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  • CUB 51500

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    HOWARD RICHARD BYARD

    - et -

    d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le prestataire à
    l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
    New Glasgow (Nouvelle-Écosse) le 4 février 2000.

    VOIR L'ERRATUM

    DÉCISION

    LE JUGE-ARBITRE GOULARD

    Le prestataire interjette appel à l'encontre de la décision unanime du conseil arbitral (le « conseil »), lequel a confirmé la décision de la Commission selon laquelle il était inadmissible aux prestations en raison du fait qu'il exploitait sa propre entreprise et qu'il n'était donc pas sans emploi.

    Le prestataire a travaillé à la Chedabucto Bay Folk Society du 17 mai 1999 au 7 août 1999. Il a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi le 31 août 1999. La Commission a plus tard déterminé que le prestataire était inadmissible aux prestations en raison du fait qu'il exploitait sa propre entreprise et qu'il n'était donc pas sans emploi.

    Le prestataire a interjeté appel devant un conseil arbitral à l'encontre de la décision de la Commission; le conseil a rejeté son appel à l'unanimité. Il appelle donc de la décision du conseil auprès d'un juge-arbitre.

    J'ai entendu cet appel à New Glasgow (Nouvelle-Écosse) le 20 avril 2001. Le prestataire était présent et la Commission était représentée par M. James Klaassen.

    Le prestataire a prétendu, comme il l'avait fait devant le conseil, que le fait de tenter de se lancer en affaires n'aurait pas dû le rendre inadmissible aux prestations d'assurance-emploi. Il mentionne qu'il espérait que cette entreprise pouvait éventuellement devenir sa principale occupation et son principal moyen de subsistance, mais ce ne fut pas le cas. Il ajoute qu'il a toujours été disponible pour travailler à temps partiel pour son employeur, Seafreez Foods Inc., malgré le fait qu'il y avait très peu de travail pour lui. Le prestataire maintient qu'il a toujours été disponible pour travailler et qu'il aurait accepté toute offre d'emploi. Il répète sa prétention qu'il n'exploitait pas l'entreprise seul sur une base quotidienne, qu'il avait un employé et que son épouse lui donnait un coup de main. Il prétend que cette situation faisait en sorte qu'il était disponible pour travailler ailleurs. Il mentionne qu'il s'occupait des documents de l'entreprise, la plupart du temps en soirée.

    Le prestataire indique que l'entreprise n'a jamais été rentable et qu'il l'a récemment vendue à perte. L'entreprise est toujours active, mais sous une nouvelle administration.

    Dans sa représentation au conseil arbitral, la Commission avait prétendu que la participation du prestataire dans l'entreprise satisfaisait aux six critères établis en vertu de l'article 30 du Règlement sur l'assurance-emploi. Les paragraphes 39(1) et 30(3) stipulent ce que suit :

    30.(1) Sous réserve des paragraphes (2) et (4), le prestataire est considéré comme ayant effectué une semaine entière de travail lorsque, durant la semaine, il exerce un emploi à titre de travailleur indépendant ou exploite une entreprise soit à son compte, soit à titre d'associé ou de cointéressé, ou lorsque, durant cette même semaine, il exerce un autre emploi dans lequel il détermine lui-même ses heures de travail.
    (2) Lorsque le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise selon le paragraphe (1) dans une mesure si limitée que cet emploi ou cette activité ne représenterait pas normalement son principal moyen de subsistance, il n'est pas considéré, à l'égard de cet emploi ou de cette activité, comme ayant effectué une semaine entière de travail.
    (3) Les circonstances qui permettent de déterminer si le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise dans la mesure décrite au paragraphe (2) sont les suivantes :
    a) le temps qu'il y consacre;
    b) la nature et le montant du capital et des autres ressources investis;
    c) la réussite ou l'échec financiers de l'emploi ou de l'entreprise;
    d) le maintien de l'emploi ou de l'entreprise;
    e) la nature de l'emploi ou de l'entreprise;
    f) l'intention et la volonté du prestataire de chercher et d'accepter sans tarder un autre emploi.

    Le prestataire prétend qu'il entre dans les cadres de l'exception du paragraphe 30(2), car il lui était impossible de se fier sur cette entreprise à titre de principal moyen de subsistance. Il espérait qu'il en serait ainsi, mais, entre-temps, il s'est assuré de demeurer disponible pour son employeur à temps partiel et il aurait accepté toute offre d'emploi.

