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  • CUB 23072

    TRADUCTION

    EN VERTU DE la Loi sur l'assurance-chômage

    - et -

    RELATIVEMENT À une demande de prestations par
    ANTHONY AMOR

    - et -

    RELATIVEMENT À un appel interjeté par le prestataire auprès
    d'un juge-arbitre à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral
    rendue à Vancourver, (Colombie-Britannique), le 7 mai 1991.

    DÉCISION

    McNAIR, J., JUGE-ARBITRE:

    La seule question sur laquelle porte l'appel est celle de savoir si le conseil arbitral a eu raison de confirmer la décision de la Commission de refuser de prolonger le délai d'appel de 30 jours au motif que le prestataire n'avait pas exposé de « circonstances spéciales » le justifiant. Le prestataire invoque tous les motifs d'appel énoncés aux alinéas 80a), 80b) et 80c) de la Loi sur l'assurance-chômage, L.R.C. 1985, ch. U-1, notamment que le conseil arbitral n'a pas observé un principe de justice naturelle, a excédé ou refusé d'exercer sa compétence et a rendu une décision entachée d'une erreur de droit ou fondé cette dernière sur une conclusion de fait erronée.

    Le prestataire a présenté une demande de prestations le 22 décembre 1989 et a alors précisé qu'il ne joignait pas son relevé d'emploi chez B.C. Ferry Corporation. Le 4 janvier 1990, la Commission lui a adressé une demande de production du relevé d'emploi manquant. Selon la Commission, aucune réponse n'a été reçue. En conséquence, la Commission a écrit au prestataire le 19 janvier 1990 pour l'informer que son admissibilité au bénéfice des prestations ne pouvait être établie avant qu'il ait fourni son relevé d'emploi. Apparemment, il y a eu une communication avec le prestataire le 8 juin 1990 par suite de laquelle un agent d'assurance, M. Whelan, lui a téléphoné le 15 juin 1990 touchant l'état de sa demande de prestations. Il a informé le prestataire qu'il n'y avait pas de relevé d'emploi au dossier. Le prestataire a expliqué de nouveau qu'il l'avait envoyé par la poste. Néanmoins, le prestataire a fait suivre une copie de son relevé d'emploi le 11 juillet 1990. La Commission a écrit au prestataire le 20 juillet 1990; elle lui précisait alors pourquoi elle n'allait pas examiner de nouveau sa demande initiale et lui faisait savoir qu'il avait 30 jours pour interjeter appel de cette décision. La communication suivante a eu lieu le 29 octobre 1990 lorsque le prestataire a eu une nouvelle entrevue avec l'agent d'assurance, M. Whelan, touchant l'état de sa demande de prestations. L'agent a informé le prestataire qu'il pouvait présenter une nouvelle demande de prestations ou, subsidiairement, interjeter appel de la décision de la Commission et expliquer le retard du dépôt de son appel. Il a également fourni au prestataire une copie des lettres du 19 janvier et du 20 juillet 1990 de la Commission et d'autres documents pertinents au dossier.

    La Commission a reçu l'avis d'appel officiel du prestataire le 19 novembre 1990. La Commission a informé le prestataire, par une lettre datée du 17 décembre 1990, qu'elle n'acceptait pas son appel parce qu'il n'y exposait pas de circonstances spéciales justifiant une prolongation du délai d'appel et qu'il avait le droit d'interjeter appel de cette décision. Se trouvait dans la lettre le post-scriptum suivant :

    P.S. La présente remplace la lettre qui vous a été adressée le 20 juillet 1990.

    Le prestataire a interjeté appel devant le conseil arbitral.

    Voici la décision qu'a rendue le conseil arbitral :

    Question:

    Appel en retard.
    Paragraphe 79(1) de la Loi sur l'assurance-chômage.

