TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE
et
d'une demande de prestations présentée par
GEORGE KLASSEN
et
d'un appel interjeté par le prestataire à l'encontre
de la décision rendue par un conseil arbitral
à Burnaby (C.-B.) le 11 avril 2001
DÉCISION
L'honorable David G. Riche
Dans cet appel, il faut déterminer si le prestataire était en chômage au sens des articles 8 et 10 de la Loi sur l'assurance-chômage et de l'article 43 du Règlement sur l'assurance-chômage. L'affaire est examinée à la lumière de la Loi sur l'assurance-chômage étant donné que les événements se sont produits entre 1993 et 1996. La présente affaire avait été antérieurement instruite par un juge-arbitre, et la décision fut inscrite sous le numéro de décision CUB 49858. Dans la décision précitée, certaines questions sont examinées et des directives ont été données pour que l'affaire soit instruite par le conseil arbitral. Les questions qu'il fallait alors instruire sont celles dont je suis saisi aujourd'hui.
Le juge-arbitre Salhany, lorsqu'il a instruit cette cause en 1998, a déclaré :
J'ai entendu cet appel à Vancouver (Colombie-Britannique) le mercredi 27 septembre 2000, en même temps que les appels interjetés par Anna Klassen, Katherine Klassen, Adrien Cyr, Leslie Taylor, Gordon Hampton et Allen Hampton, car toutes les questions dans les sept cas, relèvent de la même exploitation d'entreprise et sont essentiellement les mêmes. Voici les renseignements généraux relatifs à la présente affaire.
La Pacific Coast Cedar Products Limited est une société par actions à responsabilité limitée sise à Maple Ridge (Colombie-Britannique). First Klass Holdings Limited détient 50 p. 100 des actions de l'entreprise, H.T.H. Holdings Limited 33,33 p. 100 des actions et Adrien Cyr, 16,66 p. 100 des actions. Les actions de First Klass Holdings sont réparties comme suit : 12,5 p. 100 à Klassen Enterprises Limited, une société par actions à responsabilité limitée appartenant à parts égales à Richard et Patricia Klassen, [qui sont les enfants de George Klassen]; 25 p. 100 à Anna Klassen [qui est l'épouse de George Klassen] et 12,5 p. 100 à Katherine Klassen [sa bru]. Les actions de H.T.H. Holdings sont réparties à parts égales entre Allen Hampton, Gordon Hampton et Leslie Taylor.
Une recherche des dossiers corporatifs de la Pacific Coast a révélé que le 13 mai 1996, George Klassen en était le président et un des administrateurs, Gordon Hampton en était le secrétaire et un des administrateurs et Adrien Cyr, Anna Klassen, Katherine Klassen et Leslie Taylor en étaient aussi administrateurs. [...] George Klassen n'était pas un actionnaire [...] de la Pacific Coast Cedar Products Limited.
Lorsque George Klassen, le prestataire, a présenté une demande de prestations en septembre 1993, il a déclaré n'avoir aucun lien de parenté avec son employeur. Son relevé d'emploi (pièces 3.1 et 3.2) montre qu'il a été mis à pied par cette compagnie. Pour la suite, je désignerai Pacific Coast Cedar Products Limited sous le nom de Pacific Coast. À nouveau, en avril 1996, il a présenté une autre demande de prestations et a continué à dire qu'il n'avait pas de lien de parenté avec quelqu'un de la compagnie. La structure des actions de la compagnie a ultérieurement été découverte par un enquêteur de l'assurance-chômage.
Une nouvelle enquête a été menée afin de déterminer si le prestataire et d'autres personnes travaillaient pendant qu'ils touchaient des prestations. L'enquête avait également pour but de déterminer si les prestataires en question étaient liés à la Pacific Coast ou s'ils en étaient les propriétaires et s'ils exploitaient la compagnie et en étaient les employés à la fois.
Lorsque l'entreprise était occupée, trois personnes travaillaient dans le bureau, et lorsque les affaires tournaient au ralenti, une seule personne y travaillait à temps partiel. Le prestataire a déclaré que le directeur était généralement l'une des dernières personnes à être mises à pied, mais que ce n'était pas toujours le cas. Le prestataire était le directeur.
Lorsqu'on a demandé au prestataire s'il avait travaillé à l'usine depuis sa mise à pied en mars 1996, il a dit qu'il n'était pas certain du sens dans lequel il fallait entendre le mot travail; toutefois, les administrateurs se réunissaient tous les jours pour déterminer ce qu'ils allaient faire. Ces réunions, dites de stratégie, se tenaient du lundi au vendredi, et duraient tantôt une heure, et tantôt sept ou huit heures. La durée moyenne des réunions de stratégie était d'environ quatre heures, chaque jour. La femme et la fille du prestataire assistaient à ces réunions.
