans le Harvard Law Review ((1958), 71 Harv. L. Rev. 593 à 672), tentait en grande partie d'établir si les mots possèdent une signification courante et généralement assortie de significations variables dont l'applicabilité dépend du contexte plus large dans lequel ils s'inscrivent (Hart), ou si les mots d'une disposition législative interagissent tous les uns avec les autres en fonction du but et de l'économie de la loi (Fuller). 1

    Au Canada, on semble avoir opté pour une interprétation contextuelle, que E.A. Driedger qualifie de [TRADUCTION] "principe moderne" d'interprétation des lois et dont il donne la définition suivante (Construction of Statutes, 2e ed., 1983, p. 87):

    [TRADUCTION]

    De nos jours, un seul principe ou méthode prévaut pour l'interprétation d'une loi: les mots doivent être interprétés selon le contexte, dans leur acception logique courante en conformité avec l'esprit et l'objet de la loi et l'intention du législateur.

    C'est là le principe unique d'interprétation dont cette Cour a dit qu'il consistait à "examiner les termes dans leur contexte global" (voir Lor-West Contracting c. M.R.N. (1985), 60 N.R. 321, à la page 325). Cette nouvelle importance accordée au contexte reflète les idées exprimées il y a bien des années par le juge Holmes dans l'arrêt Towne v. Eisner (1918), 245 U.S. 418, à la page 425:

    [TRADUCTION]

    Un mot n'est pas un morceau de cristal, transparent et immuable, mais il est plutôt l'épiderme d'une pensée vivante, sa portée et son contexte pouvant varier grandement suivant l'époque et les circonstances dans lesquelles il est employé.

    Un mot contenu dans une loi est une cellule au sein d'un organisme, une structure incomplète s'inscrivant dans une structure plus complète, il ne peut être compris entièrement que s'il est mis en rapport avec l'ensemble auquel il appartient.

    Ainsi que le juge-arbitre de la présente affaire et celui qui a rendu la décision dans l'affaire Painchaud, précitée, l'ont dit clairement, les termes tirés de la Loi "détenu dans une prison ou un établissement semblable," ("an inmate of any prison or similar institution,") dont il est question en l'espèce, pris isolément, ne résolvent pas le problème. "An inmate" ("détenu "dans la version française) peut désigner un résidant de n'importe quel établissement. Le sens du mot "prison", qui est plus précis, est quelque peu étendu par son association à l'expression "établissement semblable". Le sens de la phrase se rapproche de celui-ci: une personne détenue dans une prison ou un établissement semblable est une personne retenue dans un lieu de détention.

    Le Penetanguishene Mental Health Centre est certes un hôpital, mais il ressort clairement du dossier que cet établissement possède une section à sécurité maximale. 2 Les parties reconnaissent que le requérant était en détention pendant toute la durée de son séjour à Penetanguishene, et le dossier révèle qu'il a été détenu dans la section à sécurité maximale pendant, à tout le moins, une partie du temps qu'il a passé dans cet établissement. Dans la mesure où une analyse purement verbale peut être utile, il peut donc être dit que le requérant, pendant la période de huit semaines dont il est question, a été enfermé dans un lieu semblable à une prison et destiné à la détention.

    L'article 45, qui fait partie d'un programme législatif d'assurance sociale prévoyant fondamentalement le paiement de prestations aux contribuables qui sont disponibles pour travailler mais incapable d'obtenir un emploi convenable, a apparemment pour objet de rendre inadmissibles les prestataires qui ne sont pas disponibles pour travailler parce qu'ils sont en prison ou à l'extérieur de pays:

    Art. 45. À l'exception des cas prévus à l'article 31, un prestataire n'est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle

    a) il est détenu dans une prison ou un établissement semblable, ou

    b) pendant qu'il est hors du Canada, sauf prescription contraire.

    sauf prescription contraire.

