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  • CUB 14461A

    TRADUCTION

    EN VERTU DE la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage

    - et -

    RELATIVEMENT À une demande de prestations par
    John MORGAN

    - et -

    RELATIVEMENT À un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre
    par le prestataire de la décision d'un conseil arbitral
    rendue à Calgary (Alberta), le 19 décembre 1989


    DÉCISION DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE CORRESPONDANTE : A-1200-87


    DÉCISION

    J. McNAIR, JUGE-ARBITRE :

    Le prestataire interjette appel de la décision unanime rendue par le conseil arbitral le 19 décembre 1989 relativement à trois demandes de prestations distinctes. Le prestataire avait demandé un nouveau calcul du taux des prestations qu'il avait reçues à l'égard de trois périodes d'emploi, mais le conseil arbitral a rejeté son appel, étant d'avis que ce dernier avait signé un contrat de louage de services en vigueur du 1er septembre au 31 décembre de chaque année en cause. Par conséquent, le conseil a conclu que la Commission avait bien calculé le taux des prestations hebdomadaires du prestataire, conformément au sous-alinéa 57(1)a)(i) et au paragraphe 58(4) du Règlement sur l'assurance-chômage.

    À l'automne de l'année scolaire 1985-1986, le prestataire était chargé de cours (mathématiques et physique) à l'Université de Calgary. Le 24 septembre 1985, il a reçu une lettre de nomination, datée du 18 septembre 1985, dans laquelle son employeur lui offrait un poste à temps partiel de durée déterminée pour la période du 1er septembre au 31 décembre 1985. La Commission a donc réparti la rémunération du prestataire en fonction des dates figurant dans le contrat. Le prestataire a fait appel, alléguant que l'application rétroactive du contrat au 1er septembre 1985 n'était qu'une fiction, puisqu'il n'avait pas commencé à travailler avant le 17 septembre 1985. Le conseil arbitral a rejeté son appel.

    Le prestataire en a appelé au juge-arbitre. Dans sa décision (CUB 14461), monsieur le juge Cullen a conclu «qu'à première vue... les éléments de preuve fournis à la Commission et au conseil arbitral précisent clairement que le prestataire a travaillé 12 semaines, non pas 17 semaines et demie.» 1 Le prestataire est «la victime d'une politique adoptée par l'université soit pour faciliter sa gestion, soit pour arranger les employés rémunérés à l'heure»; 2 il ne devrait donc pas être pénalisé.

    La Commission a interjeté appel de cette décision, qui a été confirmée par la Cour d'appel fédérale. 3 Selon le juge d'appel Mahoney, il faut distinguer la présente espèce de l'affaire dans laquelle la Cour suprême du Canada a décidé que l'enseignant qui touche un salaire pendant les mois d'été n'est pas en chômage. 4 Rien n'indique que le prestataire a touché une rémunération pour la période précédant la date à laquelle il a réellement commencé à travailler, soit le 17 septembre. La Commission n'a pas interjeté appel de cette décision et a envoyé une lettre au prestataire pour l'en informer.

    Par la suite, le prestataire a demandé que le taux de ses prestations soit calculé de nouveau pour toute sa période d'emploi, soit de septembre 1984 à avril 1987. Les conditions d'emploi étaient identiques pendant les trois années scolaires en cause. Le prestataire a donc avancé que la durée de sa période d'emploi devrait consister en douze semaines dans chaque cas, conformément aux décisions rendues par le juge Cullen et le juge d'appel Mahoney. La Commission a refusé de réviser la répartition de la rémunération et les taux des prestations établis pour les demandes ultérieures, étant d'avis que la décision de la Cour fédérale portait uniquement sur l'emploi du prestataire avant le 17 septembre 1987. Le prestataire a ensuite présenté une demande de mandamus. Cependant, le juge Martin lui a fortement conseillé de faire appel à un autre conseil arbitral pour présenter ces nouveaux éléments, en se fondant sur le fait que la Commission n'avait pas reçu l'ordre exécutoire de calculer de nouveau le taux des prestations.

