TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
L.C. 1996, ch. 23
- et -
d'une demande de prestations d'assurance-chômage présentée par
Peter Honig
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le prestataire à
l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
New Westminster (Colombie-Britannique) le 29 mars 1999.
Appel entendu à Vancouver (Colombie-Britannique) le 3 avril 2001.
DÉCISION
LE JUGE-ARBITRE STEVENSON
Il s'agit d'un appel représentatif. La Commission a rendu une décision selon laquelle M. Honig et plusieurs de ses collègues de travail n'étaient pas admissibles aux prestations d'assurance-chômage en date du 10 août 1998, étant donné que la perte de leur emploi était attribuable à un arrêt de travail provoqué par un conflit de travail. L'appel interjeté devant le conseil arbitral avait été rejeté par la majorité des membres, et le prestataire interjette maintenant appel à l'encontre de cette décision du conseil.
À l'égard de la présente affaire, on doit rendre une décision en se fondant sur les paragraphes 36(1) et 36(4) de la Loi sur l'assurance-emploi, qui prévoient les dispositions suivantes :
36.(1) Sous réserve des règlements, le prestataire qui a perdu un emploi ou qui ne peut reprendre un emploi en raison d'un arrêt de travail dû à un conflit collectif à l'usine, à l'atelier ou en tout autre local où il exerçait un emploi n'est pas admissible au bénéfice des prestations avant :
(a) soit la fin de l'arrêt de travail;
(b) soit, s'il est antérieur, le jour où il a commencé à exercer ailleurs d'une façon régulière un emploi assurable.
(4) Le présent article ne s'applique pas si le prestataire prouve qu'il ne participe pas au conflit collectif qui a causé l'arrêt de travail, qu'il ne le finance pas et qu'il n'y est pas directement intéressé.
On ne prétend pas que les prestataires avaient financé le conflit de travail ou étaient directement intéressés par le conflit de travail ayant provoqué l'arrêt de travail. La seule question qu'il reste à déterminer est de savoir si les prestataires ont ou n'ont pas participé au conflit de travail.
Il existe une présomption de participation lorsque des employés acceptent de plein gré la présence d'une ligne de piquetage. Cette présomption peut toutefois être réfutée, par exemple par la présence de comportements violents ou de menaces de violence, et rien ne laisse supposer qu'il puisse en être ainsi dans la présente affaire. On peut aussi réfuter la présomption en apportant des éléments de preuve selon lesquelles les employés n'auraient eu aucun travail à accomplir après avoir franchi la ligne de piquetage, ou que l'employeur les avait informés que leurs services n'étaient pas requis.
Les prestataires étaient à l'emploi de Corwest Fabrications, entreprise située au X, * et étaient membres de la section locale no 170 du syndicat des plombiers et tuyauteurs (Plumbers and Pipefitters Union). L'entreprise Corwest est une division de la firme Ellett Industries Ltd. dont les installations sont situées sur la propriété adjacente, au X. * Le dimanche 9 août 1998, les employés d'Ellett Industries, membres de la section locale no 280 du syndicat des tôliers et ferblantiers (Sheet Metal Workers Union), ont déclenché une grève et formé une ligne de piquetage en face du X. *
Le 9 août en soirée, Roy Fraser a téléphoné aux membres de la section locale no 170 pour les informer de la présence d'une ligne de piquetage et pour leur dire de ne pas se présenter au travail jusqu'à nouvel ordre. M. Honig a souligné que le message sur son répondeur téléphonique précisait qu'aucun travail n'était disponible en raison de la présence d'une ligne de piquetage.
Roy Fraser occupait le poste de contremaître d'outillage (plant foreman) chez Corwest et était également membre de la section locale no 170. Dans une demande de renseignements, la Commission a posé quelques questions à M. Fraser, auxquelles il a fourni les réponses suivantes :
(a) A-t-on formé une ligne de piquetage à votre lieu de travail? Oui.