Pendant la période où le prestataire a touché des prestations d'assurance-emploi, l'usine était exploitée sans directeur. Le prestataire a déclaré que c'est le conseil d'administration qui exploitait l'usine. Le conseil d'administration était formé des personnes dont j'ai déjà cité le nom. Outre Adrien Cyr, qui était chargé de l'entretien, Allen Hampton était journalier à l'usine, Gordon Hampton était conducteur de chariot-élévateur, Leslie Taylor était le superviseur, tandis que Anna Klassen faisait du travail de bureau général et que Katherine Klassen s'occupait de la tenue des livres et gérait le bureau.
En mars 1996, 20 des employés à l'effectif ont continué à travailler à temps plein jusqu'à la fin de mai 1996. Lorsque la compagnie a mis à pied 13 employés qui ne déclaraient ni travail ni rémunération, sept de ces 13 employés étaient des administrateurs ou des actionnaires de la compagnie. Aucun de ces directeurs ou actionnaires ne déclarait de travail ni de rémunération.
Au cours de l'entrevue, l'enquêteur a demandé au prestataire : « S'il est vrai qu'il y avait du travail pour le prestataire lorsque l'usine était fermée, comment pouvait-il ne pas y avoir de travail pour le prestataire lorsque l'usine fonctionnait? » [Traduction]
Le prestataire a par la suite expliqué que telle était la façon dont la compagnie souhaitait organiser ses affaires.
La Commission de l'assurance-emploi a refusé la demande de prestations présentée par M. Klassen en disant qu'elle ne pouvait pas payer de prestations à compter du 30 août 1993, parce que le prestataire exploitait une entreprise (pièce 48). En outre, la Commission ne pouvait pas payer de prestations au prestataire à partir du 1er avril 1996, parce que le prestataire exploitait une entreprise (pièce 49). De plus, la Commission a indiqué que pour être admissible à des prestations ordinaires, le prestataire doit prouver qu'il est prêt et disposé à travailler et capable de le faire, qu'il cherche activement du travail et qu'il est incapable de trouver un emploi convenable à chaque jour pour lequel des prestations sont réclamées. Il ne doit exister aucun élément de nature à nuire à une recherche d'emploi ou à la capacité d'accepter immédiatement tout emploi convenable.
La majorité du conseil arbitral saisi de la présente affaire a entendu l'avocat de George Klassen, qui a fait valoir que l'appelant était un actionnaire au sein d'une entreprise familiale (pièce 80.5), mais qu'il n'avait aucun contrôle sur ses heures de travail. L'avocat a dit que l'appelant était en mesure de fournir des preuves quant aux efforts qu'il a déployés pour trouver du travail et maintenir sa disponibilité et qu'en ce qui concerne la présence d'automobiles appartenant aux appelants qui étaient garées dans le stationnement de la compagnie, l'appelant est en mesure d'expliquer ce que les appelants faisaient dans le bureau en tout temps, et que la plupart du temps, ces personnes y étaient pour mener une recherche d'emploi (pièce 80.6).
Lors de l'audience, des déclarations ont été faites devant le conseil arbitral. M. Klassen a dit que, pour sa part, il ne possédait pas d'actions. Il a dit que sa femme, sa fille et d'autres membres de sa parenté étaient les propriétaires de First Klass Holdings, laquelle possédait la moitié de Pacific Coast Cedar. Il a effectivement admis qu'il était le président de la compagnie.
Le conseil a constaté que George Klassen a dit qu'il avait passé quatre heures ou plus au bureau chaque jour, même s'il s'était lui-même mis à pied. M. Klassen a reconnu que sa voiture se trouvait sur les lieux, comme l'a constaté l'agent enquêteur. Il a expliqué que le temps qu'il passait au bureau était consacré à trouver des moyens de faire fonctionner la compagnie. Il a dit avoir participé à des réunions de stratégie avec Ed, Les et les Hampton, a reconnu que sa fille Katherine participait parfois à ces réunions, tout comme sa femme, Anna. M. Klassen a dit qu'aucun des actionnaires mis à pied ne faisait le moindre travail au bureau, malgré le fait qu'ils étaient des actionnaires mis à pied qui étaient présents régulièrement au bureau. M. Klassen, en guise d'explication, a dit que les actionnaires mis à pied étaient là pour lire le journal à la recherche d'offres d'emploi et pour s'entraider les uns les autres dans leur recherche d'emploi. M. Klassen n'a postulé aucun emploi à l'extérieur de sa propre industrie et a continué à donner des directives aux employés de sa compagnie. Il a ajouté que son effectif avait atteint un plancher d'une quinzaine de personnes, pour remonter ensuite au niveau actuel d'environ 37 personnes. Il n'a conservé aucun registre des endroits où il a cherché du travail, mais il a tenu à assurer le conseil qu'il en a effectivement cherché. Il n'a aucun souvenir d'avoir été informé des droits et obligations du prestataire.
