TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
et
d'une demande de prestations présentée par
A.B.
et
d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par l'employeur, Surfwood Supply (1964) Ltd., à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Burnaby (Colombie-Britannique) le 23 octobre 2009
Denis Durocher, juge-arbitre
La Commission a refusé de verser au prestataire, M. A.B., des prestations d'assurance-emploi au motif qu'il avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Le conseil arbitral a accueilli l'appel en déclarant qu'il ne pouvait préférer ni les éléments de preuve présentés par la Commission, ni ceux présentés par le prestataire.
L'employeur du prestataire porte cette décision en appel au motif que le prestataire a fait de fausses déclarations à l'audience.
Les faits sont relatés correctement par le conseil arbitral. L'employeur a envoyé le prestataire suivre un cours de formation à Calgary. Selon ses déclarations et les éléments de preuve présentés, le prestataire a reçu un appel téléphonique de sa femme disant qu'elle était malade. Le prestataire a avisé le directeur de cours et il est parti. Il a également laissé des messages à son employeur. À son retour, on lui a remis une lettre de congédiement (pièce 18.2).
L'employeur nie avoir reçu ces messages. Quant à l'avis que le prestataire aurait donné au directeur de cours, M. C.D. (le président de l'employeur), a contacté le directeur de cours après l'audience. La lettre disait que le prestataire ne l'avait pas avisé de son départ. L'employeur a joint la lettre (non datée) confirmant cette déclaration à l'avis d'appel devant le juge-arbitre (pièce 24.3).
Le présent appel ne peut être accueilli pour plusieurs raisons. Le juge-arbitre ne peut recevoir et examiner de nouveaux éléments de preuve qui n'ont pas été portés à la connaissance du conseil arbitral, car il ne s'agit pas d'une procédure « de novo », mais plutôt d'un contrôle judiciaire (1).
De plus, les éléments de preuve présentés ne peuvent légalement être qualifiés de « nouveaux ». De tels éléments de preuve ne doivent pas avoir été disponibles au moment de l'audience. « Disponibles », ici, signifie que les éléments de preuve existaient déjà au moment de l'audience, et qu'ils pouvaient être obtenus par des moyens raisonnables, à temps pour l'audience. Ils doivent également être pertinents, essentiels et importants pour la décision : en d'autres termes, s'ils avaient été connus et présentés, la décision aurait pu être différente.
Le dossier et la décision du conseil montrent clairement que ces renseignements pouvaient facilement être obtenus auprès du directeur de cours. Un directeur de l'employeur déclare que le directeur de cours lui a dit que le prestataire « ne s'est pas présenté » [Traduction] au cours après le premier jour. Aucune raison n'a été fournie au formateur et le prestataire ne l'a plus contacté. Cette conversation a eu lieu le 2 ou le 3 avril 2009, selon les pièces 6 et 24.3, avant le congédiement du prestataire. Elle était disponible.
Il semble également que sa décision ait été fondée sur le fait que le prestataire avait abandonné son emploi (voir la pièce 18.2), et sur des incidents précédents (pièces 18.3 et 18.4). Que le prestataire ait avisé ou non le directeur de cours ne semble pas avoir été un facteur pertinent et important dans son congédiement. L'employeur n'a pas vérifié non plus si la femme du prestataire était (ou non) malade, et assez gravement pour justifier que le prestataire quitte le cours.
La Commission n'a pas vérifié spécifiquement l'affirmation du prestataire concernant cet élément, même s'il était disponible.
Dans l'affaire telle qu'elle a été présentée, c'est à la Commission qu'il revenait de s'acquitter de la charge de la preuve. Le conseil arbitral a analysé, examiné et évalué tous les éléments de preuve et les faits pertinents présentés par toutes les parties, et ceux qui figuraient au dossier. Il a décidé qu'il ne pouvait préférer « un ensemble de faits plutôt qu'un autre » [Traduction], et estimer plus crédible « une version des faits plutôt qu'une autre » [Traduction]. C'est donc à bon droit que le conseil a déclaré qu'il fallait accorder le bénéfice du doute au prestataire, conformément au paragraphe 49(2) de la Loi sur l'assurance-emploi. Le conseil avait des motifs raisonnables de conclure que la Commission ne s'était pas acquittée de la charge de prouver que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite.
Les éléments de preuve que présente maintenant l'employeur et appelant, s'ils étaient acceptés, toucheraient la crédibilité du prestataire. Il semble, dans la décision qu'il a rendue, que le conseil arbitral ait cru l'affirmation du prestataire selon laquelle il avait avisé le directeur de cours. On a souvent statué qu'un juge-arbitre ne doit pas intervenir dans la décision d'un conseil sur une question de crédibilité, à moins que la décision ne soit pas défendable à la lumière de la preuve portée à sa connaissance (2). Un juge-arbitre ne peut modifier la conclusion d'un conseil sur une question de crédibilité quand elle est appuyée par les éléments de preuve, même s'il pourrait parfois être porté à en arriver à une autre conclusion.
En conséquence, pour tous ces motifs, l'appel doit être rejeté.
Cependant, il convient de signaler que c'est l'inconduite du prestataire, au sens où l'entend la Loi sur l'assurance-emploi, qui n'a pas été prouvée. Cela ne signifie pas que l'employeur n'avait pas de motifs de congédier le prestataire. Ce n'est pas ce que dit la présente décision, ni celle du conseil arbitral.
Denis Durocher
JUGE-ARBITRE
ST-BRUNO-de-MONTARVILLE (Québec)
Le 5 juillet 2010
(1) Canada c. Taylor (1991) A.C.F. no 508 P.G. c. McCarthy (1994) A.C.F. no 1158