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  • CUB 38449

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    ANGELA C. V. LAVERY

    - et -

    d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par la prestataire
    à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
    Vancouver (Colombie-Britannique) le 1er février 1996

    MOTIFS DE LA DÉCISION
    ET DÉCISION

    LE JUGE GIBSON

    J'ai entendu cet appel à Vancouver (Colombie-Britannique), le 3 juillet 1997. À la fin de l'audience, j'ai indiqué que j'allais accueillir l'appel de la prestataire, Angela C. V. Lavery. Voici mes motifs et ma décision.

    En automne 1995, la prestataire touchait des prestations d'assurance-chômage à l'égard d'une période de prestations qui se terminait le 11 novembre de la même année. Elle avait été dirigée par la Commission vers un programme de formation parrainé qui devait débuter en octobre. Pour des raisons qui échappaient au contrôle et de la prestataire et de la Commission, le cours prévu n'a débuté que le 14 novembre. En conséquence, la Commission a déterminé qu'elle n'avait pas la compétence pour prolonger la période de prestations de la prestataire au-delà du 11 novembre.

    Le paragraphe 26 (2) de la Loi sur l'assurance-chômage prévoit ce qui suit :

    26(2) La période de prestations ayant déjà débuté lorsque le prestataire commence à suivre un cours ou programme vers lequel il a été dirigé conformément au paragraphe (1) ou établie au profit du prestataire pendant qu'il suit un tel cours ou programme, et qui autrement aurait pris fin, peut être prolongée, comme prescrit, au maximum jusqu'à la sixième semaine après qu'il a terminé le cours ou programme, ou a cessé de le suivre pour un motif valable.

    Le conseil arbitral a conclu comme suit :

    Le conseil comprend la situation de la prestataire. Nous reconnaissons qu'elle désire suivre un cours parrainé par l'A.-C. et qu'en tant que personne dont la demande est active, elle recevrait des prestations d'assurance-chômage pendant qu'elle suivrait le cours.
    Mme Lavery a indiqué qu'elle avait compris que la Commission avait mis fin à sa demande de prestations à compter du 11 novembre 1995. Le conseil reconnaît que c'était bien le cas [...]. En ce qui concerne l'article 103 du Règlement, le conseil conclut que Mme Lavery a cessé d'être une « prestataire admissible » aux termes de la Loi, le 11 novembre 1995.
    Nous concluons que le cours que Mme Lavery voulait suivre a débuté le 14 novembre 1995 [...], semaine qui a suivi la cessation de ses prestations d'assurance-chômage.
    Mme Lavery a interjeté appel de la décision relative à la cessation de ses prestations en demandant qu'on accorde une attention particulière à son cas [...] le conseil conclut qu'il n'a pas compétence pour prolonger la période de prestations de Mme Lavery [...]
    Mme Lavery a soutenu qu'en réalité elle avait commencé le cours avant l'expiration de sa période de prestations parce qu'elle avait effectué toutes les démarches préalables et formalités en vue de satisfaire aux conditions d'admission [...] Le conseil conclut que le cours a débuté le 14 novembre 1995 et nous nous rallions à un jugement de la Cour [d'appel] fédérale, CUB 10351, prononcé par les juges Pratte, Marceau et Desjardins. À la page 3 de cette décision, la Cour déclare ce qui suit :
    Une personne ne peut commencer à suivre un cours qui ne se donne pas.
    Bien que ce soit regrettable pour Mme Lavery qui est, nous le reconnaissons, une personne sincère, intelligente, qui s'exprime avec aisance, le conseil est d'avis que l'appel ne peut être accueilli.

    La question dont j'ai été saisi se limitait à déterminer si, aux termes du paragraphe 26(2) de la Loi que nous avons cité ci-dessus, Mme Lavery a commencé à suivre son cours ou programme pendant que sa période de prestations était en cours. La période de prestations de Mme Lavery a pris fin le 11 novembre 1995. Ce fait n'a pas été contesté. Avant cette date, Mme Lavery a suivi une séance d'initiation destinée aux participants au cours ou programme, elle a assisté à une évaluation individuelle avec le directeur du programme, elle s'est inscrite et a rempli tous les documents requis et elle a présenté les travaux obligatoires du programme, qui étaient apparemment un élément essentiel du cours ou programme. Mme Lavery a allégué devant moi que, dans une large mesure, le cours ou programme comportait un travail autodirigé plutôt qu'un travail en classe seulement.