Le conseil arbitral a exposé les dispositions applicables de la Loi, et de façon particulière l'article 8, dans lequel il est dit que les prestations sont payables à un prestataire qui est admissible à en recevoir. L'article 10 indique qu'une semaine de chômage est une semaine au cours de laquelle un prestataire ne travaille pas une semaine entière. L'article 43 du Règlement stipule qu'une personne qui détermine elle-même ses propres heures de travail, ou qui est un travailleur indépendant ou qui exploite une entreprise soit à son compte, soit à titre d'associé ou de cointéressé n'est pas admissible à recevoir des prestations à moins de pouvoir démontrer qu'elle consacre si peu de temps à l'emploi décrit qu'elle ne saurait normalement compter sur cet emploi comme principal moyen de subsistance.
L'article 14 de la Loi, qui porte sur la disponibilité, stipule qu'un prestataire n'est pas admissible au versement des prestations pour tout jour ouvrable d'une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu'il était soit capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d'obtenir un emploi convenable ce jour-là, soit incapable de travailler ce jour-là par suite d'une maladie, blessure ou mise en quarantaine prévue par les règlements et qu'il aurait été sans cela disponible pour travailler.
Le conseil a ensuite cité la décision CUB 40065 rendue par le juge Jérôme, décision relative à l'application de l'article 43, et a aussi cité l'arrêt Childs (A-48-97) (décision CUB 35899).
Le conseil a également traité de la question de la disponibilité pour travailler, aux termes de l'art. 14 de la Loi.
La majorité du conseil a conclu, à la lumière des commentaires et des dépositions faites par George Klassen, Katherine Klassen, Anna Klassen, Allen Hampton, Gordon Hampton, Adrien Cyr et Leslie Taylor que George Klassen est et était l'âme dirigeante de Pacific Coast Cedar Products. La majorité du conseil a appris que le même George Klassen embauchait et congédiait les employés, déterminait qui était mis à pied et quand, qui devait être embauché et réembauché, et quand cela devait se faire. Le conseil a en outre constaté que George Klassen dirigeait l'exploitation de la compagnie à l'époque visée par le présent examen. Le conseil a constaté que George Klassen agissait avec le consentement des actionnaires et des administrateurs en qualité de président de l'entreprise, à toutes les époques en cause. La majorité du conseil a entendu George Klassen dire que c'était lui qui décidait quelle était l'orientation de la compagnie, pendant les périodes visées par le présent examen. Le conseil a constaté que George Klassen contrôlait ses propres heures de travail et était engagé dans l'exploitation d'une entreprise soit à titre d'associé ou de cointéressé avec des membres de sa parenté qui étaient actionnaires de Pacific Coast Cedar Products. La majorité du conseil a constaté que le cas de George Klassen correspond à la description donnée au paragraphe 43(1) du Règlement. George Klassen n'est pas en chômage, au sens de la loi.
La majorité du conseil a conclu que M. Klassen travaillait pour Pacific Coast Cedar Products, et que ce travail pour cette compagnie constituait son principal moyen de subsistance pendant les périodes visées par le présent examen, et le conseil n'a pas été convaincu qu'il y consacrait peu de temps, au sens du paragraphe 43(2) de la Loi. La majorité du conseil a constaté que George Klassen oeuvre dans l'industrie depuis 35 ans, et que pendant les périodes visées par le présent examen, il s'est trouvé sur les lieux de son travail sur une base pour ainsi dire quotidienne, qu'il dirigeait les destinées de sa compagnie de manière, selon les dires de son avocat, à atténuer les effets de la situation dans laquelle se trouvait la compagnie, que George Klassen consacrait son temps aux affaires de la compagnie sur une base quotidienne plutôt que de consacrer ses efforts à se trouver un autre travail pour lui-même. Le conseil a conclu que George Klassen a continué à diriger les affaires de la compagnie, même pendant les périodes où il a touché des prestations d'assurance-chômage. George Klassen a admis avoir participé à des réunions de stratégie sur une base quotidienne, réunions qui duraient parfois de sept à huit heures par jour.
