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  • CUB 6801


    DÉCISION DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE CORRESPONDANTE : A-787-81


    CUB CORRESPONDANT : 6801A


    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE la Loi sur l'assurance-chômage

    et

    RELATIVEMENT A une demande de prestations par
    GIONEST, Odilon et al.

    et

    RELATIVEMENT A un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par
    la Commission à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral
    rendue à Chandler, Québec, le 23 décembre 1980

    DECISION

    LE JUGE DUBÉ :

    La Commission interjette appel pour le motif que le conseil arbitral a erré en droit en décidant qu'il n'existait pas de conflit collectif à l'usine à poissons de Newport, P.Q., où l'appelant et d'autres prestataires exerçaient leur emploi, à compter du 30 avril jusqu'au 13 mai 1980.

    Le conflit collectif est défini comme suit au paragraphe 44(4) de la Loi :

    (4) Dans la présente loi, "conflit collectif" désigne tout conflit, entre employeurs et employés ou entre employés, qui se rattache à l'emploi ou aux modalités d'emploi de certaines personnes ou au fait qu'elles ne sont pas employées.

    Après avoir entendu les arguments présentés par le procureur des prestataires et celui de la Commission lors de l'audition de cet appel, tenu à Percé, P.Q., le 8 juillet 1981, et avoir pris connaissance des pièces au dossier je n'ai pas d'autre alternative que de déterminer qu'il y avait bel et bien "conflit collectif" au sens de la Loi à l'usine en question.

    Il y avait au départ divergence d'opinions entre les Pêcheurs Unis du Québec et les employés représentés par le Syndicat national des Employés des Usines de Pêcheries de Newport. Les négociations achoppaient principalement sur les clauses salariales, les heures de travail, l'indexation du coût de la vie, et l'instauration de nouveaux standards de production exigés par l'employeur. Tous ces éléments en dispute se rattachent, bien sûr, à l'emploi et aux modalités d'emploi des prestataires. Au cours des négociations les Pêcheurs Unis du Québec ont décidé de ne pas reprendre les opérations à l'usine de Newport tant et aussi longtemps que la convention collective ne serait pas renouvellée. Alors les pêcheurs en mer qui alimentent cette usine ont été avisés par l'employeur d'aller décharger leurs poissons ailleurs. N'eusse été du conflit collectif en cours les employés auraient normalement repris le travail au début de la saison de pêche, soit le 30 avril 1980.

    Dans sa décision le conseil arbitral fait une revue de la situation. Il retient qu'il y a eu plusieurs rencontres entre le Syndicat et l'employeur avant l'ouverture de la saison en mars et en avril. Le conseil remarque qu'il n'y a pas eu de paquetage, que les employés n'ont pas été rappelés au travail, et qu'ils n'ont pas refusé de travailler. Il en conclut que les négociations n'ont pas été houleuses, qu'il n'y a pas eu d'interruption, pas de paquetage, pas de grève, pas de conciliation, pas de demande de conciliation : donc pas de conflit collectif.

    Cette décision du conseil, a mon sens, est erronée. L'existence d'un conflit collectif en vertu de la définition précitée ne nécessite pas la présence des facteurs retenus par le conseil. Comme en fait foi une jurisprudence abondante et constante, il peut y avoir conflit collectif même s'il n'y a pas de grève, ni de conciliation, ni de paquetage, ni de turbulence. Dans le cas présent les deux parties en cause ne s'entendaient pas sur les modalités d'emploi des prestataires. Á la suite de cette mésentente l'employeur n'a pas ouvert ses portes et a avisé les pêcheurs qui nourrissaient l'usine de débarquer leurs poissons ailleurs. Il s'en est suivi un arrêt de travail dû à un conflit collectif en question.

    Dans sa décision le conseil s'est arrêté à l'absence de conflit collectif et n'a pas tranché la question de savoir s'il y avait eu ou non arrêt de travail. La preuve démontre clairement que l'employeur a fermé les portes de l'usine de Newport et avisé les bateaux de pêcheurs qui normalement débarquent leurs poissons à cet endroit d'aller porter ailleurs le produit de leur pêche. Les cargaisons déchargées ailleurs auraient suffi à employer les ouvriers a l'usine de Newport. Par ces motifs l'appel de la Commission est accueilli.

    J.E. DUBÉ

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA,
    le 14 août 1981.

    2011-01-16