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  • CUB 56313

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    et

    d'une demande de prestations présentée par
    KATHERINE KLASSEN

    et

    d'un appel interjeté par la prestataire à l'encontre
    d'une décision du conseil arbitral rendue à
    Burnaby (C.-B.), le 11 avril 2001

    DÉCISION

    Le juge David G. Riche

    Les questions que devait trancher le conseil consistaient à déterminer si la prestataire, actionnaire et directrice d'une société connue sous le nombre de Pacific Coast Cedar Products, était en chômage pendant la période au cours de laquelle elle a touché des prestations en 1993 et en 1996, et si elle a prouvé ou non qu'elle était disponible pour travailler, conformément à l'art. 14 de la Loi.

    Le conseil arbitral a conclu que la prestataire exerçait, en fait, toujours son ancien emploi au sein d'une entreprise dont elle était copropriétaire et qu'elle n'avait pas prouvé qu'elle avait cherché du travail, comme l'exige l'art. 14 de la Loi.

    Mme Klassen était la fille du président de l'entreprise, dont sa mère était la principale actionnaire. Elle détenait le quart des actions d'une entreprise possédant elle-même la moitié des actions de Pacific Coast Cedar Products Limited, de sorte qu'elle se retrouvait actionnaire à 12,5 % de l'entreprise. Comme en témoigne la pièce 2-1, elle était employée par l'entreprise comme directrice de bureau, comptable, responsable des ventes et commis aux écritures.

    La prestataire a indiqué au conseil qu'il lui arrivait, à l'occasion, de se rendre au bureau à quelques reprises pendant la semaine, pour bavarder avec d'autres actionnaires mis à pied parce qu'elle aimait bien ces personnes et que c'était l'endroit où elle pouvait les rencontrer et prendre connaissance des offres d'emploi dans les annonces classées. Elle a ajouté qu'elle donnait parfois un coup de main en ce qui concerne le travail de bureau, pendant tout au plus une heure par semaine.

    Après s'être penché sur les dispositions pertinentes de la Loi, le conseil a conclu que la prestataire n'était pas un témoin crédible. Les membres du conseil ont indiqué, en effet, que son témoignage n'était ni fiable ni étayé et qu'il a été parfois contredit. Ils étaient d'avis que sa preuve n'était pas digne de foi. Les membres du conseil n'ont pas cru son témoignage selon lequel elle se rendait au bureau pour prendre connaissance des offres d'emploi dans les annonces classées et compatir avec ses ex-collègues. Le conseil a plutôt conclu qu'elle veillait à ses intérêts et que c'était là le but de ses visites. Il a jugé que la prestataire s'occupait de l'exploitation de l'entreprise familiale pour son propre compte, tout en recevant des prestations. Le conseil a également conclu que la déclaration selon laquelle elle travaillait une heure par semaine tout en touchant des prestations était une fausseté, puisqu'elle était en contradiction avec le témoignage d'autres actionnaires. La majorité des membres du conseil se sont dit non convaincus que sa participation au sein de la Pacific Coast Products, pendant la période au cours de laquelle elle a touché des prestations, était limitée, aux termes du par. 43(2) du Règlement. On a jugé que la prestataire avait consacré beaucoup de temps aux activités de l'entreprise en vue de protéger des ressources et des intérêts importants, et qu'il s'agissait là de son principal moyen de subsistance. En outre, le conseil a conclu qu'elle ne s'était pas montrée disposée à chercher un autre emploi, en dépit de son témoignage.

    Compte tenu de la preuve présentée à l'égard de cette prestataire, je suis d'avis que la décision rendue par la majorité du conseil n'est pas vraiment conforme aux faits établis. Cependant, je sais pertinemment qu'il n'appartient pas au juge-arbitre de substituer sa conclusion à celle à laquelle en est venu le conseil arbitral. Pour que le juge-arbitre puisse annuler une décision rendue par un conseil arbitral quant à la crédibilité ou aux faits, il doit être démontré que cette décision était erronée et qu'elle ne s'appuyait pas sur la preuve présentée. Dans le cas qui nous occupe, j'ai lu attentivement la transcription des témoignages ainsi que la preuve figurant au dossier et je suis d'avis qu'il s'agit ici d'un cas où le juge-arbitre doit intervenir dans la décision rendue à la lumière des faits constatés par le conseil arbitral. Je crois que le conseil arbitral, après avoir entendu sept appels similaires interjetés par les actionnaires de cette société, qui réclamaient des prestations d'assurance-chômage par suite d'une mise en disponibilité qu'ils avaient eux-mêmes orchestrée, en est arrivé à la conclusion que tous ces appels sont pratiquement identiques et devraient, par conséquent, mener à la même décision. C'est là mon point de vue, à l'exception de l'erreur commise par le conseil arbitral à l'endroit d'Allen Hampton.

