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  • CUB 26330

    TRADUCTION

    EN VERTU DE la Loi sur l'assurance-chômage

    - et -

    RELATIVEMENT A une demande de prestations par
    WILLIAM FERGUSON ET AL

    - et -

    RELATIVEMENT A un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par
    les prestataires à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral
    rendue à Dawson Creek, le 22 février 1993.

    MOTIFS DE LA DÉCISION
    ET LA DÉCISION

    GIBSON, J.:

    Cette cause a été entendue le 8 juillet 1994 à Prince George (Colombie-Britannique) en même temps que les appels interjetés par la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada (« la Commission ») concernant les décisions de conseils arbitraux rendues à Fort St. John (Colombie-Britannique) le 15 octobre 1992 au sujet des demandes de Mmes Bozena Youngberg et Brenda J. Shuffler. 1 À la fin de l'audition, j'avais différé ma décision concernant les trois questions. Vous trouverez ici les motifs et ma décision concernant l'appel de William Ferguson et autres.

    Le prestataire et treize autres personnes, tous reconnus par la British Columbia Teachers Federation (la « Fédération »), dont les prestataires étaient membres, et par la Commission, comme étant, tout comme M. Ferguson, au début de mai 1991, employés par la Peace River North School District en tant que professeurs contractuels. Leur contrat expirait à la fin du mois de juin 1991. Ils étaient membres de la Peace River North Teachers' Association.

    Les membres de la Peace River North Teachers' Association ont déclenché une grève le 8 mai 1991. La grève s'est poursuivie jusqu'au 2 septembre de la même année. M. Ferguson a respecté les lignes de piquetage, a reçu une indemnité de grève et a payé ses cotisations syndicales jusqu'au 28 juin 1991. Après cette date, il n'y a plus eu de ligne de piquetage; ainsi M. Ferguson n'a pas eu à faire de piquetage ni à respecter les lignes de piquetage. En outre, après cette date, il n'a plus payé ses cotisations syndicales et n'a plus reçu d'indemnité de grève.

    M. Ferguson a présenté une demande d'assurance-chômage le 4 juillet. Dans sa demande, il a inscrit que son contrat avait pris fin le 30 juin et qu'il était prêt et disposé à travailler immédiatement et était disponible pour le faire, dans le secteur de l'éducation ou celui de la construction, domaine dans lequel il avait déjà travaillé. Devant le conseil arbitral, M. Ferguson a montré que, pendant l'été, il avait réellement cherché du travail dans le domaine de la construction. Il avait également posé sa candidature à des postes de professeur dans diverses commissions scolaires de toute la Colombie-Britannique puisque, selon les éléments de preuve qu'il a fournis, il n'avait ni garantie ni promesse d'emploi à la Peace River North School District lorsque l'école reprendrait en septembre.

    Pendant l'été, trois professeurs de l'école où M. Ferguson avait travaillé avant l'été ont donné leur démission. La Peace River North School District a communiqué avec lui pour l'inviter à présenter une demande d'emploi. C'est ce qu'il a fait, et on l'a engagé. Ainsi, il a obtenu un contrat permanent ou un contrat continu d'emploi en tant que professeur à Peace River North, et son nouveau contrat commençait le 12 septembre 1991.

    À partir du 18 novembre 1990, et pendant toute la période pertinente à cette cause, les paragraphes 31(1) et (2) de la Loi sur l'assurance-chômage se lisaient comme suit :

    31.(1) Sous réserve des règlements, le prestataire qui a perdu son emploi ou qui ne peut reprendre son emploi antérieur du fait d'un arrêt de travail dû à un conflit collectif à l'usine, à l'atelier ou en tout autre local où il exerce un emploi n'est pas admissible au bénéfice des prestations avant, selon le cas:
    a) la fin de l'arrêt de travail;
    b) le jour où il a commencé à exercer ailleurs d'une façon régulière un emploi assurable.
    ...
    (2) Le présent article ne s'applique pas si le prestataire prouve qu'il ne participe pas au conflit collectif qui a causé l'arrêt de travail, qu'il ne le finance pas et qu'il n'y est pas directement intéressé. 2

    Personne n'a réfuté le fait que, du 8 mai au 30 juin 1991, M. Ferguson avait perdu son emploi en raison d'un arrêt de travail dû à un conflit collectif à l'endroit où il exerçait son emploi. L'arrêt de travail ne s'est pas terminé avant le 2 septembre 1991, près de deux mois après que M. Ferguson ait présenté sa demande d'assurance-chômage. Aucun élément de preuve ne porte que M. Ferguson a occupé, ailleurs, un emploi assurable régulier avant de recommencer à enseigner à Peace River North après la fin de l'arrêt de travail.