    Le prestataire était présent. L'audition de l'appel a été enregistrée. La Commission était représentée par M. Glen Mikitka. Les nouvelles pièces 19.1 à 19.4 ont été lues et versées au dossier.
    M. Amor a expliqué que les raisons du retard de son appel étaient qu'il n'avait jamais reçu le premier avis envoyé le 19 janvier 1990 et qu'il avait présenté son relevé d'emploi (pièce 13). Il ressort de preuves documentaires que le prestataire a attendu 174 jours avant de présenter son relevé d'emploi. Il s'est écoulé 100 autres jours avant qu'il demande des renseignements après que lui eut été expédiée la lettre datée du 20 juillet 1990. Sa lettre d'appel a été reçue 294 jours après l'envoi de la décision. Aucune lettre expédiée à M. Amor par la Commission n'a été retournée comme étant non distribuable.
    M. Amor a demandé que le conseil arbitral se reporte à la décision CUB 4846 pour établir s'il était nécessaire que la Commission utilise le courrier ordinaire ou le courrier recommandé pour expédier des documents. Le conseil arbitral est d'avis que le mode d'expédition utilisé par la Commission n'exclut pas le courrier recommandé et estime que le choix du mode est une décision administrative.
    M. Amor a insisté sur le fait que les articles 6 et 39 de la Loi ne renfermaient rien qui assujettirait à un délai les mesures que doit prendre un prestataire pour faire établir son admissibilité au bénéfice des prestations. Le conseil arbitral attire son attention sur le « paragraphe 39(3) de la Loi » qui se lit comme suit :
    « Sur réception d'une demande initiale de prestations, la Commission décide si le prestataire remplit ou non les conditions requises pour recevoir des prestations et lui notifie sa décision. 1970-71-72, ch. 48, art. 53; 1974-75-76, ch. 80, art. 19 »
    Le conseil arbitral sait que le prestataire n'en est pas à sa première demande de prestations d'assurance-chômage et ne peut accepter la longue période qui s'est écoulée avant qu'il fasse sa première demande de renseignements reconnue le 8 juin 1990.
    La Commission a soutenu qu'on ne croyait pas qu'il n'avait pas reçu ses lettres par courrier et, pour sa part, le prestataire prétendait qu'elles ne lui avaient pas été envoyées.
    Compte tenu de l'ensemble des éléments de preuve, le conseil arbitral estime que le prestataire ne s'est pas acquitté de son obligation de bien se renseigner sur l'état de sa demande de prestations du 22 décembre 1989 pendant près de six mois. Nous estimons que la Commission a rendu la bonne décision en refusant à M. Amor le droit d'interjeter appel en vertu de l'article 79 de la Loi sur l'assurance-chômage.
    L'appel est rejeté.

    L'explication que donne le prestataire du retard du dépôt de son appel se fonde essentiellement sur l'affirmation selon laquelle il n'a jamais reçu la lettre du 19 janvier 1990 l'informant que, faute de son relevé d'emploi, qu'il soutient avoir fait parvenir, il était inadmissible, ni la lettre suivante du 20 juillet 1990. Il prétend qu'il n'y a aucune preuve de ce qu'il ait reçu ces documents en l'absence d'un certificat comme le prévoit le paragraphe 102(2) de la Loi ou de ce qu'ils lui ont été envoyés par courrier recommandé. Il soutient qu'il en a été informé pour la première fois à l'occasion de son entrevue avec M. Whelan, à laquelle il lui a été remis une copie de ces lettres et d'autres documents pertinents au dossier. En conséquence, il soutient que son appel a été présenté à temps puisqu'il a été interjeté dans les 30 jours qui ont suivi cette entrevue. L'autre argument important qu'invoque le prestataire pour faire prolonger le délai d'appel est que la lettre du 19 janvier 1990 de la Commission ne l'informait pas, à son avis, d'une décision susceptible d'appel relativement à l'inadmissibilité ou l'exclusion, mais plutôt de la nécessité de remplir certaines conditions relativement à une demande de prestations continue. Le prestataire soutient en outre que le post-scriptum à la lettre du 17 décembre de la Commission, par lequel elle annulait sa lettre antérieure du 20 juillet 1990 et lui refusait un nouvel examen de sa demande de prestations, avait pour effet de prolonger aussi le délai d'appel.

    L'avocate de la Commission soutient que cette dernière, en excerçant son pouvoir discrétionnaire de ne pas prolonger le délai d'appel de 30 jours, a tenu compte de toutes les considérations pertinentes et que ce pouvoir a été exercé d'une façon judiciaire conformément à de sains principes. Elle s'appuie en particulier sur les décisions de la Cour d'appel fédérale dans les affaires Chartier et al c. C.E.I.C. [A-42-90, 13 septembre 1990, inédite] et P.G. du Can. c. Plourde [A-80-90, 1er octobre 1990, inédite]. L'avocate de la Commission ajoute que les lettres du 20 juillet et du 17 décembre 1990 faisaient toutes deux part du refus de la Commission d'examiner de nouveau la décision initiale rendue conformément à l'article 43 de la Loi, outre le retard de l'appel.