(b) Dans l'affirmative, avez-vous tenté de traverser cette ligne de piquetage? Quelles ont été les conséquences de vos actions? Non. Mon employeur a suggéré d'éviter la confrontation et de ne pas tenter de traverser la ligne de piquetage. [TRADUCTION]
M. Fraser n'a pas précisé le nom de la personne qui lui avait fait cette « suggestion », au nom de Corwest. À l'audience devant le conseil arbitral, le représentant syndical a supposé que ce devait être Terry Horton, chef d'établissement (plant manager). M. Horton a mentionné à l'enquêteur de la Commission que la direction de Corwest n'était entrée en communication avec aucun de ses employés le 9 août ou après pour leur dire de ne pas se présenter au travail le lundi suivant ou les jours subséquents.
Une majorité de membres du conseil arbitral a soutenu ce qui suit :
Les membres du conseil tentent désespérément de trouver des éléments de preuve voulant que le contremaître a agi au nom de la direction de Corwest. Toutefois, il existe des éléments de preuve relativement au fait que la direction n'a joué aucun rôle dans les appels téléphoniques effectués aux employés pour les informer de ne pas se présenter au travail (pièce 5.1). En outre, si la direction avait demandé aux employés de ne pas se présenter au travail, la cessation d'emploi aurait été considérée comme un congédiement. Toutefois, le relevé d'emploi porté au dossier (pièce 7) démontre clairement que la cessation d'emploi a résulté du conflit de travail.
Les membres du conseil arbitral conviennent que l'arrêt de travail survenu à l'endroit où travaillaient les appelants a été provoqué par le conflit de travail et que, subséquemment, ceux-ci ont perdu leur emploi en raison de cet arrêt de travail. Les membres du conseil considèrent que l'inadmissibilité aux prestations qui en résulte concorde avec les dispositions prévues dans la législation courante.
Quant à savoir si les appelants peuvent, en invoquant le paragraphe 36(4) de la Loi, obtenir réparation en justice relativement à l'inadmissibilité qui leur a été imposée, les membres du conseil arbitral sont d'avis que les appelants ont, en fait, participé au conflit de travail en quittant leur travail (CUB 12379) et en respectant la ligne de piquetage (CUB 16843). Ces membres concluent également que les appelants ne peuvent invoquer le paragraphe 36(4) de la Loi pour obtenir réparation en justice relativement à l'inadmissibilité aux prestations qui leur a été imposée. [TRADUCTION]
La majorité du conseil arbitral semble avoir conclu que M. Fraser n'a pas agi au nom de la direction lorsqu'il a demandé aux membres de la section locale no 170 de ne pas se présenter au travail. À cet égard, il existe des éléments de preuve qui viennent corroborer cette conclusion et je n'ai pas l'intention d'infirmer cette décision.
Cependant, M. Honig et ses collègues de travail ne sont pas tout à fait de cet avis. Ils croient qu'il est légitime de prétendre qu'ils suivaient tout simplement les directives de leur contremaître qui, selon eux, agissait à titre de représentant de la direction. Aucun élément de preuve ne permet de conclure que les membres de la section locale no 170 ont pu prendre quelque décision de groupe que ce soit visant à respecter la ligne de piquetage. De manière beaucoup plus significative, il est clair que la direction de Corwest n'a fait aucune tentative pour contredire M. Fraser ou annuler les directives que celui-ci a transmises aux employés. L'employeur a donc accepté l'intervention de M. Fraser.
La majorité des membres du conseil arbitral ont rendu une décision entachée d'une erreur de droit en omettant de prendre en considération le défaut d'agir de l'employeur, compte tenu des circonstances. En outre, la conclusion voulant que les prestataires aient participé au conflit de travail s'appuyait sur des faits erronés et, par conséquent, s'avérait non fondée et a été rendue sans tenir compte des preuves portées à la connaissance du conseil arbitral.
L'appel est accueilli.
Ronald C. Stevenson
Juge-arbitre
Fredericton (Nouveau-Brunswick)
Le 4 mai 2001