    La Commission a mis beaucoup l'accent sur le paragraphe 39(3) pour déterminer si l'emploi du prestataire ou son engagement dans son entreprise était d'une mesure si limitée. Il est important de considérer d'abord le paragraphe 30(2). Ce paragraphe précise que la pertinence de la mesure limitée de la participation du prestataire dans l'entreprise sert à déterminer si le prestataire se fierait à l'entreprise comme principal moyen de subsistance. En étudiant les six critères du paragraphe 30(3), il est important de garder en tête le facteur « principal moyen de subsistance ».

    Il existe des situations dans lesquelles l'effort déployé par un prestataire pour mettre sur pied une entreprise ne se matérialise jamais pour devenir son principal moyen de subsistance, mais le prestataire consacre tout son temps et toute son énergie à l'entreprise et il n'est jamais disponible pour travailler.

    Dans la présente affaire, le conseil a conclu que le prestataire « avait toujours poursuivi sa recherche d'emploi [..] et qu'il travaille aujourd'hui dans une brasserie de Canso », en plus de sa disponibilité pour travailler à la Seafreez. Le conseil conclut ensuite que « le temps consacré à l'entreprise du prestataire est insuffisant pour lui refuser des prestations, mais que les retraits semblent soulever certaines questions ». Le conseil recommande à la Commission de jeter un coup d'oeil sur ces retraits, car ils pourraient représenter des sommes d'argent dues au prestataire plutôt que des gains et le conseil conclut : « Si tel est le cas, le conseil recommanderait d'annuler le remboursement du versement excédentaire. Le conseil félicite le prestataire d'avoir lancé son entreprise sans rendement direct du capital investi et d'être disposé à rechercher et à décrocher un emploi en tout temps ». (C'est moi qui ai souligné.)

    Le conseil conclut clairement que le prestataire n'entre pas dans les cadres des critères établis dans les paragraphes 30(2)a), 30(2)c) et 30(2)f). Pour ce qui est du paragraphe 30(2)e), la preuve au dossier montre que le prestataire ne possédait aucune expérience préalable de travail, et encore moins de possession ni d'exploitation, d'une entreprise de récupération. Il s'agit d'une situation très différente de celle d'un prestataire qui commence dans un champ d'activité dans lequel il possède beaucoup d'expérience et auquel il peut apporter énormément de connaissances et d'expérience. Ce manque d'expérience a peut-être fait en sorte que le prestataire n'a pas été capable d'atteindre l'objectif visé, soit d'en faire son principal moyen de subsistance, et qu'il a décidé de mettre fin à sa participation en vendant l'entreprise à perte. Cette situation indique, pour le prestataire du moins, que cette entreprise n'entrait pas dans les cadres du critère de « continuité » du paragraphe 30(2)d).

    Il reste le critère du paragraphe 30(2)b), la nature et le montant du capital et des autres ressources investis. Le prestataire a investi 1 500 $ de ses économies, puis il a emprunté et il a accumulé des dettes. Cet élément soutient le fait que le prestataire était sérieux dans son plan de faire de l'entreprise une réussite, mais ce ne fut jamais le cas.

    Un appel est interjeté devant un juge-arbitre en vertu des paragraphes 115(1) et 115(2) de la Loi sur l'assurance-emploi, L.R.C. 1985. Le paragraphe 115(2) énumère les motifs pour ce genre d'appel :

    115.(2) Les seuls moyens d'appel sont les suivants :
    a) le conseil arbitral n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
    b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
    c) le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

    Dans la présente affaire, le conseil arbitral est arrivé à une conclusion sur un critère fondamental. Il a conclu que la participation du prestataire était d'une mesure si limitée que cela ne lui interdirait pas de recevoir des prestations, que le prestataire demeurait disponible pour travailler et qu'il recherchait un emploi. Il conclut en plus que le prestataire n'a jamais profité d'un rendement direct du capital investi dans l'entreprise. À l'égard de la possibilité de gains, il jette un certain doute en demandant à la Commission d'annuler le remboursement du versement excédentaire, si les résultats de l'enquête prouvaient que le prestataire ne touchait de l'entreprise qu'un remboursement des dettes engendrées par l'investissement dans l'entreprise.

    Je conclus donc que le conseil a commis une erreur en arrivant à une décision qui s'avère contraire à sa conclusion des faits, ou tout au moins sans tenir dûment compte de ces faits.

    Par conséquent, l'appel est accueilli. Je conclus que le prestataire a démontré qu'il devrait être admissible aux prestations en raison du fait que les efforts qu'il a déployés pour lancer son entreprise entrent dans le cadre des exceptions stipulées au paragraphe 30(2) de la Loi.

    G. Goulard

    Juge-arbitre

    Ottawa (Ontario)
    Le 30 avril 2001

    2011-01-16