    La disposition pertinente est le paragraphe 79(1) de la Loi sur l'assurance-chômage, qui se lit comme suit :

    79.(1) Le prestataire ou un employeur du prestataire peut, dans les trente jours de la date où il reçoit communication d'une décision de la Commission, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder pour des raisons spéciales dans un cas particulier, interjeter appel de la manière prescrite devant le conseil arbitral.

    Ainsi que je les interprète, les décisions Chartier et Plourde, précitées, confirment le principe selon lequel un conseil arbitral n'a pas compétence pour intervenir dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré à la Commission par le paragraphe 79(1) de la Loi à moins qu'il ne lui soit fait apparaître qu'il l'a été d'une façon non judiciaire, c'est-à-dire sous l'influence de considérations non pertinentes ou sans tenir compte de considérations pertinentes. La Cour n'a pas précisé ce qui pouvait constituer des considérations pertinentes ou non pertinentes.

    Dans Wade, Administrative Law [Clarendon Press, Oxford 1988], 6e édition, pp. 411-412, on trouve de ces expressions l'explication lucide suivante :

    Considérations pertinentes et non pertinentes
    Il y a de nombreux cas où il a été jugé qu'une autorité publique, soit avait invoqué des motifs non valables ou des considérations non pertinentes, soit n'avait pas tenu compte de considérations pertinentes, de sorte que son action excédait ses pouvoirs et était nulle. Il est impossible de distinguer nettement ces cas de ceux d'exagération ou d'abus de pouvoir, puisque le tribunal peut utiliser diverses explications interchangeables, comme l'a souligné Lord Greene. Ces cas révèlent la grande importance de motifs et de buts strictement valables. Ils révèlent également combien faux il est de supposer que les pouvoirs non limités par le libellé sont illimités.
    Lord Esher, m.r., a exposé la doctrine des « considérations non pertinentes » dans un cas où une assemblée paroissiale avait par erreur fixé la pension de retraite d'un administrateur en croyant qu'elle n'avait pas le pouvoir de décider de son montant : 1
    Mais ils doivent examiner impartialement la demande et ne pas tenir compte d'un motif non légal de leur décision. Si les gens qui doivent exercer une charge publique en exerçant leur discrétion tiennent compte d'éléments qui, selon les cours, n'ont rien à y voir, ils n'ont pas alors exercé leur discrétion aux yeux de la loi.

    Dans l'affaire M.N.R. v. Wrights' Can. Ropes Ltd., [1947] 1 D.L.R. 721 (C.P.), [1947] C.T.C. 1, il était interjeté appel de trois cotisations fiscales par suite du rejet par le Ministre de certaines dépenses du contribuable en vertu du pouvoir discrétionnaire que lui conférait le paragraphe 6(2) de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu. L'appel interjeté par le contribuable devant la Cour de l'Échiquier avait été rejeté, mais il avait été autorisé un pourvoi devant la Cour suprême du Canada et les cotisations avaient été renvoyées au Ministre pour nouvel examen. L'appel du Ministre devant le Conseil privé a été rejeté au motif que le jugement de la Cour suprême du Canada est adaptable à certains égards. Touchant la question de la signification du mot « discrétionnaire » au paragraphe 6(2) de la Loi, Lord Greene, m.r., disait, à la page 730, D.L.R., pp. 13-14, C.T.C., ce qui suit :

    ... la Cour a le droit d'examiner la décision du Ministre et n'est pas nécessairement tenue de l'accepter. Néanmoins, les limites de la liberté de la Cour de la modifier sont, de l'avis de Leurs Seigneuries, strictement circonscrites. Il incombe au contribuable de montrer qu'il existe un motif de la modifier et, s'il ne réussit pas à le faire, la décision du Ministre doit demeurer inchangée. En outre, à moins qu'il ne soit montré que le Ministre a enfreint quelque règle de droit, la Cour, de l'avis de Leurs Seigneuries, ne peut l'infirmer : l'article fait du Ministre le seul juge de ce qui est raisonnable ou normal et il n'est pas loisible à la Cour de substituer son opinion à la sienne. Mais il n'est pas conféré au Ministre un pouvoir arbitraire qu'il peut exercer comme bon lui semble. Comme l'exprime Lord Halsbury, L.C., dans l'affaire Sharp v. Wakefield [1891] C.A. 173, à la p. 179, il doit agir « selon les règles de la raison et de la justice, non selon son opinion personnelle; selon le droit et non son humeur. Le pouvoir doit être exercé non d'une façon arbitraire, vague et capricieuse, mais d'une façon légale et régulière. »