La majorité du conseil a constaté que George Klassen consacrait de quatre à huit heures par jour à sa compagnie, et ce de cinq à sept jours par semaine, pendant les périodes en question. En outre, la majorité du conseil a constaté que George Klassen avait investi des sommes substantielles, par l'intermédiaire de sa famille et par l'intermédiaire de ses actionnaires, sommes qui totalisent au-delà d'un million de dollars. La majorité du conseil a constaté que l'entreprise avait été mise sur pied par l'intermédiaire de membres de la parenté de M. Klassen, et que ce dernier avait participé à son exploitation pendant des décennies.
La majorité du conseil a constaté que l'entreprise existe toujours aujourd'hui en raison des efforts importants que le prestataire y a consacrés. De plus, elle a constaté que le prestataire n'a pas cherché d'autre emploi et qu'il n'est pas parvenu à démontrer qu'il était disposé à chercher et à accepter un autre emploi.
En ce qui concerne la disponibilité, la majorité du conseil a constaté que le prestataire avait manifestement échoué à démontrer qu'il était prêt et disposé à travailler et incapable de trouver un emploi convenable pendant la période où il a touché des prestations d'assurance-chômage. Le prestataire n'a pas tenu de relevé indiquant à qui il s'était adressé pour trouver du travail ni fourni la moindre preuve à cet égard. Le conseil a constaté que le prestataire n'avait fourni aucune information fiable ou digne de foi, lorsqu'il a été directement interrogé au sujet de ses efforts pour trouver du travail. Le prestataire a soumis de l'information qui a été contredite dans son propre témoignage verbal. Sa déposition verbale n'a pas été jugée fiable, car celle-ci n'a pas résisté à l'examen. George Klassen n'était pas en chômage, n'a pas établi qu'il consacrait très peu de temps à l'entreprise et n'a pas démontré qu'il était disponible, à la lumière des constatations faites par la majorité du conseil; en outre, il ne s'est pas révélé crédible dans sa déposition. Pour ces motifs, son appel a été rejeté.
Le membre dissident du conseil a exposé des vues contraires à celles de la majorité. Le membre dissident du conseil semble avoir accepté les arguments exposés par l'avocat du prestataire. Il a conclu que Specific Coast [sic] était une société, dont le prestataire était l'un des administrateurs et un employé. Il a expliqué que Pacific Coast n'était pas un groupement d'associés ou de cointéressés et que conséquemment, la situation de M. Klassen ne pouvait être rapprochée de celle dont traite la décision CUB 5454 (Schwank). Le membre dissident du conseil a souligné que le prestataire avait mis sur pied un programme de travail partagé faisant en sorte qu'il pouvait garder les employés clés en service, puisqu'il savait que l'usine pouvait fonctionner efficacement sans les employés issus de la famille. Il s'agissait là d'une décision d'affaires qui avait pour but de maintenir au travail les employés essentiels, et d'assurer ainsi la stabilité financière de la compagnie. Il a indiqué que l'industrie était en crise, frappée qu'elle était par des mises à pied massives, et l'objectif principal que visait le prestataire était de maintenir la compagnie en affaires, et pour cela de maintenir au travail les employés essentiels. Le prestataire prévoyait retourner travailler pour Pacific Coast, dès que la situation économique allait revenir à la normale. Il a donné son accord à la mise à pied des membres de la famille, de manière à réduire les dépenses.
Le membre dissident du conseil s'est dit en désaccord avec la déclaration suivante de la Commission : « Quoi qu'en disent les administrateurs, il n'est pas possible de croire que le travail qu'ils faisaient collectivement lorsqu'ils ne touchaient pas des prestations devienne soudainement nécessaire au fonctionnement de l'usine lorsqu'ils touchaient des prestations ». [Traduction] Le membre dissident s'est fié à la décision rendue par le juge-arbitre précédent en ce qui concerne la crédibilité lorsqu'il a accueilli tous les appels en ce qui concerne la question de la pénalité.
Contrairement aux autres membres du conseil, le membre dissident a jugé que le prestataire et les membres de sa famille étaient tout à fait crédibles. Il n'a rien vu de répréhensible dans le fait qu'ils tenaient des réunions dans les bureaux pendant la période de mise à pied, parce que, a-t-il estimé, ils consacraient principalement ce temps à se chercher du travail.
Lorsque j'ai été saisi de la présente affaire, l'avocat de l'appelant, George Klassen, a indiqué que son client et lui souhaitaient retirer l'appel. Pour les raisons exposées précédemment, j'ai donc consenti à ce que l'appelant retire son appel.
Toutefois, la preuve concernant les réponses que l'appelant a faites aux questions de l'enquêteur de la Commission demeure pertinente pour ce qui est des autres appels concernant l'entreprise Pacific Coast Cedar Products Limited, qui appartient à la famille de George Klassen et à d'autres personnes.
David G. Riche
Juge-arbitre
St. John's (Terre-Neuve)
Le 4 décembre 2002