    Dans l'analyse des arguments invoqués par Katherine Klassen, le premier élément de preuve qui ressort réside dans le fait qu'elle est la seule actionnaire à ne pas avoir signé la déclaration obtenue de son père, George Klassen. Par conséquent, le conseil n'aurait pas dû conclure qu'elle avait accepté ses dires à l'instar des autres actionnaires en cause. En outre, la transcription des témoignages révèle que la prestataire ne s'est rendue qu'aux bureaux où elle avait travaillé de temps à autre. De plus, après sa mise à pied, elle a été remplacée par une autre employée du nom de Barbara Urquhart. Au cours de la période où elle a été en disponibilité en 1996, la prestataire a touché des prestations régulières pendant un court laps de temps, après quoi on lui a versé des prestations de maternité.

    À la page 53, la prestataire mentionne différents établissements bancaires où elle a fait une demande d'emploi. Elle a également cherché à obtenir un emploi au sein d'une société connue sous le nom de Stave Lake Cedar, et elle a indiqué plusieurs autres endroits où elle a fait des démarches pour obtenir un emploi. Ensuite, à la page 55, elle décrit les efforts qu'elle a faits pour se trouver du travail. Voilà qui témoigne d'une recherche d'emploi relativement soutenue.

    À la page 60, la prestataire mentionne qu'il lui arrivait, à l'occasion, d'aller porter du café, de la crème, etc. chez Pacific Coast Cedar Products et qu'elle assistait parfois à une réunion hebdomadaire pour s'informer de la situation. La plupart du temps, elle allait voir son père, qui était président de l'entreprise. Elle s'informait de la situation et discutait avec lui pendant une dizaine de minutes ou pas plus d'une demi-heure, parfois pendant cinq minutes. Elle y allait aussi pour parler de ses enfants avec son père. À la page 93 de la transcription de son témoignage, Katherine Klassen, en réponse aux questions de la présidence, a dit qu'il lui arrivait à l'occasion de donner un coup de main, pendant une heure ou deux, aux deux semaines, parfois pendant 15 minutes, mais qu'elle ne faisait que donner un coup de main. Rien n'indique qu'elle se rendait sur place tous les jours comme certains des autres actionnaires en cause. La preuve montre qu'elle a été remplacée par une autre employée et qu'elle a fourni trois documents faisant état de ses démarches à la recherche d'un emploi, de même qu'une preuve suffisamment claire des endroits où elle s'est présentée ainsi que de la fréquence de ses démarches pour se trouver un emploi.

    Je suis d'avis que le conseil arbitral aurait dû accorder le bénéfice du doute à la prestataire plutôt que de la mettre dans la même catégorie que les autres. Il est clair que pendant la période où elle a été en disponibilité, la prestataire n'a pas consacré beaucoup de temps à l'entreprise, contrairement aux autres actionnaires en cause, même si elle y avait des intérêts substantiels et qu'elle était directement touchée par la réussite ou l'échec de l'entreprise, qui représentait normalement son principal employeur. La jurisprudence montre clairement que parmi les six facteurs dont on doit tenir compte pour déterminer si une personne est établie à son propre compte autrement que dans une mesure limitée, tel que prévu au par. 43(1) du Règlement sur l'assurance-chômage, le temps consacré à l'entreprise est le plus important. Dans le cas présent, la preuve ne montre pas que la prestataire a consacré un temps considérable à son entreprise, mais elle indique, par contre, qu'elle a fait des démarches raisonnables pour se trouver un emploi pendant la période où elle a été en disponibilité.

    À mon avis, le conseil arbitral a commis une erreur en établissant un parallèle entre le cas de la prestataire et celui des autres actionnaires en cause et en rejetant son appel. À la lumière de la preuve fournie par tous les témoins et du fait que la prestataire a été remplacée à son travail, il convient de lui accorder le bénéfice du doute, ce qui, à mon avis, est suffisant pour m'autoriser à annuler la décision rendue par le conseil arbitral au motif qu'il s'agit d'une décision erronée qui n'est pas étayée par la preuve présentée.

    Pour ces motifs, je suis convaincu que l'appel de la prestataire doit être accueilli.

    David G. Riche

    Juge-arbitre

    Le 4 décembre 2002
    St. John's (T.-N.)

    2011-01-16