    La question dont je suis saisi a trait à l'application du paragraphe 31(2). Bien que personne n'ait affirmé que M. Ferguson ait participé au conflit collectif ni qu'il l'ait financé après la fin de juin, on a fait valoir qu'il était « directement intéressé » à l'arrêt de travail. On n'a pas dit clairement si M. Ferguson était demeuré membre de la Peace River North Teachers' Association après la fin du mois de juin 1991. 3

    Dans Hills et autres c. Procureur général du Canada, 4 la juge L'Heureux-Dubé, au nom de la majorité de la Cour suprême du Canada, qui étudiait une disposition prédécesseur de l'article 31 de la Loi sur l'assurance-chômage qui n'était pas, aux fins qui nous préoccupent, très différente de l'article cité ci-dessus, a établi à la page 228:

    Tandis que l'article 44 peut être ouvert à une interprétation plus large du mot « financement », à mon avis, le but de cet article (d'exclure les grévistes du bénéfice des prestations) tout comme c'est le but de la Loi dans son ensemble (verser des prestations aux personnes qui ont perdu involontairement leur emploi) exige qu'on fasse une interprétation restreinte des dispositions d'exclusion de cet article. En cas de doute, comme le fait remarquer le juge Wilson dans la cause Abrahams, ci-dessus, il faut trancher en faveur du prestataire, particulièrement dans le contexte décrit ci-dessus.

    Je suis convaincu que ce qui précède s'applique également à l'interprétation de « directement intéressé par l'arrêt de travail », terme qui figure dans le même contexte que le verbe « finance » du paragraphe 31(2).

    Dans Procureur général du Canada c. Arthur Hurren, 5 le juge Hugessen commentant un texte équivalent, mais plus ancien que le paragraphe 31(2) cité ci-dessus, a déclaré ce qui suit, aux pages 5 à 7 pour expliquer les motifs de son jugement :

    Les points suivants se dégagent de ce texte :
    1. Il a pour effet de rendre le paragraphe (1) inapplicable.
    1. Il fait usage du présent en se plaçant au moment de la demande.
    1. Rien n'exige que la perte d'emploi soir simultanée au conflit collectif ni à l'arrêt de travail et il est clairement envisagé qu'elle puisse être postérieure (comme, par exemple, lorsque les employés non syndiqués sont mis à pied par leur employeur quelque temps après le début de la grève).
    1. L'état de prestataire étant continue, rien n'exige que la demande de prestations soir simultanée à la perte d'emploi.
    Selon ce qui précède, il ne semble pas y avoir de contradiction irréductibles entre les deux textes. Le paragraphe (1) vise un prestataire inadmissible et la façon dont cette admissibilité peut prendre fin. Cependant, le prestataire qui arrive à satisfaire aux dispositions du paragraphe (2) n'est nullement inadmissible et aucune partie du paragraphe (1) ne lui est applicable. L'inadmissibilité qui a pris naissance en vertu du paragraphe (1) se prolonge tant que ne s'est pas réalisée l'une des éventualité énoncées aux alinéas (a), (b) et (c); toutefois, cela n'exclut pas la disparition de cette inadmissibilité lorsque le prestataire établit par la suite qu'il répond aux exigences du paragraphe (2).
    Rien dans l'interprétation qui précède n'est contraire au but de la Loi. Ce but, si je comprends bien, est de fournir des prestations aux chômeurs tout en évitant que celles-ci servent à financer un conflit collectif. L'employé qui prend sa retraite (volontairement ou en y étant forcé, peu importe) rompt les liens qui l'unissaient à son employeur. Il n'a plus rien à tirer ni à perdre de l'issue d'un conflit collectif. Il est désormais libre. La cause de la perte de son emploi, facteur décisif à la détermination de l'inadmissibilité visée au paragraphe 44(1), n'importe plus car il a volontairement renoncé à la possibilité de jamais reprendre son emploi. (La note de bas de pas a été omise)

