EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
RELATIVEMENT à une demande de prestations par
O.H.
- et -
RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par la
Commission de la décision d'un conseil arbitral rendue
le 19 janvier 2010 à St-Jérôme, Québec
GUY GOULARD, juge-arbitre
Le prestataire a travaillé pour JJL Déboisement Inc. jusqu’au 4 septembre 2009. Le 16 novembre 2009, le prestataire présenta une demande de prestations renouvelée qui fut établie à compter du 16 novembre 2009. Le 16 novembre 2009, le prestataire a demandé que sa demande soit antidatée au 4 septembre 2009. La Commission refusa d’antidater la demande parce que le prestataire n’avait pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant son retard à soumettre sa demande de prestations.
Le prestataire en appela de la décision de la Commission devant un conseil arbitral qui accueillit son appel. La Commission porta la décision du conseil devant le juge-arbitre. Cet appel a été entendu à Ste-Agathe-des-Monts, Québec le 4 octobre 2010. Le prestataire était présent.
Le prestataire avait fourni différentes explications pour son délai à présenter sa demande de prestations. Il s’attendait d’être rappelé et avait indiqué qu’il avait un historique de rappels après de nombreuses mises à pied; les rémunérations indiquées sur son relevé d’emploi n’étaient pas conforme à ce qu’il croyait être ses paies réelles. Il avait tenté de vérifier ses talons de chèques mais ceux-ci étaient chez son père qui était absent à la chasse pour une période prolongée. Il n’avait pas été rappelé le 1er novembre 2009 et avait alors réalisé que cette situation se prolongerait en raison de la situation économique. Il ajoutait qu’il ne savait pas qu’il n’avait que quatre semaines pour déposer une demande renouvelée et croyait qu’il pourrait demander que sa demande soit antidatée et ainsi récupérer les prestations pour la période de son délai.
Le prestataire a comparu devant le conseil arbitral et a réitéré les explications qu’il avait déjà fournies pour son délai à présenter sa demande renouvelée de prestations. Il a indiqué qu’il avait souvent déposé des demandes de prestations et qu’il attendait toujours d’avoir son relevé d’emploi. Il avait parfois dépassé la période de 28 jours dans ses soumissions de demandes et n’avait jamais subi de répercussions. Il avait éprouvé des difficultés avec une de ses demandes en raison du fait qu’il n’avait pas son relevé d’emploi. De plus, il avait eu des problèmes de communications lorsqu’il avait discuté de la question de son relevé d’emploi avec un agent de la Commission.
Le conseil arbitral a revu la preuve a accueilli l’appel du prestataire pour les motifs suivants :
« Le critère à appliquer est celui de savoir si le prestataire avait, pendant toute la période de retard, un motif valable pour tarder à présenter sa demande de prestations d’assurance-emploi. Autrement dit, le prestataire doit être capable de démontrer qu’il a fait ce que toute personne raisonnable placée dans sa situation aurait fait pour s’acquitter de ses obligations et faire valoir ses droits en vertu de la Loi.
Dans le cas qui nous occupe, il est évident que le prestataire a de l’expérience pour faire des demandes de prestations d’assurance-emploi, car il a complété des déclarations auparavant.
Par contre, lorsqu’un prestataire retarde de faire une demande de prestations dans les délais prévus, le Conseil arbitral doit prendre en considération tous les éléments qui nous sont apportés en preuve.
Le prestataire craignait avoir à vivre les mêmes problèmes que lors de sa dernière demande de prestations d’assurance-emploi. Il voulait s’assurer qu’il puisse comprendre et avoir les bons chiffres sur son relevé d’emploi de janvier 2009 à juillet 2009 avant de rejoindre la Commission. Il croyait être dans le vrai compte tenu qu’auparavant, il avait toujours attendu d’avoir son relevé d’emploi avant de faire ses demandes et voulait apporter à la Commission des preuves concrètes par ses talons de paye pour ne pas avoir à subir les délais qu’il avait vécus lors d’une demande précédente.
En prenant en considération tous les éléments nouveaux apportés par le prestataire sur les raisons de son retard, le Conseil s’est appuyé sur la jurisprudence pour rendre sa décision (CUB 65711 et CUB 56969). »
En appel de la décision du conseil arbitral, la Commission a soumis que le conseil avait erré en fait et en droit en concluant que le prestataire avait démontré un motif justifiant son retard à déposer sa demande de prestations. La procureure de la Commission a souligné que la jurisprudence a établi qu’il ne suffit pas de démontrer qu’un prestataire a agi de bonne foi pour établir qu’il avait un motif valable justifiant son délai à présenter une demande de prestations au sens du paragraphe 10(5) de la Loi sur l’assurance-emploi qui a été interprété de façon restrictive par la Cour d’appel fédérale dans McBride (A-340-08) et Brace (A-481-07). Je souligne que le délai à présenter une demande de prestations dans Brace était de 16 mois. Dans McBride, le juge Décary avait indiqué que le juge-arbitre ne pouvait intervenir que si la décision du conseil était déraisonnable et qu’il s’agissait là d’une question de fait.
La Cour d’appel fédérale a établi qu’il est nécessaire de prendre en considération toutes les circonstances qui ont mené le prestataire à retarder à présenter une demande de prestations et qu’il s’agit là d’une appréciation au moins en partie subjective de la situation. Le juge Marceau écrivait:
« A mon avis, lorsqu’un prestataire a omis de formuler sa demande dans le délai imparti et qu’en dernière analyse, l’ignorance de la loi est le motif de cette omission, on devrait considérer qu’il a prouvé l’existence d’un "motif valable" s’il réussit à démontrer qu’il a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable dans la même situation pour s’assurer des droits et obligations que lui impose la Loi. Cela signifie que chaque cas doit être jugé suivant ses faits propres et, à cet égard, il n’existe pas de principe clair et facilement applicable; une appréciation en partie subjective des faits est requise, ce qui exclut toute possibilité d’un critère exclusivement objectif. Je crois cependant que c’est là, ce que le législateur avait en vue et c’est, à mon avis, ce que la justice commande. »
(J’ai souligné)
Il a aussi été déterminé que plusieurs facteurs doivent être pris en considération dans la détermination de la question du motif d’un retard à présenter une demande de prestations:
Comme l’indiquait la Cour d’appel fédérale dans McBride (supra), je ne dois pas intervenir dans la décision du conseil arbitral à mois qu’il soit démontré que la décision du conseil arbitral était déraisonnable. Ce principe a aussi été souligné dans les arrêts suivants : Guay (A-1036-96), Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), McCarthy (A-600-93), Ash (A-115-94), Ratté (A-255-95) et Peace (A-97-03) où la Cour a établi qu'un juge-arbitre ne doit pas substituer son opinion à celle d'un conseil arbitral, sauf si sa décision lui paraît avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance.
Dans le dossier en l’espèce, le conseil a pris en considération toute la preuve dont il était saisi et sa décision est entièrement compatible à cette preuve et à l’interprétation judiciaire bien établie du paragraphe 10(5) de la Loi.
En conséquence, l’appel est rejeté.
Guy Goulard
JUGE-ARBITRE
OTTAWA, Ontario
Le 29 octobre 2010