EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
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RELATIVEMENT à une demande de prestations par
ROGER RICHARDSON
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RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par La Commission de la décision d'un conseil arbitral rendue le 17 juin 2003, à Bathurst, Nouveau-Brunswick
DÉCISION
LE JUGE-ARBITRE DUBÉ
La Commission en appelle d'une décision du Conseil arbitral infirmant une décision de la Commission à l'effet que le prestataire n'a pas accumulé le nombre suffisant d'heures d'emploi assurable pour établir une demande de prestations.
La question centrale ici est de déterminer le lieu de résidence habituel du prestataire, soit Moncton, N.B. où il travaillait, où Leech, N.B., le village d'où il venait.
La réponse est importante puisque le taux de chômage de la région économique de Moncton, soit 7,7 %, ne lui permettait pas de se qualifier alors que le taux plus élevé de sa région originaire de Leech lui ouvrait le droit aux prestations.
Les faits au dossier indiquent que le prestataire a déposé le 13 mars 2003 au bureau de Moncton une demande initiale de prestations dans laquelle il indiquait que son lieu de résidence habituelle était le même que son adresse postale, soit Moncton. Deux relevés d'emploi joints à sa demande indiquent que l'adresse du prestataire est le X, * Moncton, N.B., soit la même qu'indiquée sur sa demande relative à sa disponibilité.
Le 28 mars suivant, le prestataire demande une révision de son dossier indiquant qu'il demeure chez ses parents à Leech dans la région de Tracadie. Il ajoute qu'il loue un appartement à Moncton aux fins de son travail. Il fournit son permis de conduire émis en novembre 2002 indiquant que son adresse est à Leech. Il présente également des documents relatifs à ses rapports d'impôts pour les années 2000 et 2001 qui lui sont acheminés sur la X * à Leech.
Dans un entretien subséquent avec la Commission, le prestataire déclare le 23 avril 2003 qu'il détient un bail et qu'il partage son appartement à Moncton avec un co-locataire, il ajoute être retourné à Leech quelques semaines après le dépôt de sa demande de prestations et voyage entre Leech et Moncton pour se chercher du travail. Il indique qu'il doit prochainement retourner à Moncton où il s'est trouvé un emploi qui doit débuter en mai. Pour accommoder le prestataire, la Commission a changé son adresse postale de Moncton à Leech et par lettre en date du 25 avril 2003, l'a avisé à Leech qu'aucun changement n'avait été apporté à la décision originale.
Devant le Conseil arbitral le prestataire a indiqué qu'il travaillait à Moncton où il avait pris un appartement avec un autre travailleur et que sa demeure principale était à Tracadie (Leech). La preuve au dossier indique que les lettres de la Commission sont adressées à Leech, N.B. Le Conseil arbitral en a donc conclu que le lieu de résidence du prestataire était à Leech, N.B.
L'alinéa 17(1)a) du Réglement stipule que :
« Sous réserve du paragraphe (2), le taux régional de chômage applicable au prestataire est la moyenne des taux de chômage mensuels désaisonnalisés de la dernière période de trois mois pour laquelle des statistiques ont été produites par Statistiques Canada qui précède la semaine visée au paragraphe 10(1) de la Loi :
a) pour l'application des articles 7, 7.1, 12 et 14 et de la partie VIII de la Loi, à l'égard de la région où le prestataire avait, durant cette semaine, son lieu de résidence habituel.
Il s'agit donc de déterminer la signification de l'expression « lieu de résidence habituel » qui n'est pas définie dans les dispositions législatives. La jurisprudence en espèce sert à clarifier la situation.
Le 20 août 1993, dans l'affaire Tony McQuew (CUB 21968) le juge Strayer établissait les principes de base suivants :
Le critère servant à établir le « lieu de résidence habituel » implique la considération de faits tant subjectifs qu'objectifs. De plus, ce critère doit être appliqué à la situation qui existait au cours de la semaine pertinente, celle de la présentation de la demande de prestations.
Le 26 juin, 1998, je juge Rothstein dans l'affaire Cusick (CUB 39885A) émet cette conclusion relativement à un prestataire d'Ottawa qui travaillait à Kingston.
Je crois qu'une personne ne peut avoir qu'un seul lieu de résidence habituel à la fois. Dans le cas présent, les preuves nous indiquent clairement que c'était Ottawa. Habiter à Kingston dans une maison de pension durant la semaine de travail ne fait pas de cette ville l'endroit où une personne habite habituellement. L'endroit où l'appelant habite habituellement était Ottawa.
Le 10 septembre, 1999, le juge-arbitre Forget avait à décider l'appel d'un prestataire qui alléguait que sa résidence était celle de ses parents à Edmundston alors qu'il travaillait à Shédiac Bridge où il s'était fait construire une maison à l'aide d'un emprunt de plus de 100 000,00 $. Le juge-arbitre a confirmé la décision du Conseil arbitral que c'était bien Shédiac Bridge et non Edmundston qui était son lieu de résidence habituel.
Telle n'est pas la situation du prestataire Richardson qui a loué avec un copain un appartement à Moncton pour s'approcher de son travail. C'est à la résidence de ses parents qu'il est retourné à la suite de sa perte d'emploi à Moncton. Il faut retenir que l'article 17 du Réglement établit une distinction claire et nette entre l'endroit où le prestataire travaille et la région où il a son lieu de résidence habituel. Parce qu'un prestataire travaille à Moncton, il n'est pas nécessairement un résident habituel de cette ville. Il peut venir de la région avoisinante et être un résident habituel de cette région.
De plus, l'article 17, vu dans son ensemble favorise le prestataire. A titre d'exemple, l'alinéa 17(2) prévoit que lorsque le prestataire visé à l'alinéa 1a) a son lieu de résidence habituel si près des limites d'au moins deux régions qu'il ne peut être déterminé avec certitude dans quelle région il habite, le taux régional du chômage qui lui est applicable est le plus élevé des taux des régions en cause. En d'autres mots, le taux le plus favorable au prestataire. Il en va de même à l'alinéa 17(3) qui prévoit que lorsque le prestataire visé à l'alinéa 1(b) a exercé son dernier emploi assurable au Canada si près des limites d'au moins deux régions, le taux régional de chômage qui lui est applicable est le plus élevé des deux régions en cause. Il semble donc que le législateur a voulu indiquer qu'en cas de doute, le prestataire doit être favorisé.
La ratio decidendi de la décision du Conseil arbitral se limite à ce paragraphe :
Le prestataire nous dit qu'il travaillait à Moncton mais il nous dit que sa demeure principale est à Tracadie. La preuve au dossier nous montre pièce 7-3 et les lettres de la Commission sont toutes adressées à Leech, N.B. (Pièce 9-2) et (Pièce 11)
Les termes « résidence habituelle » ont été employés par le législateur pour distinguer une résidence coutumière d'une résidence temporaire. Un jeune homme qui vit habituellement chez ses parents ne vit que temporairement à l'endroit où il travaille jusqu'à ce qu'il déménage de chez lui pour s'établir ailleurs. C'est ce qu'à compris le Conseil arbitral quand il a décidé que la « demeure principale » du prestataire était chez ses parents à Leech (région de Tracadie).
Dans les circonstances, il n'y a pas lieu d'infirmer cette décision du Conseil arbitral attendu qu'il n'a pas erré en droit et n'a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronnée, absurde, arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
L'appel de la Commission n'est pas accueilli.
J.E. DUBÉ
JUGE-ARBITRE
OTTAWA, Ontario
Le 8 septembre 2004