    Ce qui précède est souligné par l'article 55 du Règlement, qui soustrait à l'inadmissibilité les détenus qui sont disponibles pour travailler:

    Art. 55. Un prestataire qui est détenu dans une prison ou dans un établissement du même genre et à qui a été accordée la libération conditionnelle, de jour ou autre, une autorisation d'absence temporaire ou un certificat de disponibilité pour chercher et accepter un emploi dans la société, ne perd pas son droit aux prestations du seul fait de l'article 45 de la Loi.

    L'argument compliqué que l'avocat du requérant a tenté d'appuyer sur le paragraphe 56(1) du Règlement doit échouer puisque la Partie II de la Loi, y compris l'exigence visant la disponibilité au travail, s'applique à l'inadmissibilité dont il y est question. Il peut dont être considéré que l'article 45 établit une présomption irréfragable d'inadmissibilité en ce qui regarde certaines catégories de prestataires qui ne sont pas disponibles pour travailler ainsi que l'exige l'article 24 de la Loi, y compris ceux qui sont détenus dans une prison ou un établissement semblable.

    L'on pourrait croire que ce qui précède suffit à trancher la litige; cependant, l'objet de la Loi, tel qu'il ressort de l'article 25, précité, prévoit également que les prestataires incapables de travailler par suite d'une "maladie ... prévue par les règlements" ("prescribed illness") sont soustraits à l'exigence visant la disponibilité au travail.

    En vertu de sous-alinéa 2u)(iii) de la Loi, le terme "prescrit" ("prescribed") signifie "prescrit par règlement". Le paragraphe 47(6) du Règlement prévoit simplement qu'"Aux fins des alinéas ... et 25b) ... de la Loi, une maladie ... en est une qui rend le prestataire incapable de remplir les fonctions de son emploi régulier ou habituel ou de tout autre emploi convenable."

    Le requérant soutient que lorsqu'il se trouvait à Penetanguishene, il était un patient subissant un traitement dans un hôpital et que son manque de disponibilité au travail n'est pas attribuable à sa détention dans une prison ou un établissement semblable mais uniquement à une maladie qui le rendait incapable de remplir les fonctions d'un emploi convenable. Selon cette hypothèse, sa détention avait pour objet des fins thérapeutiques ou des fins d'évaluation et ne procédait pas de considérations punitives ou de la volonté de le mettre sous garde. Cet argument s'appuie sur des faits reconnus par les parties, à savoir que le requérant n'avait pas été déclaré coupable d'une infraction et n'avait pas subi de procès relativement à quelque infraction, qu'il ne s'était pas vu refuser le cautionnement lors d'une audience de justification ou d'une enquête sur la révision du cautionnement et qu'il n'a pas été mis sous garde préventive lorsque, avant la date de son procès, il a été autorisé à quitter Penetanguishene.

    La présence simultanée de l'inadmissibilité aux prestations prévues à l'alinéa 45a) et de l'exemption d'inadmissibilité dans le cas de maladie prévue à l'alinéa 25b) rend l'objet de la Loi incertain relativement à ces question; il devient donc nécessaire d'avoir recours à l'objet des dispositions précitées du Code criminel en vertu desquelles le requérant a été mis sous observation à Penetanguishene.

    Chacune des procédures différentes prévues aux articles 465, 543, 608.2 et 738 du Code criminel, précités, vise à établir si un défendeur/accusé est apte à subir son procès lorsqu'il y a des raisons suffisantes de douter que celui-ci soit, pour cause d'aliénation mentale, en état de conduire sa défense. À titre d'exemple, le paragraphe 738(6), en vertu duquel le renvoi a été ordonné, ne fait qu'ajouter aux dispositions du paragraphe 738(5) ("peut renvoyer le défendeur en conformité de ce paragraphe"). Lorsqu'une question doit être tranchée, le paragraphe 738(8) prévoit que "la Cour ... doit se conformer à l'article 543 dans la mesure où il peut s'appliquer."

