EN VERTU de la LOI sur L'ASSURANCE-EMPLOI
et
RELATIVEMENT à une demande de prestations par
Kerry PIERRE LOUIS
et
RELATIVEMENT à un appel interjeté par la Commission de l'assurance-emploi du Canada auprès d'un Juge-arbitre à l'encontre de la décision du Conseil arbitral rendue le 9 juillet 2003 à Montréal, Québec
DÉCISION
André Quesnel, juge-arbitre :
La Commission a refusé de verser les prestations demandées parce que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite.
Le conseil arbitral a renversé cette décision, d'où le présent appel.
La Commission plaide que le conseil arbitral a erré en fait et en droit en décidant comme il l'a fait.
Le prestataire a été congédié à la suite d'absences non motivées. Il avait reçu des avertissements concernant son manque d'assiduité au travail et il avait déjà été suspendu. À la suite d'une journée de repos, alors qu'il travaillait la nuit, il a été invité, tôt le lendemain, à se rendre au travail, alors qu'il y avait une opportunité qui s'offrait pour du travail de jour suite au désir qu'il avait formulé à cet effet. Il a accepté à la condition qu'on vienne le chercher; cette condition lui a été refusée.
N'ayant pas apprécié le comportement de son supérieur à son égard, et parce qu'il était fâché il a décidé de demeurer chez lui. Il a alors appelé le patron qui lui a recommandé de prendre du temps off pour réfléchir. Il est demeuré en attente d'un appel de son patron pendant une semaine. Il l'a de nouveau appelé pour savoir ce qui se passait et c'est alors qu'il a appris qu'il était congédié. 1
Après avoir pris connaissance de la preuve au dossier et entendu les témoignages dont la transcription est déposée, le conseil arbitral a conclu qu'il y avait des contradictions. Il devait choisir entre la preuve de la Commission et celle du prestataire. Il a opté pour retenir celle du prestataire en concluant que le congédiement pour cause, basé sur le comportement de l'employé ne constituait pas nécessairement de l'inconduite au sens de la Loi.
Une telle conclusion n'est pas erronée si on prend connaissance du témoignage d'une dame Bovy, la responsable des ressources humaines chez l'employeur, celle qui avait appelé le prestataire pour lui offrir de reprendre le travail de jour. Elle affirme 2 qu'il n'y avait pas d'autre motif de congédiement que celui d'avoir fait défaut de se présenter tel que demandé. À noter que la version du prestataire au sujet de son entretien avec son patron n'a pas été contredite.
Le rôle du conseil arbitral consiste à apprécier la preuve; c'est lui qui est le maître des faits. La Cour d'appel fédérale 3 a souvent émis cette opinion; l'extrait suivant l'illustre bien :
« De toute façon, dans tous les cas, c'est le conseil arbitral- le pivot de tout le système mis en place par la Loi pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation - qui est celui qui doit apprécier. Le conseil arbitral ici, sur la base des faits qu'il avait constatés et des témoignages qu'il avait entendus, avait refusé d'admettre que les manquements du requérant, même considérés ensembles, aient pu constituer de l'inconduite au sens de l'article 28 de la Loi, peu importe que l'employeur ait pu trouver là matière à congédiement. Le juge-arbitre, d'après nous, ne pouvait pas rejeter cette conclusion du Conseil sur la seule base d'un raisonnement qui, en somme, ne fait que donner pleine priorité aux vues de l'employeur. »
La même Cour avait déjà précisé qu'il n'appartenait pas à un juge-arbitre ce substituer son opinion à celle d'un conseil arbitral en pareille matière 4 :
« Il ressort clairement de la décision du conseil que l'opinion majoritaire et l'opinion minoritaire avaient toutes deux été examinées à fond. Certes, les tenants de l'opinion majoritaire auraient pu conclure autrement, mais ils ont choisi de ne pas croire la prétention de l'intimé portant qu'il avait quitté son emploi en raison de sa santé. La juge-arbitre ne pouvait substituer son opinion à celle de la majorité. Les membres du conseil étaient les mieux placés et les mieux en mesure d'apprécier la preuve et de tirer des conclusions relativement à la crédibilité. »
Le fait que le prestataire ait mal interprété les paroles de son patron qui lui a conseillé de prendre du temps « off » pour réfléchir, ne constitue pas de l'inconduite de sa part. En ce sens, la décision du conseil arbitral, à la lumière de la preuve, ne m'apparaît pas erronée au point qu'il me faille intervenir pour la modifier.
En conséquence l'appel de la Commission est rejeté.
André Quesnel
juge-arbitre.
Montréal, Québec,
le 2 mars 2004.
1 voir transcription du témoignage du prestataire pp. 33 et 34