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  • CUB 9397

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE, 1971

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    Douglas GARLAND

    - et -

    d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par la Commission de l'emploi et
    de l'immigration du Canada à l'encontre d'une décision du conseil arbitral
    rendue à Calgary (Alberta) le 23 novembre 1983.


    CUB CORRESPONDANT : 9397A

    DÉCISION DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE CORRESPONDANTE : A-1132-84


    DÉCISION

    J. L. DUBINSKY, JUGE-ARBITRE :

    J'ai été saisi de cet appel de la décision unanime du conseil arbitral le 18 mai 1984 à Calgary (Alberta). M. Johannes Van Iperen, c.r., agissait pour le compte de la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, ci-après appelée la Commission. L'intimé, M. Douglas Garland, était présent et se représentait lui même.

    Pour exposer ce cas, j'ai extrait les deux premiers paragraphes des observations de la Commission. J'ai été convaincu que les faits qui y ont été exposés étaient exacts et j'ai conclu en ce sens :

    «Douglas Garland a présenté une demande initiale de prestations, le 15 août 1983 (pièce 2), date a laquelle il a présenté le relevé d'emploi émis par Digitech STD (pièce 3) et rempli une demande de prolongation de la période de prestations qui n'était pas applicable au prestataire, mais qui a été considérée comme une prolongation de la période de référence (pièce 4). Une demande de renseignements supplémentaires a été expédiée et renvoyée accompagnée d'une lettre du Solliciteur général de l'Alberta (pièces 5 et 6). Un appel téléphonique a été fait au Service des dossiers, le 14 septembre 1983, afin d'obtenir des éclaircissements sur la lettre du Solliciteur général (pièce 7) et, après évaluation de la demande, un avis de nombre insuffisant de semaines d'emploi assurable (pièce 8) a été adressé au prestataire le 20 septembre 1983.
    Le 28 septembre 1983, le prestataire s'est présenté au bureau pour fournir des renseignements supplémentaires (pièce 9) et une autre lettre du Solliciteur général de l'Alberta (pièce 10). Par la suite, la Commission a examiné sa demande de nouveau, puis elle lui a adressé un avis de maintien de la décision car les renseignements supplémentaires fournis ne modifiaient pas sa situation (pièce 11). Le prestataire s'est présenté au bureau, le 12 octobre 1983 pour fournir d'autres renseignements supplémentaires (pièce 12) et il a déposé une lettre d'appel (pièce 13), le 18 octobre 1983.»

    Après réception de sa lettre d'appel, le conseil arbitral a entendu son appel le 23 novembre 1983 et il a unanimement maintenu son appel. Voici l'exposé partiel de sa décision:

    «(2) Tous les faits pertinents obtenus durant l'audition de l'appel et qui ne figurent pas sur les pièces:
    Le prestataire a de nouveau déclaré qu'il pense que l'accord d'absence temporaire pour se rendre à la ferme de son père l'a induit en erreur et qu'il faudrait en tenir compte.
    (3) Motifs de la décision et établissement de la conclusion de fait du conseil arbitral concernant les questions de fait relatives à la décision.
    Après avoir dûment examiné tous les faits qui lui ont été soumis, le conseil arbitral conclut que, compte tenu de l'accord d'absence temporaire qui lui permettait de ne résider et travailler que sur la ferme de ses parents, le prestataire se trouvait dans une prison, un pénitencier ou autre établissement semblable entre le 24 septembre 1982 et le 24 mars 1983 et que la Commission est tenue de recalculer adéquatement le nombre de semaines assurables qu'il a à son actif durant sa période de référence.
    L'appel du prestataire est ACCUEILLI.»

    Le 9 décembre 1983, la Commission a interjeté appel de la décision du conseil arbitral devant le juge-arbitre et elle a fondé son appel sur l'alinéa (b) de l'article 95 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage. J'ai entendu cet appel en temps opportun, alors que je siégeais en ma qualité de juge-arbitre.

    J'ai soigneusement examiné toutes les pièces versées au dossier et j'ai particulièrement noté, d'une part, les observations de la Commission et, d'autre part, les exposés soumis au nom du prestataire. Après examen minutieux, j'en suis venu à la conclusion que la décision du conseil devait être infirmée. L'appel du prestataire n'était pas du tout fondé en droit.

    La disposition pertinente de la Loi est le paragraphe 18(2). I1 est libellé comme suit :

    «(2) Lorsqu'une personne prouve de la manière que la Commission peut ordonner qu'au cours d'une période de référence visée à l'alinéa (a) du paragraphe (1), elle n'a pas exercé, pendant une ou plusieurs semaines, un emploi assurable parce qu'elle (1976-77, c. 54, art. 31.)
    (a) était incapable de travailler par suite d'une maladie, blessure, mise en quarantaine ou grossesse prévue par les règlements, (1974-75-76, c. 80, art. 4; 1978-79, c. 7, art. 4.1.)
    (b) était détenue dans un prison, un pénitencier ou autre institution de même nature,
    (c) suivait un cours d'instruction ou autre programme sur les instances d'une autorité que peut désigner la Commission, ou
    (d) touchait, sur une base temporaire, l'indemnité maximale prévue pour un accident du travail ou une maladie professionnelle,
    cette période de référence sera, aux fins du présent article, prolongée d'un nombre équivalent de semaines. (1976-77, c. 54, art. 31.)

