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  • Jugement de la Cour d’Appel Fédérale #A-942-85 - LE PROCUREUR GENERAL DU CANADA c. HURREN, ARTHUR

    JUGEMENT DE LA COUR D’APPEL FÉDÉRALE

    Date :
    le 12 juin 1986

    Dossier :
    A-942-85

    Décision du juge-arbitre :
    CUB 11403;

    « TRADUCTION »

    CORAM :

    LE JUGE EN CHEF
    LE JUGE HUGESSEN
    LE JUGE SUPPLÉANT COWAN


    AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi de 1971 sur l’assurance-chômage, S.C. 1971, chap. 48 et ses modifications;

    ET une décision rendue par le juge Francis Muldoon, siégeant en sa qualité de juge-arbitre conformément aux dispositions de la Loi de 1971 sur l’assurance-chômage;

    ET une demande fondée sur l’article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970, (2e Supp.), chap. 10, visant l’examen et l’annulation de la décision du juge-arbitre

    ENTRE :

    PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

    requérant

    - et -

    ARTHUR HURREN,

    intimé.

    Audience tenue à Toronto, le lundi 26 mai 1986.

    MOTIFS DE JUGEMENT
    (Jugement rendu à Ottawa,
    le jeudi 12 juin 1986) ;
    Prononcé par

    MOTIFS DE JUGEMENT :

    Cette demande fondée sur l’article 28 ne soulève qu’une question unique et bien précise. Il s’agit des rapports entre les paragraphes (1) et (2) de l’article 44 de la Loi de 1971 sur l’assurance-chômage et de leur bonne interprétation. En termes concrets, il s’agit de savoir si un employé qui fait la grève et se retire du monde du travail pendant la grève reste inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-chômage.

    L’intimé Hurren avait soixante-trois ans à l’époque concernée. Il avait travaillé au-delà de quarante-quatre ans auprès du même employeur. Lorsque le syndicat dont il faisait partie s’est mis en grève, il était évident qu’il avait peu à gagner en participant à ce conflit collectif. Il a donc choisi de prendre sa retraite, et lorsqu’elle est entrée en vigueur environ un mois après le début de la grève, il a fait une demande de prestations. La Commission a rejeté sa demande et le conseil arbitral a confirmé cette décision au motif que l’intimé

    [TRADUCTION] ne pouvait obtenir d’aide en quittant volontairement son emploi après le début de l’arrêt de travail.

    Le juge Muldoon, siégeant en qualité de juge-arbitre, a infirmé cette décision. Il a statué que le paragraphe 44(1) de la Loi ne s’appliquait pas parce que l’intimé répondait aux dispositions du paragraphe 44(2). J’estime qu’il a eu raison de statuer de la sorte.

    Il n’a pas été contesté à l’audience qui s’est déroulée en notre présence que l’intimé avait réellement pris sa retraite, qu’il avait renoncé à son adhésion au syndicat, et qu’il ne participait plus à la grève et n’était plus directement intéressé à son issue. Le requérant a fait valoir sans grande conviction que l’intimé pourrait avoir un intérêt éventuel dans le règlement de la grève s’il décidait de retourner au travail; si l’on suppose que cet intérêt différait de celui du public en général, il ne serait pas "direct" au sens de l’alinéa 44(2)a). Par conséquent, il ne s’agissait pas de savoir si l’intimé s’était déchargé du fardeau que lui imposait le paragraphe 44(2), mais plutôt de savoir si cette disposition pouvait jamais s’appliquer à quelqu’un qui était déjà devenu inadmissible en vertu du paragraphe 44(1).

    Voici de libellé du paragraphe 44(1) de la Loi.

    44.(1) Un prestataire qui a perdu son emploi du fait d’un arrêt de travail dû à conflit collectif à l’usine, à l’atelier ou en tout autre local où il exerçait un emploi n’est pas admissible au bénéfice des prestations tant que ne s’est pas réalisée l’une des éventualités suivantes, à savoir:
    a) la fin de l’arrêt du travail,

    b) son engagement de bonne foi à un emploi exercé ailleurs dans le cadre de l’occupation qui est habituellement la sienne,

    c) le fait qu’il s’est mis à exercer quelque autre occupation d’une façon régulière.

