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  • CUB 70740

    CUB CORRESPONDANT : 70739

    EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par la prestataire de la décision d'un conseil arbitral rendue le 6 mars 2007 à Rimouski, Québec

    DÉCISION

    GUY GOULARD, Juge-arbitre

    La prestataire a présenté une demande de prestations le 1er septembre 2006 et a remis deux relevés d'emploi. Le premier relevé d'emploi indiquait qu'elle avait travaillé du 13 avril au 26 août 2006 quand elle avait été mise à pied en raison d'un manque de travail. Le deuxième relevé d'emploi indiquait qu'elle avait travaillé du 26 août 2005 au 25 août 2006. Une période de prestations fut établie à compter du 17 septembre 2006. La Commission détermina par la suite que la prestataire n'était pas disponible pour le travail en raison du fait qu'elle suivait un cours de formation de sa propre initiative et n'avait travaillé qu'en dehors de son horaire de cours, soit seulement les vendredis. La Commission a imposé une inadmissibilité indéfinie à compter du 15 janvier 2007 en vertu du paragraphe 18(a) de la Loi sur l'assurance-emploi.

    La prestataire en appela de la décision de la Commission devant un conseil arbitral qui a rejeté l'appel. Elle porta la décision du conseil en appel devant un juge-arbitre. Cet appel a été entendu à Matane, Québec le 29 mai 2008. La prestataire était présente et elle était représentée.

    Les faits dans ce dossier ont établi que la prestataire avait débuté un cours de formation au CEGEP de Gaspé en Technique en Travail Social. Elle demeurait à Gaspé durant la semaine et revenait chez-elle à Matane en fin de semaine où elle travaillait à temps partiel. Les cours de la prestataire se donnaient en avant-midi et en après-midi du lundi au jeudi et en avant-midi le vendredi. Le coût total du cours s'élevait à 2 200,00$. Elle avait indiqué qu'elle serait prête à abandonner son cours pour accepter un emploi à temps plein. La prestataire avait indiqué qu'elle était allée au Centre local d'emploi à Gaspé et avait laissé un CV chez un employeur dont elle ne se souvenait pas du nom. Elle avait aussi demandé à des collègues de classe à l'égard de possibilités d'emploi et elles avaient indiqué qu'aucun emploi n'était disponible. La prestataire avait indiqué qu'elle n'était pas allée voir d'employeur directement. Elle a aussi indiqué qu'elle avait toujours son emploi saisonnier pour l'été sur un traversier. Elle avait souligné que son but était d'améliorer sa situation afin de ne pas avoir à recourir au système d'assurance-emploi toute sa vie.

    Dans sa lettre d'appel au conseil arbitral, la prestataire a indiqué que depuis le 15 janvier 2007 elle avait effectué plusieurs démarches pour se trouver un emploi et qu'elle avait rencontré personnellement plusieurs employeurs. Aucun d'eux ne lui avait offert un emploi malgré sa grande disponibilité de jour, soir et nuit. Elle a souligné le très haut taux de chômage à Gaspé. Elle a réitéré sa disponibilité et a indiqué qu'elle avait deux emplois. Elle a soumis 14 attestations d'employeurs qu'elle avait contactés les 7 et 8 février 2007, confirmant qu'il n'y avait pas de disponibilité d'emploi.

    À la pièce 7, un agent de la Commission avait indiqué qu'on avait communiqué avec certains des employeurs qui avaient signé les attestations de non disponibilité d'emploi. La Commission avait souligné que les documents d'attestation avaient été préparés par la prestataire qui avait demandé aux employeurs de signer. Une des employeurs avaient indiqué que l'attestation était une confirmation qu'il n'y avait pas de disponibilité à ce moment mais qu'elle ne pouvait pas prévoir ce qui pourrait arriver dans le futur.

    À la pièce 8, on retrouve les commentaires d'une recherchiste en information sur le marché de travail au Centre Service Canada Rimouski. La recherchiste indique que les possibilités d'emploi dans le commerce de détails comme commis-vendeurs ou caissier sont assez bonnes pour la région de Matane suite à la venue de grandes entreprises de fabrication et l'ouverture d'un Wal-Mart. Elle indique que ces possibilités d'emploi sont plus limitées dans la région de Gaspé mais que le taux de roulement de la main d'oeuvre et de départs à la retraite peut toutefois créer certains débouchés. Elle souligne qu'une partie des postes sont à temps plein alors que beaucoup sont à temps partiel, surtout le soir et les fins de semaines.

    La prestataire s'est présentée devant le conseil arbitral et a réitéré qu'elle travaillait toujours à son emploi temporaire et qu'elle allait reprendre son emploi saisonnier à l'été. Elle a indiqué qu'elle n'avait que 17 heures de cours par semaine ce qui lui laissait beaucoup de disponibilité pour travailler. Elle a souligné son désir de se trouver un emploi et ses efforts pour s'en trouver un. Elle a réitéré qu'elle était disponible pour travailler et qu'elle laisserait sa formation pour un emploi convenable.

    Le conseil arbitral a revu la preuve et a rejeté l'appel de la prestataire pour les motifs suivants :

    « La disponibilité est une question de fait qui repose sur le désir du prestataire de retourner sur le marché du travail aussitôt qu'un emploi convenable lui est offert.

    Ce désir s'exprime par des efforts raisonnables et constants pour se trouver un emploi convenable le plus rapidement possible.

    Pour être disponible, il faut éviter de restreindre ses chances d'emploi par des conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances d'emploi.

    Resituons les choses dans leur contexte. L'assurance-emploi avait accepté de payer des prestations de chômage pendant l'automne pour permettre à la prestataire de prouver sa disponibilité et son goût à travailler par une recherche active d'emploi (pièce 1).

