TRADUCTION
EN VERTU DE la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage
- et -
RELATIVEMENT À une demande par
Colin Rosnes
- et -
RELATIVEMENT À un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par
le prestataire à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral
rendue à Regina (Saskatchewan), le 13 octobre 1992.
DÉCISION
STRAYER, J.
La demande de prestations du prestataire a été renouvelée à compter du 12 janvier 1992. Il a convenu de participer à un « projet créateur d'emplois » au sens de l'article 25 de la Loi, dans le cadre duquel il travaillerait au Western Development Museum. Dans le protocole d'entente sur le projet, qu'il a signé le 4 février 1992, il reconnaît que :
4. ...ma participation à ce projet ne constitue pas un emploi assurable aux termes de la Loi sur l'assurance-chômage, S.R.C., 1985, c. U-1 et du Règlement sur l'assurance-chômage, et que les prestations versées ne sont pas considérées comme une rémunération provenant d'un emploi aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu;
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7. La Commission peut m'obliger à chercher activement un emploi au cours de la durée du projet losqu'elle établit que des débouchés raisonnables se présentent dans toute profession considérée comme un emploi convenable.
En janvier 1992, le prestataire a communiqué à quatre reprises avec le grossiste en viandes Western Canadian Beef à la recherche d'un emploi. Le 28 février 1992, alors qu'il participait au projet créateur d'emplois, Western Canadian Beef a communiqué avec lui et lui a offert un emploi. La nature de cette offre sera abordée plus loin. Il a informé son employeur éventuel qu'il travaillait déjà au Western Development Museum, et il a refusé l'offre d'emploi.
Au cours d'entrevues que le prestataire a eues avec le personnel de la Commission en juillet 1992, il a fait savoir qu'il se rendait en Australie du 1er au 14 août 1992 avec le Karate Club de Moose Jaw.
Le 17 août 1992, la Commission a décidé qu'en refusant l'offre d'emploi de la Western Canadian Beef, le prestataire avait refusé un emploi convenable sans motif valable et qu'il était donc exclu du bénéfice des prestations pour une période de neuf semaines en application de l'article 27 de la Loi. Le même jour, la Commission décidait également que le prestataire n'était pas admissible aux prestations à compter du 13 juillet 1992 car il n'était pas disponible pour travailler jusqu'à son retour d'Australie.
Le prestataire en a appelé des deux décisions devant le conseil arbitral, et le conseil a rejeté les deux appels. Il a d'abord interjeté appel des deux décisions du conseil devant le juge-arbitre, mais il s'est ensuite désisté de l'appel portant sur sa disponibilité pour travailler. Quant à l'appel de la décision l'excluant du bénéfice des prestations, il allègue que le conseil a commis une erreur de droit aussi bien qu'une erreur de fait.
J'en suis venu à la conclusion que la décision du conseil portant exclusion du bénéfice des prestations est entachée d'erreurs de droit. Il semble que le conseil n'avait pas à l'esprit et n'a pas appliqué la définition juridique du terme « motif valable » tel qu'il est utilisé à l'article 27 de la Loi. La jurisprudence a en effet établi qu'il y a « motif valable » si le prestataire a agi comme l'on s'attendrait une personne raisonnable d'agir dans de telles circonstances. 1 Le conseil, au contraire, a conclu :
(1) Décision : Le prestataire ne s'est pas acquitté de ses obligations aux termes du protocole d'entente et il a refusé un emploi occasionnel [Pièce 6] à la Western Canadian Beef Packers Ltd. Son refus n'était pas justifié. A l'audition de l'appel, le prestataire n'a fait valoir aucun motif sérieux justifiant son refus.
Pour ce qui est des « obligations [du prestataire] aux termes du protocole d'entente », le protocole ne définit pas nécessairement ce qui constitue un « motif valable ». De plus, les dispositions invoquées par la Commission, à savoir les paragraphes 4 et 7 du protocole, ne permettent pas de conclure que le prestataire a agi de manière déraisonnable dans les circonstances. Le paragraphe 4, cité précédemment, ne communiquerait pas nécessairement au prestataire des renseignements utiles dans les circonstances. Même si le paragraphe 4 stipule qu'un projet créateur d'emplois ne constitue pas un « emploi assurable », il ne fait pas clairement savoir au prestataire qu'il doit continuer à chercher du travail pendant le projet. Bien qu'il soit précisé au paragraphe 7 que la Commission peut obliger le prestataire à chercher activement un emploi au cours du projet, je suis persuadé, à la lumière de la preuve portée à ma connaissance, qu'il n'a jamais été informé clairement de ce fait avant le 28 février 1992 lorsqu'il a refusé l'offre d'emploi de la Western Canadian Beef. Le conseil arbitral n'a vraisemblablement tenu aucun compte de ce point. Il semble avoir considéré qu'il allait de soi que le prestataire n'avait pas respecté le protocole d'entente et que toute inobservation du protocole éliminait automatiquement la possibilité qu'il ait un « motif valable » de refuser un emploi. Le conseil a également jugé que le prestataire avait refusé l'offre d'emploi de la Western Canadian Beef Packers sans motif valable, décision qui ne tient aucun compte de la preuve. Il est prouvé que le prestataire avait un « motif » de refuser l'offre d'emploi; la question difficile à trancher est de déterminer si son motif est « valable ».
Si le conseil avait soumis le point en litige au bon critère juridique, il aurait probablement conclu que le prestataire avait un motif valable de refuser l'offre d'emploi qui lui était faite. Je suis convaincu, sur la foi de la preuve, que le 28 février 1992, le prestataire ne pouvait pas raisonnablement supposer qu'il était tenu d'accepter n'importe quelle offre d'emploi et d'abandonner le projet créateur d'emplois. C'est là une question de fait, et les faits révèlent qu'au 28 février, le prestataire n'avait pas été suffisamment informé de ces exigences. (C'est en avril qu'il en fut informé d'après la preuve.) De plus, la nature de l'emploi que lui offrait la Western Canadian Beef Packers n'est pas claire : les déclarations de M. Pack, qui a présenté l'offre au prestataire de la part du grossiste en viandes, ne concordent pas à cet égard. M. Pack qualifie l'offre d'« emploi temporaire à plein temps » 2 à un endroit et de « travail occasionnel pouvant atteindre 39 heures par semaine » ailleurs. 3 A mon avis, le prestataire avait tout lieu d'en conclure que l'offre ne comportait aucune garantie d'un nombre considérable d'heures de travail. Par ailleurs, il avait des dettes à rembourser et avait besoin d'une source de revenu aussi sûre que possible. Dans ces circonstances, il me semble que le prestataire satisfait au critère du caractère raisonnable à un égard et qu'il avait donc un motif valable de refuser l'offre d'emploi.
L'appel est donc accueilli, et l'exclusion de neuf semaines est annulée par la présente.
B.L. Strayer
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (ONTARIO)
le 18 août 1993