    La prétention du requérant présuppose qu'il existe une dichotomie entre ce qu'on pourrait appeler d'une part l'objectif de sécurité et d'autre part l'objectif de justice du droit criminel, et postule l'assimilation de ce dernier au bien-être personnel de l'accusé. Selon cette hypothèse, l'évaluation psychiatrique de requérant, si elle n'avait pas pour objet sa mise sous garde, devait viser l'avantage personnel du requérant, et avoir pour but soit d'améliorer sa santé soit de lui assurer un procès équitable (en fait, l'argument de l'avocat du requérant n'a soulevé que la question de la santé).

    Cette prétention est fausse puisque la justice et l'équité visées par notre système de justice criminelle, et à plus forte raison, un hypothétique objectif thérapeutique, n'ont pas pour seule justification l'avantage qu'ils procurent aux accusés. Les dispositions du Code criminel portant sur l'aptitude de l'inculpé à subir son procès découlent du common law, qui interdit la tenue des procès en l'absence d'une partie: Foote, "A comment on Pre-Trial Commitment of Criminal Defendants" (1960), 108 U. Penn. L. Rev. 832. Dans l'ouvrage Mental Disorder and the Criminal Trial Process, 1978, à la p. 51, Schiffer conclut que [TRADUCTION] "le principe voulant que les personnes qui ne sont pas saines d'esprit ne doivent pas subir un procès découle des notions séculaires du franc-jeu et de la justice fondamentale," et remonte aux préceptes bibliques. Dans l'affaire Rex v. Lee Kun, [1916] 1 K.B. 337, à la page 371, lord Reading, alors juge en chef, a énoncé en quoi il consistait essentiellement:

    [TRADUCTION]

    Que l'accusé doit être présent ne signifie pas seulement qu'il doit se trouver physiquement sur place mais encore qu'il doit être capable de comprendre la nature des procédures dont il fait l'objet.

    La crainte que l'accusé soit atteint de maladie mentale peut être le fondement de trois des quatre articles du Code autorisant une examen psychiatrique. L'article 543 utilise, pour sa part, le mot "insanity" ("aliénation mentale"), mais l'aliénation mentale associée à l'inaptitude à subir un procès n'appartient pas à la même catégorie et n'a pas la même portée que aliénation mentale visée à l'article 16, qui codifie la règle exprimée dans l'affaire M'Naghten's: R. v. Budic (1977), 35 C.C.C. (2d) 272. Le Rapport du comité canadien de la réforme pénale et correctionnelle (Rapport Ouimet), 1969, à la p. 243, énonce de la manière suivante les considérations dont il doit être tenu compte:

    ... le critère dont on se sert pour déterminer la capacité de subir un procès comporte généralement les réponses aux questions suivantes: l'accusé est-il capable de comprendre la nature de l'objet des poursuites intentées contre lui? Est-il capable de comprendre quelle est sa propre situation par rapport à ces poursuites? Est-il capable de se défendre d'une façon rationnelle?

    Il ne fait aucun doute que le maintien de la règle visant l'aptitude de l'accusé à subir son procès se fonde sur la justice, qui exige la protection du droit de l'accusé de se défendre. Mais le respect de l'équité ne bénéficie pas qu'à l'accusé. L'État, qui doit tenter de montrer aux justifiables que justice a été faite, en profite également. En conséquence, la question de l'aptitude à subir un procès n'est pas laissée à la seule initiative des accusés qui peuvent hésiter à la soulever, dans la crainte d'une longue privation de leur liberté s'ils étaient jugés inaptes à subir leur procès. Le Code prévoit que cette question peut également être soulevée par la Couronne ou par la Cour de sorte que cette question doit être tranchée dès qu'il paraît y avoir des raisons suffisantes pour douter de l'aptitude de l'accusé à subir son procès. L'inaptitude à subir un procès ne peut faire l'objet d'une reconnaissance de l'accusé ou de son avocat: R. v. Levionnois (1956), 114 C.C.C. 266. Henry Bull, procureur de la Couronne plein d'expérience, affirme dans un article intitulé "Fitness to Stand Trial" (1966), 7 Crim. L.Q. 290, à la page 292, que [TRADUCTION] "la question doit être tranchée même si la défense s'y oppose puisque la règle veut qu'une personne souffrant d'aliénation mentale ne puisse subir un procès." Ce qui est le plus important, ainsi que l'a souligné le juge Carrothers, de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, dans l'arrêt Reg. v. Roberts (1975), 24 C.C.C. (2d) 539, à la page 546, c'est que: [TRADUCTION] "l'enquête sur la question de l'aptitude à subir un procès ... est strictement une enquête tenue pour le compte de la Couronne dans le but de décider de la capacité juridique d'un sujet; il ne s'agit pas d'une procès, qui opposerait des parties ..." Cette démarche, à titre d'enquête menée pour le compte de la Couronne, peut aider l'accusé, mais elle vise avant tout l'intérêt public.

