TRADUCTION
EN VERTU DE LA Loi sur l'assurance-chômage
- et -
RELATIVEMENT À une demande de prestations présentée par
HENRY PETERS
- et -
RELATIVEMENT À un appel interjeté devant le juge-arbitre
par la Commission à l'encontre d'une décision du conseil arbitral
rendue à Vancouver (Colombie-Britannique) le 16 mai 1991.
DÉCISION
McNAIR, J., JUGE-ARBITRE:
La Commission interjette appel de la décision unanime du conseil arbitral portant que les sommes d'argent versées au prestataire par son ancien employeur, Alltrans Express, devraient être réparties à partir du 3 octobre 1989 plutôt que du 25 février 1990 en exécution des articles 57 et 58 du Règlement sur l'assurance-chômage. Elle soutient que le conseil arbitral n'a pas observé un principe de justice naturelle, qu'il a commis un excès de compétence, que sa décision est entachée d'une erreur de droit et qu'il a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée au sens des alinéas 80a), b) et c) de la Loi sur l'assurance-chômage, S.R.C. 1985, c. U-1.
Le prestataire travaillait à la Alltrans Express Ltd. en qualité de camionneur. Le 3 octobre 1989 fut son dernier jour de travail. Le 4 octobre 1989, la grève était déclenchée chez Alltrans Express. Elle s'est terminée le 6 novembre 1989. Le prestataire a présenté une demande de prestations qui fut accueillie, et une période de prestations ordinaires fut établie à son profit à partir du 27 novembre 1989. En avril 1990, le prestataire a informé la Commission que son employeur, Alltrans Express, lui avait envoyé un chèque de 1 736,02 $ à titre de paye de vacances proprement dite et de paye de vacances tenant lieu de congés de maladie et de sur temps accumulés. La Commission a fait enquête et elle a appris qu'Alltrans Express avait écrit au ministre du Travail le 6 novembre 1989 pour l'informer que la société abandonnerait les affaires et licencierait tous ces employés le 26 février 1990 (Pièce 8). En conséquence, la Commission a réparti la paye de vacances du prestataire et sa paye tenant lieu de congés de maladie sur la période allant du 25 février au 24 mars 1990 en se fondant sur son salaire hebdomadaire normal. Cela a entraîné un trop-payé de 890 $. Le prestataire a interjeté appel devant le conseil arbitral, soutenant que la Commission aurait dû répartir la somme qu'il avait reçue de son employeur à partir de la date de son licenciement, soit le 2 octobre 1989.
Le conseil arbitral a rendu une assez longue décision dans laquelle il a récapitulé les faits pertinents, examiné l'argumentation des deux parties et tiré les conclusions suivantes :
D'après la preuve portée à sa connaissance, le conseil est d'accord que le dernier jour de travail de M. Peters était le 2 octobre et que sa paye de vacances et la rémunération de ses heures supplémentaires accumulées auraient dû être réparties à partir de cette date. De plus, le libellé du Relevé d'emploi est clair : case 17 - « paiements ou avantages (autres que le salaire habituel) payés au cours de la dernière période de paye ou payables à une date ultérieure » (Pièce 3).
On a établi que M. Peters fut licencié avant le déclenchement de la grève. En conséquence, la somme qui lui revenait devrait être répartie à partir du 3 octobre 1989 et aurait dû être inscrite à la case 17 du Relevé d'emploi au moment de sa délivrance. Le conseil se réfère aussi à la décision CUB 15419 selon laquelle la somme doit être répartie sur une période commençant à la date du licenciement (Pièce 14.2).
L'appel est rejeté.
L'avocate de la Commission, Me Sandra Hancock, a soutenu que le conseil arbitral avait eu tort de décider que le prestataire avait été licencié à partir du 3 octobre 1989 et qu'en conséquence, la somme litigieuse aurait dû être répartie à compter de cette date. Elle estimait, en outre, que si l'employeur avait versé cette somme de 1 736,02 $ au prestataire, c'était parce qu'il avait abandonné les affaires le 26 février 1990, et que l'on devait donc la répartir à compter de cette date plutôt qu'à compter de la date fictive du licenciement le 3 octobre 1989. Elle s'est appuyée beaucoup sur la décision que le juge Collier a rendue dans l'affaire Rhodenizer [CUB 14989] et dans laquelle il a conclu que la somme versée par l'employeur à titre de paye de vacances et d'indemnité de départ devait être répartie à partir de la date de la véritable cessation d'emploi, soit le 1er mai 1986, et non à partir de la date de la mise à pied saisonnière le 23 mars 1986 comme la Commission et le conseil arbitral l'avaient décidé à tort. L'avocate de la Commission a signalé les ressemblances entre cette affaire et la présente affaire où l'employeur a envoyé le chèque au prestataire après avoir décidé d'abandonner les affaires.
Elle a souligné le fait que la Commission s'appuyait beaucoup sur le relevé d'emploi établi par l'employeur, Alltrans Express, confirmant que le dernier jour de travail du prestataire fut bien le 3 octobre 1989. A son avis, le conseil arbitral a commis une erreur de droit aussi bien qu'une erreur de fait quand il a réparti la somme litigieuse à partir du 3 octobre 1989 plutôt qu'à partir de la date de l'abandon des affaires, soit le 26 février 1990. Enfin, la Commission soutient essentiellement que la somme de 1 736,02 $ n'a pas été versée au prestataire par suite de son licenciement ou de son départ avant le 26 février 1990, mais par suite de la décision de l'entreprise d'abandonner les affaires à compter de cette date.
