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  • CUB 49858

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    GEORGE KLASSEN

    - et -

    d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le prestataire
    à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
    New Westminster (Colombie-Britannique) le 26 juin 1998.

    DÉCISION

    LE JUGE-ARBITRE SALHANY, C.R.

    J'ai entendu cet appel à Vancouver (Colombie-Britannique) le mercredi 27 septembre 2000, en même temps que les appels interjetés par Anna Klassen, Katherine Klassen, Adrien Cyr, Leslie Taylor, Gordon Hampton et Allen Hampton, car toutes les questions dans les sept cas, relèvent de la même exploitation d'entreprise et sont essentiellement les mêmes. Voici les renseignements généraux relatifs à la présente affaire.

    La Pacific Coast Cedar Products Ltd. est une société par actions à responsabilité limitée sise à Maple Ridge (Colombie-Britannique). First Klass Holdings Ltd. détient cinquante pour cent des actions de l'entreprise, H.T.H. Holdings Ltd. 33, 33 p. 100 des actions et Adrien Cyr 16, 66 p. 100 des actions. Les actions de First Klass Holdings sont réparties comme suit : 12, 5 p. 100 à Klassen Enterprises Ltd., une société par actions à responsabilité limitée appartenant à part égale à Richard et Patricia Klassen, 25 p. 100 à Anna Klassen et 12, 5 p. 100 à Katherine Klassen. Les actions de H.T.H. Holdings sont réparties à parts égales entre Allen Hampton, Gordon Hampton et Leslie Taylor. Une recherche des dossiers corporatifs de la Pacific Coast a révélé que le 13 mai 1996, George Klassen en était le président et un des administrateurs, Gordon Hampton en était le secrétaire et un des administrateurs et Adrien Cyr, Anna Klassen, Katherine Klassen et Leslie Taylor en étaient aussi administrateurs.

    Il est important de remarquer à ce point que George Klassen n'était pas un actionnaire direct ou indirect de la Pacific Coast. Bien que Allen Hampton fut un actionnaire indirect, il n'était pas administrateur de l'entreprise.

    Les prétentions générales de la Commission sont que les appelants ont rempli, entre le 30 août 1993 et le mois d'août 1996, de fausses demandes de prestations indiquant qu'ils étaient, à titre d'employés de la Pacific Cedar, sujets à des mises à pied périodiques et qu'à cet égard, ils ont reçu des prestations d'emploi alors qu'ils travaillaient effectivement. La Commission a déterminé que les appelants étaient inadmissibles aux prestations versées, ordonné le remboursement des prestations et imposé des pénalités pour déclarations fausses ou trompeuses.

    Les appelants ont interjeté appel à un conseil arbitral qui a entendu tous les appels ensemble et rendu une seule décision s'appliquant à tous les appels. Le conseil a rejeté tous les appels à l'égard de la question de remboursement. Cependant, sur la question de fausse déclaration, le conseil a accueilli les appels interjetés par Allen Hampton, Gordon Hampton, Leslie Taylor et Adrien Cyr « concernant leurs formulaires de demande de 1996. »

    Avant d'aborder les motifs invoqués par le conseil arbitral, je souhaite faire certaines observations préliminaires. Sept prestataires ont demandé au conseil arbitral d'examiner la décision de la Commission qui leur refusait des prestations, leur demandait un remboursement de prestations déjà versées et leur imposait d'importantes amendes pour avoir fait de présumées fausses déclarations dans le but d'obtenir ces prestations. Malgré le fait que tous les appelants, sauf George Klassen, étaient à l'emploi de la Pacific Coast Cedar Products Ltd. et y avaient un intérêt financier, ils avaient droit à une considération individuelle des questions pertinentes à leur demande de prestations. Mon examen de la décision et le matériel volumineux au dossier à l'égard de chaque appelant me porte à conclure que le conseil a commis une erreur en regroupant tous les appelants.

    La conclusion du conseil à l'égard des fausses déclarations est particulièrement importante et je propose de l'aborder en premier. Bien que le conseil ait conclu que quatre des appelants (énumérés plus haut) auraient pu être confus sur la façon de remplir leurs formulaires de demande « en raison de conseils reçus d'un agent de l'assurance-emploi », rien n'indique, dans les motifs du conseil, les raisons pour lesquelles ces appelants auraient pu être confus et non les autres. Le conseil ne mentionne pas non plus ses motifs pour n'accueillir que l'appel interjeté à l'égard de leurs formulaires de demande de 1996.

