TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE- EMPLOI
- et -
d'une demande de prestations présentée par
GWENETH HANAM
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par la Commission de l'assurance-emploi
du Canada à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue
à Sydney (Nouvelle-Écosse) le 4 décembre 1997.
DÉCISION
LE JUGE J.A. FORGET
Il s'agit d'un appel interjeté par la Commission à l'encontre de la décision unanime du conseil arbitral, qui a établi que la prestataire n'avait pas quitté son emploi volontairement et sans justification aux termes des articles 29 et 30 de la Loi.
Mme Hanam a présenté une demande de prestations le 8 août 1997, dans laquelle elle indiquait avoir démissionné pour prendre soin de sa mère invalide. La mère de la prestataire souffre de sclérose en plaques évolutive et son état se détériorait rapidement, nécessitant que l'on prenne constamment soin d'elle. La prestataire a expliqué qu'elle travaillait six jours sur sept et n'avait pas de temps à consacrer à sa mère souffrante, qui n'avait que son mari sur qui compter. Il lui était également impossible de chercher un autre emploi en travaillant six jours par semaine. La prestataire mentionnait en outre qu'elle n'avait pas demandé un congé autorisé parce que la maladie de sa mère était chronique et évolutive. Elle a déclaré avoir besoin d'un emploi qui lui permette de passer deux jours consécutifs auprès de sa mère, s'est montrée disposée à accepter un travail à temps plein ou à temps partiel et a dit être activement à la recherche d'un emploi.
Au cours d'un entretien téléphonique avec un représentant de la Commission, la prestataire a indiqué qu'elle travaillait de 9 h à 17 h les lundi, mardi, mercredi, vendredi et samedi, et de 9 h à 21 h le jeudi depuis janvier 1997. Elle a discuté avec l'employeur de la nécessité de réduire ses heures de travail, ce qui, d'après ce qu'on lui a répondu, serait fait deux semaines plus tard. Lorsque la prestataire a constaté, deux semaines après, que ses heures n'avaient toujours pas été réduites, elle a remis sa démission.
L'employeur allègue que, tout juste avant que la prestataire ne démissionne, il avait eu une discussion avec elle sur son rendement. Il soutient également que la prestataire avait demandé à travailler davantage et avait accepté, au-delà de 371/2 heures de travail par semaine, d'être rémunérée au salaire normal ou d'accumuler des heures en vue d'éventuels congés.
La prestataire a rétorqué qu'on ne lui avait jamais dit qu'elle pouvait reprendre son ancien horaire si elle avait du mal à assumer les heures supplémentaires et que, même si cela avait été le cas, elle n'aurait toujours pas disposé de deux journées consécutives pour s'occuper de sa mère. Quoiqu'il en soit, elle a dit avoir demandé à son superviseur, à plusieurs reprises, d'avoir un horaire normal et n'a reçu aucune réponse. En ce qui concerne la discussion qu'elle a eue avec son supérieur la journée avant de remettre sa démission, elle a précisé que cet incident est survenu parce qu'elle s'était adressée froidement au gérant au téléphone. Il semble qu'il la tenait responsable de dommages causés à des biens du commerce, et elle éprouvait du ressentiment parce qu'elle savait ne pas être en cause.
Le 10 septembre 1997, la Commission a avisé la prestataire qu'elle n'avait pas droit aux prestations à compter du 14 juillet 1997, du fait qu'elle avait quitté son emploi sans justification.
La prestataire a porté cette décision en appel devant le conseil arbitral, mais ne s'est pas présentée à l'audition. Après avoir passé en revue les preuves documentaires consignées au dossier, le conseil s'est prononcé ainsi :
Il est fait mention, à l'alinéa 29(c)(5) du Règlement, de la nécessité de prendre soin d'un enfant ou d'un proche parent. Le Conseil, au vu des preuves dont il dispose, est d'avis que cette catégorie s'applique à l'appelante. La prestataire a tenté, de diverses manières et en agissant raisonnablement, de garder son emploi tout en s'occupant de sa mère, qui est très souffrante et demeure dans une autre région. Elle a déclaré que pour prendre soin de sa mère, même à temps partiel, il lui fallait deux jours consécutifs de congé, car elle doit voyager pendant une heure environ pour se rendre chez sa mère et faire de même pour retourner chez elle. En outre, la prestataire a déclaré avoir été et être toujours à la recherche d'un emploi qui lui permettrait de se rapprocher du lieu de résidence de sa mère. Elle n'a pas dit qu'elle souhaitait quitter son emploi ou cesser complètement de travailler pour s'occuper de sa mère, ou qu'elle avait pensé le faire, mais plutôt qu'elle voulait avoir la possibilité de travailler tout en prenant soin d'elle. L'appelante a de longs antécédents de travail et a dit ne pas être du genre à quitter son emploi volontairement et sans justification. À en juger par le relevé d'emploi (pièce no 3), l'employeur devait s'être rendu compte de la situation de l'appelante, car sous la rubrique 17 figurent une paye de vacances de 363,96 $ et une indemnité de cessation d'emploi de 450 $. Le conseil est d'avis que l'appelante a fait tout ce qu'une personne raisonnable aurait fait pour conserver son emploi, si cela était possible, tout en prodiguant les soins nécessaires à sa mère qui était très malade.
DÉCISION
L'appel interjeté par Gweneth Hanam, N.A.S. X, * est accueilli.
[TRADUCTION]
La prestataire s'est présentée en personne à l'audition tenue devant le juge-arbitre.
La Commission allègue que le conseil arbitral a commis une erreur de droit et a tiré une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Elle soumet que l'alinéa 29(c)(5) ne s'applique pas en l'occurrence, parce qu'il n'était pas nécessaire que la prestataire soit quotidiennement ou continuellement auprès de sa mère, car son père s'occupait convenablement d'elle. La Commission est d'avis que la prestataire, qui souhaitait passer plus de temps avec sa mère (ce qui est louable), a pris une décision purement personnelle qui ne constitue toutefois pas un motif valable de départ.
La Commission s'appuie en cela sur le jugement rendu par la Cour d'appel fédérale dans M. Tanguay, A-1458-84, pour établir la distinction entre de bonnes raisons personnelles et un motif valable de départ. Elle fait également référence au jugement rendu par la Cour dans D. Landry, A-1210-92, pour savoir ce qu'il faut entendre par l'absence de solutions de rechange raisonnables.
La question qui nous préoccupe ici est une question de fait. Je crois que le conseil arbitral disposait de suffisamment de preuves pour étayer ses conclusions et, puisqu'il est habilité à statuer sur les faits, qu'il ne convient pas d'infirmer en quoi que ce soit sa conclusion.
La prestataire devait se rapprocher du lieu de résidence de sa mère pour prêter main-forte à son père, qui était seul à prendre soin de sa mère très souffrante. Il ne fait donc aucun doute que la situation de la prestataire correspond à celle qui est décrite à l'alinéa 29(c)(5). La prestataire a épuisé toutes les solutions qui s'offraient raisonnablement à elle, mais en vain.
Par conséquent, l'appel de la Commission est rejeté.
J.A. Forget
Juge-arbitre
Ottawa (Ontario)
Le 9 octobre 1998