    Maxwell, dans l'ouvrage intitulé «Interprétation des statuts» nous rappelle à la p. 6 que «La règle par excellence consiste à donner à première vue aux mots d'une loi leur sens ordinaire.» C'est Lord Wensleydale qui a formulé la règle d'interprétation par excellence dans l'affaire Grey C. Pearson (1857), 6 H.L.C. lorsqu'il a déclaré ce qui suit :

    «Lorsqu'on interprète les volontés d'un testateur, les lois ou tous les actes instrumentaires, il faut s'en tenir au sens grammatical et ordinaire des mots, à moins que cela n'entraîne quelque absurdité ou quelque contradiction ou illogisme par rapport au reste du texte et, le cas échéant, le sens grammatical ordinaire des mots peut être modifié de manière à éviter l'absurdité, la contradiction et l'illogisme, mais sans plus.»

    Si l'on applique cette règle par excellence et que l'on garde présent à l'esprit la signification ordinairement donnée aux mots dans le dictionnaire, je n'ai absolument aucune difficulté à comprendre la signification du paragraphe 18(2) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage. J'ai soigneusement étudié l'exposé de M. Macleod Dixon et je l'en ai félicité. Néanmoins, je n'éprouve pas la moindre hésitation à déclarer que je préfère adopter le point de vue de Mad. Marny Reeve, de la Commission. Dans le commentaire n° 3 des observations qu'elle a adressées au juge-arbitre, elle a déclaré ce qui suit :

    3. La Commission soumet que le conseil arbitral a erré en droit en concluant que les conditions imposées par l'accord d'absence temporaire décrit dans les pièce 9.10, 16.1 et 16.2 constituaient un emprisonnement dans une institution semblable, au sens où l'entend l'alinéa 18(2)(b) de la Loi sur l'assurance-chômage, puis en autorisant la prolongation de la période de référence. L'alinéa 18(2)(b) de la Loi autorise la prolongation de la période de référence lors qu'un prestataire prouve que, durant n'importe queue période de cette période de référence, il n'occupait pas un emploi assurable parce que, durant l'une ou l'autre des semaines de cette période, il était emprisonné dans une prison, un pénitencier ou tout autre établissement semblable.
    Comme le prouve la pièce 6, le prestataire a été détenu dans un centre correctionnel du 14 janvier 1982 au 24 septembre 1982, date à laquelle il a été remis à la garde de ses parents en vertu d'un accord d'absence temporaire. Comme le prouve la pièce 4, une prolongation de la période de référence a été autorisée pour un total de 37 semaines, ce qui correspond à la période durant laquelle il était effectivement incarcéré. Grâce à cette prolongation, le prestataire compte 6 semaines d'emploi assurable à son actif durant sa période de référence et cela est insuffisant pour le rendre admissible au bénéfice des prestations en vertu de l'article 17 de la Loi (pièce 8).
    La pièce 11 prouve que la prolongation n'a pas été accordée pour la période durant laquelle le prestataire bénéficiait de l'accord d'absence temporaire. La Commission a jugé que les conditions imposées au fait que le prestataire était autorisé à résider et à travailler sur la ferme de ses parents n'équivalent pas à un emprisonnement dans un établissement semblable à une prison ou à un pénitiencier.
    Aux termes de l'article 45 de la Loi sur l'assurance-chômage, un prestataire n'est pas admissible au bénéfice des presatations pour toute période durant laquelle il est détenu dans une prison ou un établissement semblable. Néanmoins, l'article 55 du Règlement dispose qu'un prestataire ne peut pas être exclu du bénéfice des prestations uniquement en vertu de l'article 45 de la Loi, s'il a obtenu une autorisation d'absence temporaire. On considère que dès lors qu'une absence temporaire a été accordée, rien n'empêche le prestataire d'occuper un emploi assurable. I1 s'ensuit donc que durant la période de son absence temporaire, le prestataire avait toute la latitude voulue pour occuper un emploi assurable puisqu'il n'était pas détenu dans un établissement semblable à une prison ou un pénitiencier.
    Par conséquent, la Commission soumet qu'une autre extension de la période de référence ne peut pas être accordée entre septembre 1982 et mars 1983, puisque le prestataire n'était pas emprisonné dans un établissement semblable à une prison ou à un pénitencier.

    Depuis le 1er mai 1980, l'article 95 est libellé comme suit :

    «Art. 95. Toute décision ou ordonnance d'un conseil arbitral peut, de plein droit, être portée en appel de la manière prescrite, devant un juge-arbitre par la Commission, un prestataire, un employeur ou une association dont le prestataire ou l'employeur est membre, au motif que
    (a) le conseil arbitral n'a pas observé un principe de Justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
    (b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; ou
    (c) le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance».

    Je suis tout à fait conscient du fait que, compte tenu de l'article précité, un juge-arbitre doit faire preuve d'une grande prudence avant d'infirmer la décision d'un conseil arbitral. Habituellement, j'ai beaucoup de déférence pour les décisions rendues par les conseils arbitraux du Canada et, en fait, il ne m'arrive que très rarement d'avoir à infirmer leurs décisions. Néanmoins, dans la présente affaire, je suis totalement convaincu que le conseil arbitral a vraiment erré en droit en statuant comme il l'a fait et, en vertu de l'alinéa 95(b), de la Loi, je n'ai pas la moindre hésitations à casser son jugement. Toutefois cet alinéa n'est pas la seule disposition de loi applicable.

    La décision du conseil devait également être infirmée en vertu de l'alinéa 95(c). En concluant comme il l'a fait, le conseil a rendu sa décision de façon absurde et arbitraire et sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

    Pour les motifs précités, l'appel de la Commission est accueilli et la présente décision écrite confirme celle que j'ai rendue oralement lors de l'audience à Calgary (Alberta), le 18 mai 1984.

    ______________________

    JUGE-ARBITRE

    Daté le 11 septembre 1984

    2011-01-16