    Et, il ajoutait, à la page 731, D.L.R., pp. 14-15, C.T.C., ce qui suit :

    Leurs Seigneuries ne trouvent rien dans le libellé de la Loi ou dans le droit général qui obligerait le Ministre à exposer ses motifs d'une décision en vertu du paragraphe 6(2). Mais cela ne signifie pas nécessairement que le Ministre, ce faisant, peut rejeter l'appel du contribuable. S'il n'en était pas ainsi, le Ministre pourrait, dans chaque cas ou au moins dans la grande majorité des cas, rendre complètement futile le droit d'appel conféré par la Loi. De l'avis de Leurs Seigneuries, la Cour a toujours le droit d'examiner les faits dont, selon la preuve, le Ministre était saisi lorsqu'il a rendu sa décision. Si, de l'avis de la Cour, ces faits ne sont pas suffisants en droit pour l'appuyer, la décision ne peut tenir. Dans un tel cas, la décision ne peut être qu'arbitraire. Si, par contre, les faits dont a été saisi le Ministre sont suffisants pour appuyer sa décision, la Cour n'est pas libre de l'infirmer simplement parce qu'elle en aurait tiré une conclusion différente. Comme il a déjà été mentionné, le paragraphe fait du Ministre le seul juge de ce qui est raisonnable ou normal mais, comme il en est de tout autre juge des faits, sa décision doit avoir un fondement suffisant en droit.

    Voir également l'affaire Pioneer Laundry & Dry Cleaners Ltd. v. Minister of National Revenue, [1939] 4 D.L.R. 481 (C.P.), [1938-39] C.T.C. 411.

    Suivant ces principes, il semble clair que la question dont était saisi le conseil arbitral était celle de savoir si le pouvoir discrétionnaire conféré à la Commission par le paragraphe 79(1) de la Loi de prolonger le délai d'appel avait été exercé judiciairement et conformément au droit plutôt que d'une façon arbitraire et capricieuse. Le conseil arbitral devait examiner les faits en vue de se prononcer là-dessus. En l'espèce, le conseil arbitral a conclu que « la Commission a rendu la bonne décision en refusant à M. Amor le droit d'interjeter appel en vertu de l'article 79 de la Loi sur l'assurance-chômage ». Le conseil arbitral se fondait apparemment sur les conclusions de fait selon lesquelles le prestataire n'en était pas à sa première demande de prestations d'assurance-chômage et qu'il avait choisi de ne pas se renseigner sur l'état de sa demande avant le 8 juin 1990. Pour étayer davantage sa conclusion, le conseil arbitral a exprimé l'avis que c'était un choix administratif de la Commission d'utiliser le courrier recommandé ou le courrier ordinaire pour communiquer des avis et des documents aux prestataires, rejetant ainsi l'argument du prestataire quant à l'applicabilité du paragraphe 102(2) de la Loi. Toutefois, le conseil arbitral a négligé de se prononcer sur la crédibilité de l'argument du prestataire, selon lequel il n'avait jamais reçu les lettres du 19 janvier et du 20 juillet 1990 dans les délais normaux de livraison du courrier.