    Le dossier en l'espèce démontre que le requérant a été interné à Penetanguishene pour y être examiné et [TRADUCTION] "qu'il serait libéré le 17 juillet 1984 si les résultats de son évaluation le permettaient." Bien que le résultat de l'examen n'apparaisse nulle part au dossier, il est clair que l'on a conclu que le requérant était mentalement apte à subir son procès et qu'il n'était pas nécessaire de le tenir sous garde entre son élargissement de Penetanguishene et son procès puisque ce dernier a eu lieu et que l'inculpé a été trouvé coupable de l'infraction reprochée. Si ce n'avait été le cas, la Cour aurait dû trancher la question en se conformant à l'article 543, ainsi que l'exige le paragraphe 738(8).

    L'aptitude de l'inculpé à subir son procès relève de façon encore plus évidente de l'intérêt public lorsqu'elle est examinée en regard du processus complet prévu au Code. Prolongement de l'article 543, l'article 545 prévoit que lorsqu'un accusé est déclaré atteint d'aliénation mentale, il ne peut être relâché que si son élargissement est non seulement "dans l'intérêt véritable de l'accusé" mais encore s'il peut se faire "sans nuire à l'intérêt public". En d'autres termes, l'on peut conclure que, tout au long du processus d'appréciation de l'aptitude de l'inculpé à subir un procès, processus qui peut aboutir à la mise en liberté, tout mesure prise doit pouvoir l'être "sans nuire à l'intérêt public".

    À mon avis, la conclusion suivante s'impose inévitablement: l'objet des dispositions pertinentes du Code criminel n'est pas d'ordre thérapeutique et ne vise pas la bonne santé de l'accusé, mais il concerne entièrement la justice publique, et fait appel à la fois à la contrainte et à la mise sous garde; conformément à cette fin, le requérant a été mis sous garde dans un établissement à sécurité maximale pour y subir un examen psychiatrique obligatoire à la suite d'une accusation criminelle. Après huit semaines d'évaluation, il a été mis en liberté jusqu'à son procès parce qu'il a été jugé apte à subir celui-ci, mais il doit être considéré que, durant cette longue période d'évaluation, il était détenu dans une prison ou un établissement semblable.

    Il faut reconnaître que la majorité des membres du conseil arbitral se sont trompés en croyant que le requérant, lorsqu'il était à Penetanguishene, était détenu en attendant son procès, bien que cette erreur puisse simplement être due à leur méconnaissance de la terminologie juridique. Toutefois, les cinq conclusions de fait sur lesquelles, ainsi que l'affirment les membres majoritaires, "la conclusion majoritaire du conseil se fonde", sont inattaquables, comme l'est, selon moi, pour les motifs que j'ai déjà livrés, leur conclusion juridique relative à l'application de l'alinéa 45a) de la Loi à ces faits. Bien que les motifs de la décision du juge-arbitre n'aident pas à la compréhension de la question particulière faisant l'objet du présent litige, je suis incapable de déceler quelque erreur de droit dans sa brève analyse. Citant certains extraits, il souligne notamment la définition du mot "prison" ("prison") tirée du Judicial Dictionary de Stroud selon laquelle ce terme désigne [TRADUCTION] "tout lieu de détention utilisé en vertu de poursuites judiciaires". Cette définition m'apparaît appropriée à l'espèce.