    Même si M. Ferguson ne s'est pas « retiré », que ce soit volontairement ou non, rompant ainsi volontairement la relation avec son employeur, je suis convaincu que l'expiration de son contrat à la fin de juin 1991, peu avant qu'il ne présente sa demande de prestations d'assurance-chômage, a effectivement produit le même résultat. À la fin du mois de juin, il n'avait plus la possibilité de reprendre son emploi au Peace River North School District, à moins que la commission scolaire n'accepte de le réengager, ce qu'elle n'était aucunement obligée de faire. Selon les mots du juge Hugessen, « il n'a plus rien à tirer ni à perdre de l'issue d'un conflit collectif », du moins directement. Le fait qu'il soit resté membre de la B.C. Teachers' Federation, au mieux, signifiait un intérêt indirect aux résultats de l'arrêt de travail. J'en suis arrivé à cette conclusion parce que, pendant l'été de 1991, le fait qu'il soit membre de la B.C. Teachers' Federation ne lui assurait un emploi comme professeur nulle part en Colombie-Britannique.

    La décision du juge-arbitre Teitelbaum, aux pages 13 et 14 du CUB 18076 (Andrée Ratti) va comme suit :

    La preuve au dossier démontre que la prestataire était membre du syndicat impliqué dans le conflit de travail (pièce 4-98). C'est pour cette raison que la prestataire ne réclame pas de prestations selon la Loi jusqu'à la date d'expiration de son contrat de travail. Je n'ai aucune preuve, et on ne n'en a pas présenté lorsque je l'ai demandé au procureur de la Commission, de m'indiquer que la prestataire était toujours membre du syndicat après l'expiration de son contrat de travail, qu'elle n'a pas continué de verser des cotisation syndicales et qu'elle n'avait plus aucun intérêt dans le résultat des négociation, sauf indirectement, puisqu'il n'y a aucune preuve qu'elle ait été réembauchée par Bell Canada. Il n'existe aucune preuve que Bell avait une obligation légale de réembaucher la prestataire et pourrait toujours le faire plus tard si c'était dans son intérêt de le faire, mais la prestataire ne peut être considérée comme ayant un intérêt dans le règlement du conflit.

    Je considère que la cause devant moi correspond en tous points à la situation décrite dans l'extrait ci-dessus, à l'exception d'un point peu important. Dans la cause qui nous occupe, il y a des preuves selon lequelles M. Ferguson a été réengagé par la même commission scolaire où il avait un contrat qui s'était terminé. Toutefois, comme l'indique la citation, rien ne prouve que la commission scolaire était obligée de réengager M. Ferguson.

    En m'appuyant sur les faits et les témoignages qui m'ont été présentés et selon la jurisprudence que j'ai citée, je conclus que cet appel doit être accueilli.

    L'appel est accueilli.

    Frederick E. Gibson

    JUGE-ARBITRE

    Ottawa (Ontario)
    Le 16 septembre 1994




    1 Dossiers X et X, * respectivement.

    2 S.C. 1990, c. 40, s. 23. Les paragraphes 31(1.1) et (1.2) ont été omis de l'extrait. Ils ne sont pas pertinents à la cause qui nous occupe.

    3 Voir la page 18 de la transcription de l'audition lorsque Mme Shore, qui s'est presentée au nom de M. Ferguson, déclare :

    Je ne crois pas qu'il ait cessé d'être membre, mais je ne suis pas sûre que l'on puisse peouver qu'il ait continué de l'être. Habituellement, lorsqu'une personne quitte son emploi, elle n'est plus membre du syndicat, parce que la Convention Collective exige que la personne soit membre du syndicat.

    À la page 24 de la même transcription, Mme Brown, représentante de la Commission, a déclaré :

    À nore avis, même s'ils n'ont pas payé leurs cotisations syndicales, comme ils ont des déductions faites sur leurs chèques de paye pendant l'été, ils ont certainement continué à être membres de la B.C. Teacher's Federation et ont maintenu leur intérêt de cette façon, même s'ils n'avaient pas versé d'argent à leur syndicat local.

    4 48 D.L.R. (4e), 193.

    5 CUB 11403 (C.A.F)

    * Protection des renseignements conformément à la partie 4 de la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences.

    2011-01-16