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  • CUB 70103

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la Loi sur l'assurance-emploi

    - et -

    d'une demande de prestations

    - et -

    d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par la prestataire à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Burnaby (Colombie-Britannique) le 5 octobre 2007

    DÉCISION

    LE JUGE W.J. HADDAD, C.R., JUGE-ARBITRE

    La prestataire a présenté un avis d'appel et a demandé que le juge-arbitre rende une décision sur la foi du dossier.

    Le conseil arbitral s'est penché sur les deux questions suivantes :

    1) La prestataire a-t-elle quitté volontairement et sans justification son emploi pour une corporation le 17 mai 2007?

    2) La prestataire a-t-elle accumulé suffisamment d'heures d'emploi assurable pour être admissible au bénéfice des prestations d'assurance-emploi?

    En ce qui concerne la question 1), les dispositions législatives applicables sont celles de l'alinéa 29c) et du paragraphe 30(1) de la Loi sur l'assurance-emploi, dont voici le libellé:

    « 29c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas [...] »

    (Aucune des « circonstances » énumérées ne s'applique en l'espèce.)

    « 30(1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s'il perd un emploi en raison de son inconduite ou s'il quitte volontairement un emploi sans justification [...] »

    Je comprends la situation de la prestataire, mais je dois avouer qu'à la première lecture du dossier, j'ai cru que l'appel devait être rejeté. Toutefois, après l'avoir examiné plus en détail, j'ai changé d'avis et j'ai décidé de l'accueillir.

    La prestataire travaillait pour l'arrondissement scolaire comme assistante en éducation spécialisée. Elle a été mise à pied à la fin du mois de juin 2007 et a présenté une demande initiale de prestations, qui a pris effet le 1er juillet 2007.

    La prestataire travaillait pour l'arrondissement scolaire cinq jours par semaine, à raison de 26 heures par semaine. Elle touchait un salaire horaire de 22,27 $.

    Au mois d'octobre 2006, un projet d'agrandissement d'une corporation de Langley (Colombie-Britannique) a été mis en branle, et la prestataire a été engagée le 6 octobre 2006 pour y prendre part, jusqu'au 31 mars 2007. Cet emploi a été prolongé à quelques reprises jusqu'à la grande ouverture, qui a eu lieu au mois de mai 2007. La prestataire a continué à travailler encore une semaine, puis elle a quitté son emploi parce qu'elle jugeait qu'avec deux emplois, son horaire était trop chargé. On lui a offert de continuer à travailler chez la corporation quatre jours par semaine à raison de quatre heures par jour pour combler les moments où elle n'enseignait pas, mais la prestataire a refusé.

    La Commission a déterminé que la prestataire aurait dû conserver cet emploi pendant les six semaines précédant la fin de l'année scolaire, afin de pouvoir continuer à travailler pendant la période où les enseignants sont mis à pied, soit pendant les mois de juillet et d'août. S'appuyant sur ce raisonnement, la Commission a conclu que la prestataire avait quitté volontairement et sans justification son emploi chez la corporation, parce qu'elle n'avait pas démontré qu'elle n'avait d'autre solution raisonnable que d'agir ainsi. Selon les dispositions de l'alinéa 29c), il s'agit du critère à utiliser. La Commission a également conclu que la prestataire n'avait pas accumulé suffisamment d'heures d'emploi assurable depuis qu'elle avait quitté son emploi chez la corporation pour être admissible au bénéfice des prestations.

    Dans sa demande de prestations, la prestataire a indiqué qu'elle allait reprendre son emploi pour l'arrondissement scolaire, ce qui signifie hors de tout doute qu'elle allait recommencer à travailler dès le début de l'année scolaire suivante.

    Le conseil arbitral et la Commission ont estimé que les deux emplois de la prestataire étaient des emplois à temps partiel, et ils n'ont pas reconnu le fait que la prestataire n'avait accepté de travailler que temporairement chez la corporation (jusqu'au 31 mars 2007), mais que cet emploi s'était finalement prolongé jusqu'à la grande ouverture du magasin (au mois de mai). La prestataire considérait son emploi d'enseignante comme un travail à temps plein, et elle a réalisé qu'il lui était trop difficile d'occuper deux emplois. Il semble que le conseil n'ait pas tenu compte de ces facteurs. Voici une partie des observations écrites présentées par la prestataire au conseil arbitral en août 2007 :

    « En ce qui concerne mon emploi chez la corporation, j'avais cru comprendre que ce serait pour une courte période, étant donné que je travaillais déjà à temps plein pour l'arrondissement scolaire. Le magasin était en rénovation, et comme j'y avais travaillé quelques années auparavant et que je possédais certaines compétences dans le domaine de la présentation de marchandises, on m'a demandé si j'étais intéressée à apporter mon aide pendant les rénovations. J'ai répondu (à X *) que je voulais bien, mais que ce ne serait que pour une courte période, car mon autre emploi et ma famille occupaient déjà une bonne partie de mon temps. Au moment où j'ai quitté mon emploi chez la corporation, c'est-à-dire beaucoup plus tard que ce que j'avais souhaité au départ, comme il était devenu très stressant pour moi de travailler [...] »

    [Traduction]

    La prestataire a également fait parvenir au conseil arbitral, en date du 11 août 2007, les précisions suivantes :

    « La présente contient des renseignements supplémentaires concernant mon dossier.