Le représentant du prestataire, Me Allan Zdunich, qui a aussi plaidé sa cause devant le conseil arbitral, a fait valoir que si le prestataire avait eu droit à la somme litigieuse, c'était bien à cause de son licenciement le 2 octobre 1989, juste avant le déclenchement de la grève. A son avis, le conseil arbitral a rendu la décision que dictaient les éléments de preuve portés à sa connaissance. Me Zdunich a établi une distinction entre la présente affaire et l'affaire Rhodenizer [CUB 14989]; dans cette dernière affaire, la décision de ne pas antidater la répartition de la somme versée était fondée, d'après lui, sur la notion du licenciement ou de la cessation d'emploi par opposition à la mise à pied saisonnière.
Les dispositions légales applicables sont l'alinéa 57(2)a) et le paragraphe 58(9) du Règlement sur l'assurance-chômage qui, à l'époque en cause, portaient que :
57.(2) Sous réserve du présent article, la rémunération dont il faut tenir compte pour déterminer s'il y a eu un arrêt de rémunération, pour déterminer le montant à déduire des prestations payables en vertu des paragraphes 26(1) ou (2), 29(4), 30(5), 32(3), 32.1(4) de la Loi, et pour l'application des articles 51 et 52 de la Loi comprend :
a) le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi;
58.(9) Sous réserve des paragraphes (9.1) et (10), toute rémunération payée ou payable à un prestataire en raison de son licenciement ou de la cessation de son emploi est, abstraction faite de la nature de la rémunération et de la période pour laquelle elle est censée être payée ou payable, répartie sur un nombre de semaines qui commence par la semaine du licenciement ou de la cessation d'emploi, de sorte que le total de la rémunération de cet emploi pour chaque semaine consécutive, sauf la dernière, soit égal à la rémunération hebdomadaire normale que le prestataire tirait de l'emploi.
Dans sa décision, le conseil arbitral se réfère à la Pièce 8. Il s'agit du préavis d'au moins seize semaines que l'employeur est tenu de donner par écrit au ministre du Travail lorsqu'il compte licencier un minimum de cinquante employés dans ses établissements industriels, conformément à l'article 212 du Code canadien du travail, S.R.C. 1985, c. L-2. La date de licenciement indiquée sur ce préavis est le 26 février 1990. Le paragraphe 212(4) du Code porte que :
212.(4) Sauf disposition contraire d'un règlement, la mise à pied est, pour l'application de la présente section, assimilée au licenciement.
D'après la Pièce 3, qui est le Relevé d'emploi auquel la Commission accorde tellement de poids, le prestataire fut licencié le 3 octobre 1989. Rien n'indique qu'il fût rappelé au travail ou mis en disponibilité après le 3 octobre 1989. Dans sa décision, le conseil semble avoir hésité entre cette date et le 2 octobre 1989 comme dernier jour de travail du prestataire. Il me semble que l'on a gaspillé beaucoup de temps à se disputer sur le dernier jour de travail du prestataire, à savoir si c'était le 2 ou le 3 octobre 1989. Je ne vois pas quelle importance cette différence d'un jour peut avoir. Il n'est pas étonnant que le conseil arbitral ait eu de la difficulté à s'y retrouver.
Bref, le conseil arbitral en est venu à la conclusion de fait que le prestataire fut licencié avant le déclenchement de la grève et que la somme qui lui revenait par suite de son licenciement « devrait être répartie à partir du 3 octobre 1989 ». La conclusion de fait cruciale est essentiellement la suivante : le prestataire fut licencié le 3 octobre 1989 et non le 26 février 1990 comme le prétend la Commission.
Le conseil arbitral s'est appuyé sur la décision CUB 15419, citée dans les observations de la Commission (Pièce 14), pour conclure que « la somme doit être répartie sur une période commençant à la date du licenciement » conformément au paragraphe 58(13) du Règlement. Cette disposition réglementaire fut abrogée le 23 novembre 1989 et remplacée par l'actuel paragraphe 58(9) 1 un jour avant la présentation de la demande du prestataire le 24 novembre 1989. En conséquence, c'est le paragraphe 58(9) du Règlement sur l'assurance-chômage qui s'applique en l'espèce, et non l'ancien paragraphe 58(13). La nouvelle disposition du Règlement traite de la rémunération payée ou payable à un prestataire en raison de son licenciement ou de la cessation de son emploi et de sa répartition sur un nombre de semaines qui commence par la semaine du licenciement ou de la cessation d'emploi. A mon avis, l'abrogation du paragraphe 58(13) et son remplacement par le paragraphe 58(9) dans sa forme actuelle ne modifie en rien l'issue de l'affaire. Cependant, si le fait que le conseil ait invoqué par inadvertance une disposition abrogée du Règlement a jeté un doute technique sur l'affaire, j'estime que l'on devrait trancher en faveur du prestataire : voir Hills c. Canada [1988], 84 N.R. 48 R.C.E. (3e) 193 (C.S.C.).
Je suis d'accord avec le représentant du prestataire que les faits en l'espèce ne sont pas les mêmes que dans l'affaire Rhodenizer [CUB 14989]. A mon avis, le conseil arbitral disposait de solides preuves sur lesquelles se fonder pour conclure raisonnablement que le prestataire fut licencié avant le déclenchement de la grève et qu'en conséquence, la somme litigieuse aurait dû être répartie à partir du 3 octobre 1989. J'estime également que le conseil n'a commis aucune erreur de droit dans la prise de sa décision.
Je conclus donc que la décision du conseil n'est pas entachée d'erreurs de droit évidentes ni d'erreurs de fait révisables qui m'autoriseraient à intervenir. De plus, rien n'indique que le conseil ait violé un principe de justice naturelle ou commis un excès de compétence.
Pour les motifs précédents, l'appel de la Commission est rejeté.
J. C. McNair
JUGE-ARBITRE
OTTAWA, Ontario
le 16 juin 1993