    Or, pendant cette période, la prestataire n'a posé qu'un seul geste de recherche d'emploi, soit demander à ses consoeurs et confrères d'étude s'il y avait des possibilités d'emploi dans les entreprises où ils travaillent.

    Devant une réponse négative, elle n'a posé aucun autre geste de recherche d'emploi de manière personnelle. Donc, très faible motivation à se chercher un emploi pendant cette période cruciale.

    Pour le conseil arbitral, elle n'a vraiment pas répondu aux exigences de la Commission à ce moment, ce qui lui a mérité une coupure définitive des prestations à partir du 15 janvier.

    La prestataire dit que depuis janvier 2007, elle a 17 heures de cours/semaine sur 4 jours.

    Selon l'article 18 de la Loi et la jurisprudence, la prestataire n'est pas disponible à travailler durant les heures normales de travail.

    Dans son témoignage, la prestataire explique clairement qu'elle a un emploi saisonnier à Matane. Le salaire des emplois au salaire minimum ne peut concurrencer celui qu'elle a dans son emploi saisonnier à Matane.

    Le CUB 27376 fait état que « pour être admissible à des prestations d'assurance-chômage, un prestataire doit être disponible pour travailler. L'admissibilité suppose la volonté de travailler dans des conditions normales, sans limiter indûment ses débouchés d'emploi ».

    En appel de la décision du conseil arbitral, la prestataire et son représentant ont soumis que le conseil arbitral avait négligé de prendre toute la preuve en considération en déterminant que la prestataire n'avait pas démontré sa disponibilité pour travailler. Ils ont souligné que la prestataire avait démontré par sa conduite qu'elle avait toujours voulu travailler et avait maintenu deux positions tout en suivant ses cours. Quand on lui avait indiqué qu'elle devait présenter des preuves de recherches d'emploi, elle est allée voir un nombre d'employeurs qui ont confirmé la non disponibilité de travail. La prestataire a aussi soumis que le conseil avait omis de prendre en considération son témoignage à l'effet qu'elle aurait laissé son cours si elle s'était trouvé un bon emploi mais qu'il n'y avait rien de disponible. Elle a réitéré qu'elle avait toujours travaillé cumulant souvent plus d'un emploi et qu'elle avait été insultée d'être accusée de ne pas avoir le désir de travailler.

    Je suis d'avis que le conseil arbitral a erré en fait et en droit dans sa décision. En premier lieu, je souligne que le conseil avait mentionné que la Commission avait reconnu la disponibilité de la prestataire durant la période depuis le début de son cours en septembre 2006 jusqu'au mois de janvier quand la Commission, sans avertissement à la prestataire, a déterminé qu'elle n'avait pas fait suffisamment de démarches pour se trouver un emploi. Il est de jurisprudence bien établie que la Commission doit avertir une prestataire qu'elle doit élargir ses recherches d'emploi avant d'imposer une inadmissibilité fondée sur des recherches insuffisantes (CUBs 15389, 15680, 19058 et 51916). Dans le CUB 15389, le juge Teitlebaum avait écrit :

    « Au CUB 12842, monsieur le juge Cullen réitère le principe qu'un prestataire devrait recevoir un avis et avoir l'opportunité de corriger la situation existante :

    "First, it is not proper to disqualify the claimant for these reasons without first warning her that too restrictive a search may affect her right to benefits. If there is a problem with her claim, surely the claimant has a right to be the first to know.
    At any rate, a claimant should be given an opportunity to correct these things before he/she is simply cut off."

    Je suis d'accord avec ce principe. En l'espèce, le prestataire n'a pas été averti et on ne lui a pas accordé un délai raisonnable pour se trouver un autre genre de travail. »

    Et dans le CUB 19058, qui malheureusement n'a pas été traduit, le juge MacKay avait écrit:

    In my view the process followed by the Commission in this case was unfair to the claimant. He was treated, after he began his second year studies in September 1988, as though his claim for benefit was an initial claim, not one that had been established. A claimant who has been supported on benefit under an established claim and who continues to conduct an active search for work is entitled to notice and a reasonable opportunity to extend his search before benefits are withdrawn by disentitlement. In CUB 14701, Mr. Justice Jerome, the Chief Umpire, said that fairness or natural justice requires that "a person who has been receiving benefits and who is therefore presumably conducting an adequate job search must be given some warning before the Commission stops the flow of benefits on the basis of an inadequate job search". In my view, the same requirement exists when restrictions on availability, to limited hours, are in issue, and the claimant with an established claim continues an active job search.

    Deuxièmement, le conseil arbitral a erré dans sa détermination de faits. Il ignoré la preuve de la prestataire à l'égard de son désir de travailler tel qu'établi par sa conduite. Plus encore, le conseil a omis de prendre en considération le témoignage répété de la prestataire à l'effet qu'elle aurait été prête à quitter son cours si elle s'était trouvé un bon emploi.

    En conséquence, l'appel de la prestataire est accueilli. La décision du conseil arbitral est annulée. La preuve au dossier me permet de rendre la décision qu'aurait dû rendre le conseil. La prestataire avait établi sa disponibilité pour travailler. Elle avait démontré un désir de travailler. Elle s'était non seulement recherché un emploi, elle travaillait à deux emplois. Elle avait démontré qu'elle aurait voulu travailler plus d'heures mais, compte tenu de la situation dans les deux régions où elle partageait son temps, il y avait un très sérieux problème de manque d'emploi. En conséquence l'appel de la prestataire de la décision de la Commission est accueilli.

    Guy Goulard

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA, Ontario
    Le 26 juin 2008

    2012-01-06