JUGEMENT DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE
Date :
le 6 février 1995
Dossier :
A-352-94
Décision du juge-arbitre :
CUB 24616
« TRADUCTION »
CORAM :
LE JUGE STONE
LE JUGE LÉTOURNEAU
LE JUGE McDONALD
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,
Requérant,
- et -
MICHELLE SECOURS,
intimée.
AUDIENCE TENUE à Toronto (Ontario), le lundi 6 février 1995.
MOTIFS DU JUGEMENT
(Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario),
le lundi 6 février 1995)
LE JUGE LÉTOURNEAU :
Nous sommes tous d'avis qu'il y a lieu d'accueillir cette demande présentée en vertu de l'article 28. Selon certaines indications, l'intimée aurait « délibérément » modifié, à la main, sa carte de pointage, sans l'autorisation de la direction, et ce une seconde fois après avoir déjà été avertie que la compagnie avait une politique précise à cet égard et qu'il existait une procédure qui devait être suivie. Ces agissements constituaient une « inconduite » aux termes du paragraphe 28(1) de la Loi sur l'assurance-chômage (la « Loi »).
Le juge-arbitre, R.J. Marin, a commis deux erreurs. En premier lieu, il a conclu à l'absence, de la part de l'intimée, de toute intention coupable, partant à l'absence de toute intention frauduleuse. Pour qu'il y ait inconduite au sens de la Loi, il n'est pas nécessaire que le comportement en cause résulte d'une intention coupable. Il suffit que l'acte répréhensible ou l'omission reproché à l'intéressée soit « délibéré », c'est-à-dire, conscient, voulu ou intentionnel. 1 En l'espèce, l'intimée savait, comme on l'en déjà avertie, qu'elle ne pouvait pas modifier à la main sa carte de pointage. Elle l'a fait, cependant, consciemment et délibérément.
En deuxième lieu, le juge-arbitre a examiné le caractère raisonnable de la sanction imposée par l'employeur et, bien qu'il ne l'ait pas explicitement déclaré, en a conclu que l'intimée avait fait l'objet d'un licenciement injustifié. Cela ressort de cet extrait tiré de sa décision:
[TRADUCTION]
Bien qu'il soit vaguement question de fraude, il est claire que la Commission n'a pas conclu à l'existence d'une fraude en l'espèce. J'estime, en ce qui me concerne, qu'au lieu d'employer les grands moyens et de licencier l'intéressée, on aurait pu recourir à une autre solution telle une suspension, un blâme ou un avertissement.
Là n'était pas la question et la décision 2 finale du juge-arbitre semble avoir été influencée par la conviction personnelle qu'il avait du caractère disproportionné de la sanction imposée.
Le conseil arbitral avait correctement appliqué la jurisprudence de la Cour en matière d'inconduite et sa conclusion n'aurait pas dû être remise en cause.
Cette demande fondée sur l'article 28 sera accueilli, la décision du juge-arbitre sera annulée et l'affaire renvoyée devant le juge-arbitre en chef, ou la personne désignée par lui, pour nouvel examen tenant compte du fait que l'appel interjeté de la décision du conseil arbitral, en date du 11 février 1993, devrait être rejeté.
« Gilles Létourneau »
J.C.A.
1 Canada (Procureur général) c. Tucker [1986] 2 C.F. 329 (C.A.).
2 Canada (P.G.) c. Summers, C.A.F. nº A-225-94, 1er décembre 1994, Canada (P.G.) c. Jewell, C.A.F. nº A-238-94, 4 octobre 1994.
2011-01-16