    En appel, les arguments du prestataire ont été rejetés à l'unanimité par le conseil arbitral nouvellement constitué, lequel estimait qu'il y avait effectivement un contrat de louage de services et que, par conséquent, la rémunération avait été bien répartie, suivant le paragraphe 58(4) : «La rémunération payable à un prestataire aux termes d'un contrat de travail, sans que soient fournis des services, ou la somme payable par un employeur à un prestataire pour qu'il revienne au travail ou qu'il accepte un emploi, doit être répartie sur la période pour laquelle elle est payable.» Dans l'exposé de ses motifs, le conseil arbitral n'a pas fait mention des conclusions tirées par le juge Cullen et le juge d'appel Mahoney.

    Le prestataire interjette maintenant appel de la décision du conseil nouvellement constitué, conformément à l'alinéa 95b) [maintenant l'article 80b)] de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage. En vertu de l'alinéa 95b), une décision peut être portée en appel devant un juge-arbitre si «le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier.»

    Dans la présente espèce, la Commission avance de nouveaux éléments de preuve ressortis d'une enquête menée par un agent principal de l'admissibilité, qui a communiqué par téléphone avec deux administrateurs de l'Université de Calgary. De l'avis de la Commission, cette nouvelle preuve distingue la présente espèce de la cause sur laquelle le juge Cullen et le juge d'appel Mahoney se sont prononcés, car elle permet d'établir que le contrat du prestataire constitue un contrat de louage de services. De plus, elle semble démontrer que les chargés de laboratoires sont rémunérés pour les services rendus du 1er septembre au 31 décembre. Par conséquent, cette nouvelle preuve permet d'écarter, en l'espèce, la conclusion tirée par le juge d'appel Mahoney, selon laquelle rien n'indiquait que la rémunération versée au prestataire s'appliquait à une période précédant le 17 septembre, date à laquelle ce dernier a réellement commencé à travailler.

    Il s'agit d'une preuve par ouï-dire multiple. Toutefois, les règles de preuve ne sont pas appliquées rigoureusement dans le cas de procédures administratives comme celles-ci, et la preuve présentée est jugée uniquement d'après sa valeur. Les nouveaux éléments de preuve révèlent que l'université avait pour principe de considérer les personnes dans la même situation que le prestataire comme des employés dès l'entrée en vigueur de leur contrat, soit le 1er septembre en l'espèce. Les employés ont la possibilité de payer leurs cotisations au Régime d'assurance-maladie de l'Alberta en contribuant au régime collectif de l'université; l'employé verse alors la totalité des cotisations (l'université n'assume aucune part), lesquelles sont déduites de son salaire pendant la durée de son contrat (quatre mois). En fait, comme l'employé paye la totalité des cotisations, le seul avantage de cette méthode semble être la retenue à la source des cotisations, plutôt que leur versement direct au Régime d'assurance-maladie de l'Alberta. À mon avis, cette preuve n'est pas concluante.

    Les deux administrateurs interrogés ont indiqué qu'un chargé de laboratoires pourrait être tenu de rendre des services le 1er septembre ou le 31 décembre pour remplir les exigences du poste ou du cours. Cependant, ils n'ont pas précisé si une rémunération supplémentaire était versée au chargé de cours à qui l'on demandait d'accomplir des tâches à ces dates. Par ailleurs, ni l'un ni l'autre n'a donné d'exemples précis de chargés de cours qui auraient travaillé à ces dates en application du contrat actuellement en cause. Je réitère que cette preuve ne me semble pas suffisamment concluante pour écarter la conclusion tirée par la Cour d'appel fédérale.