    Comme il est indiqué dans l'extrait de la décision du conseil arbitral précitée, la Cour d'appel fédérale dans Le procureur général du Canada c. Bissonnette 1 s'est exprimée en ces termes :

    Pour arriver à la conclusion qu'ils ont retenue, le juge-arbitre et le conseil arbitral ont pris pour acquis qu'une personne est censée avoir commencé à suivre un cours au sens du paragraphe 39(2) [maintenant 26(2)] dès le moment où elle est dirigée vers ce cours même si, en raison d'une grève, ce cours n'est donné que plus tard.
    Cette interprétation du paragraphe 39(2) nous paraît insoutenable. Une personne ne peut commencer à suivre un cours qui ne se donne pas.

    Je constate que la décision Bissonnette a été rendue en 1985. L'interprétation qu'on y trouve est, dans le contexte actuel, très restrictive lorsqu'on tient compte de l'importance qu'ont pris la formation à distance et l'apprentissage autodirigé, qui offrent à de nombreuses personnes la possibilité d'acquérir une formation lorsque, pour quelque raison que ce soit, elles ne peuvent pas fréquenter, au sens traditionnel, un établissement d'enseignement ou lorsqu'elles ne veulent tout simplement pas fréquenter, au sens traditionnel encore une fois, un établissement d'enseignement conventionnel. De nombreuses personnes profitent de cours ou de programmes de formation et d'autres possibilités de parfaire leurs études au travers de la formation à distance et de l'apprentissage autodirigé, et leur participation, sans qu'elles soient obligées de fréquenter officiellement un établissement traditionnel, est reconnue en bonne et due forme et représente un atout important pour elles-mêmes et pour leur collectivité.

    Nonobstant la décision Bissonnette, je suis convaincu qu'on doit reconnaître la réalité des différents moyens d'éducation qui existent aujourd'hui et qu'il faut donner aux termes « commence à suivre » et « suit » contenus dans le paragraphe 26(2) de la Loi une interprétation équitable, large et libérale pour permettre à ceux qui participent activement à des cours ou programmes, d'être admissibles aux prestations auxquelles ils pourraient avoir droit aux termes de ces paragraphes, qu'ils « suivent » ou non ces cours au sens que l'on donne habituellement à ce terme lorsqu'on l'associe aux cours et programmes de formation traditionnels.

    Au regard d'une telle interprétation, je conclus que la prestataire en l'espèce avait commencé à suivre, au sens du paragraphe 26(2), le cours ou programme vers lequel elle avait été dirigée lorsqu'elle a commencé à faire les travaux obligatoires du programme d'enseignement et qu'elle les a présentés à ceux qui administraient le cours ou programme, et ce, en dépit du fait que les cours formels n'avaient pas encore commencé. Mme Lavery avait donc commencé à suivre le cours ou programme vers lequel elle avait été dirigée dès le 5 novembre 1995 au moins, avant la date d'expiration convenue de sa période de prestations.

    Étant donné le raisonnement qui précède, je conclus que le conseil arbitral a commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire dans cette affaire. Cet appel est accueilli et je déclare que la prestataire a commencé à suivre un cours ou programme vers lequel elle avait été dirigée, au sens du paragraphe 26(2) de la Loi sur l'assurance-chômage, pendant que sa période de prestations qui expirait le 11 novembre 1995, était encore en cours. Par conséquent, sa période de prestations pouvait être prolongée, comme il est prévu à ce paragraphe.

    Frederick E. Gibson

    Juge-arbitre

    FAIT à Ottawa (Ontario),
    ce 5e jour d'août 1997.




    1 6 novembre 1985, dossier de la Cour n° A-425-85 (inédit) (CAF)

    2011-01-16