    On peut aisément déduire de tout cela que les conclusions de fait du conseil arbitral s'inspiraient dans une large mesure des motifs donnés par L. Brimble pour rejeter toute raison spéciale du retard du dépôt de l'appel, tels qu'ils sont énoncés dans une formule de renseignements supplémentaires sur la demande de prestations (pièce 10), où l'agent expose, entre autres choses, ce qui suit :

    - Le prestataire a communiqué avec nous le 8 juin 1990 pour savoir pourquoi « la demande de prestations » avait pris fin et il lui a été répondu le 15 juin 1990.
    - Le 26 octobre 1990, le prestataire a de nouveau demandé des renseignements et il lui a été dit qu'il pouvait interjeter appel ou présenter une nouvelle demande s'il désirait toucher des prestations.
    - La lettre d'appel a été reçue le 19 novembre 1990.
    - Les raisons du retard du prestataire est qu'il n'a jamais reçu les lettres de décision du 19 janvier ou du 20 juillet 1990. Il soutient qu'il a présenté le relevé d'emploi en temps utile, ce pourquoi il n'a pas tenu compte de l'avis de demande de relevé d'emploi générée par ordinateur. Il prétend en outre qu'il a tenté de prendre rendez-vous avec un agent le 1er juin 1990 et qu'il avait demandé des renseignements au sujet de la lettre du 4 janvier 1990.
    DÉCISION :
    L'appel ne sera pas accepté parce qu'il n'a pas été interjeté dans le délai prévu à l'article 79 de la Loi et qu'il n'y a aucune raison spéciale justifiant de prolonger le délai d'appel.
    Je sais que le prestataire n'en est pas à sa première demande de prestations d'assurance-chômage. En conséquence, il est invraisemblable qu'il ait attendu jusqu'en juin pour demander pourquoi il ne recevait pas de prestations. Je suis certain que le dossier de sa demande de prestations antérieure révèle également qu'il reçoit du courrier à la case postale 3611 sans problème. C'est curieux qu'il ait reçu les déclarations et les avis générés par ordinateur adressés à la case postale 3611 mais non les lettres de décision du 19 janvier 1990. En outre, les documents relatifs aux demandes de prestations antérieures confirment que le prestataire est au courant du délai d'appel de 30 jours et de la procédure à suivre.

    À mon avis, la supposition selon laquelle il était invraisemblable que le prestataire attende jusqu'en juin pour demander pourquoi il ne recevait pas de prestations n'est rien de plus qu'intéressée, spécialement parce qu'il a affirmé qu'il n'avait jamais reçu les lettres datées du 19 janvier et du 20 juillet 1990 de la Commission. Il peut être dit la même chose de la présomption implicite que le prestataire aurait probablement reçu ces lettres dans les délais normaux de livraison du courrier, malgré l'absence de tout certificat visé au paragraphe 102(2) de la Loi. En outre, l'agent d'assurance aurait dû trancher la question de savoir si le prestataire avait fourni des raisons spéciales suffisantes pour justifier une prolongation du délai à la lumière des faits et des circonstances, non d'une preuve tirée des dossiers des demandes de prestations antérieures dont il est dit qu'elles « confirment que le prestataire est au courant du délai d'appel de 30 jours et de la procédure à suivre ». J'estime que ces facteurs, pris globalement, constituaient des considérations non pertinentes et superflues pour motiver la décision discrétionnaire de refuser de prolonger le délai d'appel. Lorsqu'il est affirmé que des lettres ont été postées au prestataire, mais que ce dernier nie les avoir reçues et qu'il n'existe aucun certificat ou autre preuve du contraire, il faut alors lui laisser le bénéfice du doute en ce qui concerne les raisons spéciales : voir McFarlane et al , The Annotated Unemployment Insurance Act 1993 [Carswell], p. 401.

    Le conseil arbitral devait examiner les faits en vue d'établir si la Commission avait rendu sa décision discrétionnaire conformément à de sains et judicieux principes plutôt que d'une façon arbitraire et capricieuse. Or, le conseil arbitral a simplement choisi de paraphraser et d'invoquer des considérations non pertinentes dont avait tenu compte la Commission dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 79(1) de la Loi, sans s'occuper de la question de savoir si cette discrétion avait été exercée judiciairement. À mon avis, l'omission du conseil arbitral à cet égard constituait une grave erreur de droit. Cela étant, je propose d'exercer le pouvoir que me confère l'article 81 de la Loi et de renvoyer l'affaire à un conseil arbitral constitué de membres différents pour nouvelle audition et nouvelle décision sur le fond de l'appel du prestataire, à moins que la Commission n'abandonne l'affaire au profit du prestataire.

    L'appel du prestataire est par conséquent accueilli.

    J. C. McNair

    JUGE-ARBITRE

    Ottawa, Ontario
    le 20 juillet 1993




    1 R. v. St. Pancras Vestry (1890) 24 QBD 371, p. 375

    2011-01-16