    Selon un des administrateurs, si un chargé de cours se blessait dans le laboratoire ou dans la salle de classe après la première date figurant dans la lettre, il aurait droit à des indemnités d'accident du travail, comme tout autre employé. Cependant, l'administrateur n'a pu donner d'exemple concret de l'application d'une telle mesure. Voilà une autre indication du caractère peu fiable de cette preuve; je ne suis pas convaincu qu'un chargé de cours qui se blesserait dans un laboratoire le 1er septembre, deux semaines avant qu'il ne commence à y enseigner, aurait automatiquement droit à des indemnités d'accident du travail. Il est même fort possible que, dans une situation hypothétique comme celle-ci, la Commission des accidents du travail tenterait de démontrer devant un tribunal administratif chargé de l'enquête que le bénéficiaire ne s'était pas blessé dans l'exercice de ses fonctions. En fait, il reviendrait à la Commission des accidents du travail et non à l'administration de l'université de décider si le malheureux toucherait des indemnités.

    En revanche, la preuve par ouï-dire montre que cette méthode de rémunération des chargés de laboratoires vise essentiellement à faciliter le paiement des services rendus plutôt qu'à déterminer le temps que les intéressés consacrent réellement à l'exercice de leurs fonctions : «comme les services étaient rendus à des jours très différents et que le temps d'enseignement et de préparation variait énormément d'un cours à l'autre et d'un département à l'autre, ... la seule méthode de rémunération acceptable était de conclure avec les personnes embauchées un contrat d'une durée de quatre mois, lequel prévoirait des versements mensuels portant sur chaque jour ouvrable du mois, que des fonctions aient ou non été exercées à chaque jour.» Voilà précisément l'élément de la politique sur lequel le juge Cullen s'est fondé pour accueillir l'appel du prestataire : «... le prestataire ne devrait pas être pénalisé par une politique qui convient à l'employeur ou qui arrange d'autres employés.» 5

    La Commission a commis une erreur de droit en décidant que les conversations susmentionnées indiquaient que le prestataire était employé du 1er septembre au 31 décembre. Le juge Cullen dont la décision a été confirmée par le juge d'appel Mahoney est arrivé à la conclusion de fait qui s'imposait en l'espèce. Par conséquent, la méthode utilisée par la Commission pour calculer les prestations du prestataire est inacceptable et le taux des prestations doit être calculé de nouveau, car le contrat du prestataire s'échelonnait sur une période de 12 semaines et non de 17,5 semaines.

    La Commission a indiqué que si le juge rendait une décision favorable au prestataire, il ouvrirait une boîte de Pandore; tous les prestataires dans une situation semblable interjetteraient appel au conseil arbitral pour qu'il détermine le nombre exact de semaines réellement travaillées. Je ne suis pas d'accord. En fait, les employeurs doivent rédiger des contrats d'emploi clairs qui précisent exactement à quoi correspond la rémunération versée aux salariés. Par ailleurs, le rejet du présent appel porterait préjudice au prestataire, qui ne pourrait toucher des prestations d'assurance-chômage proportionnelles à sa rémunération. Il serait, en fait, victime de convenances administratives.

    Quant aux deux autres appels (1984-1985 et 1987-1988), j'ai examiné les contrats de travail applicables dans chaque cas et je suis arrivé à la même conclusion que mes confrères les juges Cullen et Mahoney. À l'exception de quelques modifications salariales, les contrats sont identiques à celui de 1985-1986. Il s'agit donc de contrats d'une durée de 12 semaines et non de 17,5 semaines, et les prestations doivent être calculées en conséquence.

    L'appel est donc accueilli.

    J. C. McNair

    JUGE-ARBITRE




    1 Cullen, juge-arbitre, CUB 14461, p. 8.

    2 Cullen, juge-arbitre, CUB 14461, p. 7.

    3 Procureur général du Canada c. Morgan A-1200-88, le 5 octobre 1988.

    4 Procureur général du Canada c. Sepinwall, A-961-87.

    5 CUB 14461, supra (note 1), p. 7.

    2011-01-16