    J'ai lu toute l'information figurant dans mon dossier d'appel et j'ai discuté de certaines questions juridiques avec mon employeur, (l'arrondissement scolaire); je peux donc maintenant vous fournir certains renseignements supplémentaires concernant mon emploi.

    J'ai parlé à X * (avocate - arrondissement scolaire) et je suis maintenant en mesure de vous donner plus d'information sur les raisons pour lesquelles j'étais si prise par mon travail, à un point tel que je ne pouvais continuer à travailler chez la corporation, même pour six semaines supplémentaires. J'agis comme témoin dans une affaire criminelle impliquant un enseignant. Au moment ou j'ai quitté mon emploi pour la corporation, je devais participer à de nombreuses réunions relatives à cette affaire. J'ai d'ailleurs joint une copie de mon assignation à témoigner. Si vous désirez obtenir plus de renseignements à propos de ce dossier criminel, vous pouvez communiquer avec X *.

    La corporation ne m'a pas laissé d'autre choix que de quitter mon emploi. J'ai l'intention de faire carrière en enseignement, à titre d'aide-enseignante pour l'arrondissement scolaire, et je cherche activement du travail chaque fois que je suis mise en disponibilité. »

    [Traduction]

    Le conseil arbitral a conclu que la prestataire n'avait pas prouvé qu'il lui était impossible de continuer à occuper deux emplois pour six semaines supplémentaires, parce qu'elle n'a fourni aucune preuve d'ordre médical pour démontrer qu'elle avait dû quitter son emploi pour des raisons de santé.

    Dans la plupart des cas, le prestataire doit fournir un billet médical pour que le stress soit accepté comme justification. Il ne s'agit toutefois pas d'une règle établie. Un tribunal chargé d'établir les faits dans une affaire peut très bien considérer que les circonstances entourant l'emploi d'une personne entraînent un niveau de stress suffisamment élevé pour justifier que celle-ci quitte volontairement son emploi. Lorsqu'il ne fait aucun doute que la personne vit une situation stressante qui a une incidence sur son emploi régulier, il n'est pas nécessaire qu'une preuve médicale soit fournie pour en établir l'existence. La preuve présentée par la prestataire pour démontrer qu'au moment de l'année où elle a quitté son emploi chez la corporation, ses tâches d'enseignement lui demandaient beaucoup de temps, n'a pas été prise en considération.

    La prestataire aurait pu choisir de refuser l'emploi qu'on lui offrait chez la corporation, et si tel avait été le cas, elle aurait de toute évidence été admissible au bénéfice des prestations à la fin de l'année scolaire, soit en juin 2007. En acceptant de travailler temporairement pour la corporation, elle a été pénalisée en se voyant refuser l'admissibilité au bénéfice des prestations.

    La Commission et le conseil arbitral ont considéré le poste temporaire de la prestataire comme une sorte d'emploi à temps partiel permanent, et ils ont refusé de reconnaître son poste d'enseignante comme un emploi à temps plein, emploi qu'elle avait d'ailleurs l'intention de reprendre le 4 septembre 2007. En adoptant ce point de vue, le conseil arbitral a commis une erreur. Il a déterminé que la prestataire était tenue de garder son emploi temporaire jusqu'à ce qu'elle reprenne son poste d'enseignante au mois de septembre.

    Si l'emploi chez la corporation pouvait être considéré comme un emploi à temps partiel, le conseil n'a cependant pas tenu compte de toutes les explications de la prestataire, qui a indiqué que le fait d'occuper deux emplois en même temps était devenu difficile à gérer et stressant, et que ses tâches d'enseignement lui demandaient beaucoup de temps. D'ailleurs, l'enseignement constituait assurément une priorité pour elle. En outre, le conseil n'a pas tenu compte des éléments de preuve supplémentaires contenus dans les observations fournies le 11 août 2007, et dans lesquelles la prestataire précise que certains éléments ont ajouté à la lourdeur de sa tâche d'enseignement. Compte tenu de toutes les raisons données pour justifier sa démission et du caractère sérieux de celles-ci, la prestataire n'avait d'autre solution raisonnable que de quitter son emploi chez la corporation, selon les critères énoncés à l'alinéa 29c). La prestataire a prouvé qu'elle était fondée à quitter son emploi. Le conseil aurait dû prendre tous les facteurs en considération et en ne le faisant pas, il a commis une erreur de droit. De plus, il a rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

    Si l'on se base sur son emploi pour l'arrondissement scolaire, la prestataire a accumulé suffisamment d'heures d'emploi assurable pour être admissible au bénéfice des prestations.

    Pour les raisons susmentionnées, l'appel est accueilli.

    « W.J. Haddad »

    W.J. Haddad, c.r. - Juge-arbitre

    Edmonton (Alberta)
    Le 26 février 2008




    * Protection des renseignements conformément à la partie 4 de la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences.

    2011-01-16