    Finalement, le renvoi du requérant à Penetanguishene pour fins d'observation de visait pas fondamentalement son avantage, même en ce qui concerne un procès équitable, et encore moins en ce qui touche sa santé, ainsi que celui-ci le soutient. Il a été mis sous garde sans égard à sa volonté. Il était donc détenu dans une prison ou un établissement semblable et inadmissible aux prestations d'assurance-chômage en vertu de l'alinéa 45a) à moins qu'il ne soit conclu que ces dispositions violent la Charte des droits et libertés.

    Le requérant invoque l'alinéa 11d) et le paragraphe 15(1) de la Charte, ainsi libellés:

    11. Tout inculpé a le droit:

    d) d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l'issue d'un procès public et équitable;

    15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale et ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

    À mon avis, ni l'une ni l'autre de ces dispositions ne s'applique aux faits de l'espèce.

    Le requérant prétend que le priver du bénéfice des prestations sans enquête relative au cautionnement et sans procès va à l'encontre de la présomption d'innocence garantie par l'alinéa 11d). Mais l'inadmissibilité du requérant en vertu de la législation sur l'assurance-chômage ne peut cependant être considérée comme une mesure punitive violant la présomption d'innocence à laquelle il a droit. En effet, l'alinéa 18(2)b) de la Loi prévoit certes que la période de référence relative aux prestations peut être prolongée d'une nombre de semaines équivalent à celui des semaines perdues parce que le prestataire était "détenu dans une prison, un pénitencier ou autre institution de même nature"; cette disposition a été renforcée par la décision récente et non publiée rendue par cette Cour dans l'affaire Garland c. Commission canadienne de l'emploi et de l'immigration, nº de greffe A-1132-84, le 20 novembre 1985.

    L'argument fondé sur le paragraphe 15(1) porte que le requérant serait victime de discrimination si la Loi sur la santé mentale ontarienne lui était moins favorable que la loi albertaine dont l'alinéa 1k) précise qu'une personne renvoyée dans un établissement psychiatrique est un patient. Cette définition ne s'applique cependant qu'à cette loi provinciale et ne peut régir l'interprétation d'une expression différente, "détenu dans une prison ou un établissement semblable", qui fait partie d'une loi distincte dont l'objet n'est pas le même. Même si le requérant avait profité en Ontario des avantagés conférés par la définition albertaine du mot patient, sa situation n'aurait pas été meilleure. L'objet de ces dispositions n'étant pas la santé personnelle de la personne concernée mais la garantie d'un procès équitable dans l'intérêt public, ces considérations ne sont pertinentes pour aucune des instances.

    Le juge-arbitre n'ayant commis aucune erreur de droit dans son interprétation des dispositions légales pertinentes et ayant correctement appliqué le droit aux faits du litige soumis à son appréciation, je rejetterais la demande.



    (Mark R. MacGuigan)
    J.C.F.C.


    1 La décision sur laquelle a porté cette partie du débat Hart-Fuller était l'arrêt McBoyle v. U.S. (1931), 283 U.S. 25, selon lequel la National Motor Vehicle Theft Act (qui rendait coupable d'une infraction criminelle quiconque transportait, dans le cadre de transactions commerciales entre États ou avec l'étranger, un véhicule motorisé qu'il savait être volé) me s'appliquait pas à une personne qui, animée par l'intention prévue à la Loi, transportait un avion. La Loi déclarait que [TRADUCTION] "l'expression "motor vehicle"(véhicule automobile) comprendra une automobile, un camion, une voiture automobile, une motocyclette ou tout autre véhicule autopropulsé qui n'a pas été conçu rouler sur des rails." Le juge Holmes, exprimant l'opinion de la Cour, a écrit (à la page 27): 1 La décision sur laquelle a porté cette partie du débat Hart-Fuller était l'arrêt McBoyle v. U.S. (1931), 283 U.S. 25, selon lequel la National Motor Vehicle Theft Act (qui rendait coupable d'une infraction criminelle quiconque transportait, dans le cadre de transactions commerciales entre États ou avec l'étranger, un véhicule motorisé qu'il savait être volé) me s'appliquait pas à une personne qui, animée par l'intention prévue à la Loi, transportait un avion. La Loi déclarait que [TRADUCTION]