    Du simple point de vue de la construction grammaticale, il me semble que pour les fins de l’espèce, les principales caractéristiques de ce texte sont les suivantes:

    1. Le texte crée l’inadmissibilité au bénéfice des prestations.
    2. Son regard rétrospectif remonte du moment de la demande à celui de la perte de l’emploi.
    3. La perte d’emploi attribuable au motif visé entraîne l’inadmissibilité.
    4. Une fois établie, l’inadmissibilité se prolonge jusqu’à la réalisation de l’une des éventualités mentionnées aux alinéas a), b) et c).

    Voici le libellé de l’alinéa 44(2) de la Loi:

    44. ...
    (2) Le paragraphe (1) n’est pas applicable si le prestataire prouve
    a) qu’il ne participe pas au conflit collectif qui a causé l’arrêt du travail, qu’il ne la finance pas et qu’il n’y est pas directement intéressé; et
    b) qu’il n’appartient pas au groupe de travailleurs de même classe ou de même rang dont certains membres exerçaient, immédiatement avant le début de l’arrêt du travail, un emploi à l’endroit où s’est produit l’arrêt du travail et participent au conflit collectif, le financent ou y sont directement intéressés.

    Les points suivants se dégagent de ce texte:

    1. Il a pour effet de rendre le paragraphe (1) inapplicable.
    2. Il fait usage du présent en se plaçant au moment de la demande.
    3. Rien n’exige que la perte d’emploi soit simultanée au conflit collectif ni à l’arrêt de travail et il est clairement envisagé qu’elle puisse être postérieur (comme, par exemple, lorsque des employés non syndiqués sont mis à pied par leur employeur quelque temps après le début de la grève). 1
    4. L’était de prestataire étant continu, rien n’exige non plus que la demande de prestations soit simultanée à la perte d’emploi.

    Selon ce qui précède, il ne me semble pas y avoir de contradictions irréductibles entre les deux textes. Le paragraphe (1) vise en prestataire inadmissible et la façon dont cette inadmissibilité peut prendre fin. Cependant, le prestataire qui arrive à satisfaire aux dispositions du paragraphe (2) n’est nullement inadmissible et aucune partie du paragraphe (1) ne lui est applicable. L’inadmissibilité qui a pris naissance en vertu du paragraphe (1) se prolonge tant que ne s’est pas réalisée l’une des éventualités énoncées aux alinéas a), b) et c); toutefois, cela n’empêche pas la disparition de cette inadmissibilité lorsque le prestataire établit par la suite qu’il répond aux exigences du paragraphe (2).

    Rien dans l’interprétation qui précède n’est contraire au but de la Loi. Ce but, si je comprends bien, est de fournir des prestations aux chômeurs tout en évitant que celles-ci servent à financer un conflit collectif. L’employé qui prend sa retraite (volontairement ou en y étant forcé, peu importe) rompt les liens qui l’unissent à son employeur. Il n’a plus rien à tirer ni à perdre de l’issue d’un conflit collectif. Il est désormais libre. La cause de la perte de son emploi, facteur décisif à la détermination de l’inadmissibilité visée au paragraphe 44(1), n’importe plus car il a volontairement renoné à la possibilité de jamais reprendre son emploi.

    Je rejetterais la demande.



    "James K Hugessen"
    Juge



    "Je souscris à ces motifs.

    A.L. Thurlow, Juge en chef""

    "Je souscris à ces motifs.

    G.S. Cowan, Juge suppléant"




    1 À cet égard, je suis en désaccord avec le juge arbitre en chef dans GIBBS, CUB 8654, et MOTYCHKA, CUB 8698, lorsqu'il a dit:

    ... le paragraphe 44(2) traite du moment où de produit le conflit collectif...

    Cette cour a rejeté la demande d'annulation de la décision rendue dans l'affaire MOTYCHKA (No de greffe A-1784-83, le 18 septembre 1984) mais aucuns motifs n'ayant été rendus, nous ignorons quels étaient les moyens d'appel.

    2011-01-16