    [TRADUCTION]

    Lorsqu'une règle de conduite est énoncée dans des termes qui n'évoquent, pour les non spécialistes, que des véhicules terrestres, la loi ne devrait pas être étendue à un aéronef pour le seul motif qu'une règle semblable nous parait s'y appliquer ou parce que l'on présume que la législature aurait très probablement utilisé des termes plus larges si elle y avait pensé.

    Les questions soulevées dans cette affaire sont expliquées de façon exhaustive dans un article important du professeur Harry Jones intitulé "Statutory Doubts and Legislative Intention", (1940), 40 Colum. L. Rev. 957. Le professeur Jones tire la conclusion suivante (aux pages 973 et 974):

    [TRADUCTION]

    Il doit être gardé à l'esprit qu'une soi-disant interprétation portant sur des questions que les rédacteurs de la loi ne pouvaient aucunement prévoir possède elle-même un caractère législatif. La question fondamentale consiste à savoir si la législation judiciaire, qui est inévitable, doit promouvoir l'application de la politique de l'autorité législative ou en retarder la mise en oeuvre ... Exerçant un pouvoir délégué, le juge devrait s'inspirer de la politique ou du but que la majorité légiférante a délibérément adoptés, et pour bien comprendre, il doit découvrir pas quels conclusions de fait et jugements de valeur le législateur s'est considéré lié. À titre de législateur, le juge doit comprendre suffisamment les conditions et les activités que visera sa législation supplétive pour être en mesure d'établir des règles de mise en oeuvre efficace sous forme de décisions transmettant son "interprétation" de la loi.

    Le professeur Jones a traité de questions connexes dans les articles "The Plain Meaning Rule and Extrinsic Aids in the Interpretation, of Federal Statutes" (1939), 25 Wash U.LQ. 2 et "Extrinsic Aids in the Federal Courts"(1940), 25 Iowa L. Rev. 737.

    2 À mon avis, la modification du libellé de l'article 45 qui a remplacé les mots "détenu dans une prison ou un pénitencier ou pensionnaire d'un établissement recevant des subventions publiques" par les termes "détenu dans une prison ou un établissement semblable," ne peut être considérée comme déterminante en l'espèce. Il est évidemment clair que le pensionnaire d'un hôpital le recevant en tant que tel aurait été visé auparavant mais ne l'est pas à présent; cependant, le fait qu'un prestataire soit un patient dans un hôpital ne l'exclut pas du champ d'application de l'article 45 si l'établissement dans lequel il se trouve peut également être qualifié de "prison ou ... institution semblable". En d'autres termes, la phrase qui doit être interprétée n'est pas [TRADUCTION] "un détenu dans un hôpital" mais "détenu dans une prison ou un établissement semblable". Ces deux phrases ne présentent pas une dichotomie qui les rendrait mutuellement exclusives, et il suffit pour que s'applique l'article 45 que l'établissement soit "une prison ou un établissement semblable," quoi qu'il puisse être par ailleurs. Ainsi que je l'expliquerai par la suite, seule une analyse des dispositions pertinentes du Code criminel en vertu desquelles le requérant a été détenu à Penetanguishene permettra en fin de compte de déterminer à laquelle des catégories de "détenus" il appartenait.

    2011-01-16