    Je reconnais que les membres des conseils arbitraux ne sont pas des spécialistes et les tribunaux d'appel ne devraient pas scruter de façon trop critique leurs motifs pour y déceler des erreurs. Cependant, chaque appelant a droit à une considération soigneuse de sa propre situation. Les questions soulevées dans la présente affaire sont importantes pour les appelants et cruciales pour toute éventuelle demande de prestations de leur part. Une conclusion de fausses déclarations est accompagnée de conséquences graves, non seulement pour ce qui est de la pénalité à payer, mais aussi pour ce qui est du droit de présenter une autre demande. Les autorités sont claires sur le fait qu'une conclusion de fausses déclarations ne doit pas être prise à la légère. L'allégation doit être précise et la conclusion fondée sur une preuve. Bien que le fardeau de la Commission ne soit pas aussi onéreux que celui de la Couronne dans une affaire criminelle, il faut s'assurer de conclure que la déclaration a été « sciemment » et « délibérément » faite. Il existe par conséquent toujours un danger relié à la considération collective et non séparée des présomptions de fausses déclarations, et que la conclusion sera faite selon une association collective plutôt qu'une conduite individuelle.

    Il est fondamental pour notre système de justice que le tribunal informe un plaideur dans une poursuite judiciaire de la raison pour laquelle sa preuve a été rejetée. Il existe au moins trois bonnes raisons pour lesquelles cette procédure est cruciale pour notre système de justice. La première est que des conclusions de crédibilité sans motifs laissent planer un caractère arbitraire sur la justice et font en sorte que les plaideurs perdent toute confiance dans le système de justice. Deuxièmement, l'exigence de motifs valables force le tribunal à se concentrer sur les questions critiques de l'affaire. Enfin, mais aspect non moins important, se trouve le fait que le tribunal d'appel a le droit de connaître la raison pour laquelle le tribunal est arrivé à une conclusion particulière afin de déterminer s'il a commis une erreur.

    LA QUESTION DE LA PÉNALITÉ
    Bien que le conseil ait conclu, à l'égard des appelants « A. Hampton, G. Hampton, L. Taylor et A. Cyr, qu'il est possible qu'il y ait eu confusion causée par les conseils d'un agent de l'assurance-emploi sur la façon de remplir leurs formulaires de demande et qu'ils n'aient pas sciemment fait de fausses déclarations », le conseil n'a quand même accueilli leur appel qu'à l'égard de leurs demandes de 1996. Ironiquement, après avoir conclu qu'ils n'avaient pas « sciemment fait de fausses déclarations », le conseil a conclu que les « prestataires avaient fait de fausses déclarations et que leur version des faits manquaient de crédibilité. » De quels « prestataires » était-il donc question lorsque les membres du conseil sont arrivés à cette conclusion plutôt inconsistante? S'agissait-il des autres prestataires? Ou tous les prestataires? Le conseil ajoute que les « prestataires » ont pris deux fois une décision calculée de subventionner leur entreprise en acceptant des mises à pied et en recevant des prestations d'assurance-emploi. » De nouveau, qui étaient les prestataires?. À mon avis, il est impossible de confirmer les conclusions du conseil envers tous les appelants en se fondant sur ces constatations.

    Les membres du conseil ajoutent qu'en arrivant à leur décision, ils se sont concentrés sur :

    1) les premières déclarations
    2) la crédibilité
    3) la prépondérance des probabilités
    et ls se sont posés la question suivante : Si le système d'assurance-emploi n'existait pas, quelles décisions les prestataires auraient-ils pris?

    Je répète que le conseil a, malgré le respect que je lui dois, commis un bon nombre d'erreurs. D'abord, les prestataires ont été regroupés sans tenir compte de la preuve pertinente à chacun. Deuxièmement, un juge a la responsabilité de tenir compte de toute la preuve et de ne pas « se concentrer » uniquement sur certaines preuves. Enfin, il ne doit pas se poser de questions spéculatives sur la « prépondérance des probabilités » mais examiner soigneusement toute la preuve de chaque appelant et considérer si les déclarations des prestataires étaient non seulement fausses, mais « sciemment » et « délibérément » fausses.

    J'accueillerais l'appel interjeté sur la question des pénalités et renverrais l'affaire à un nouveau conseil arbitral pour que ce dernier tienne compte de la situation individuelle de chaque appelant (sauf pour les appelants dont l'appel a été accueilli à l'égard de leur demande de 1996, étant donné que la Commission n'a pas interjeté appel dans ce cas), sauf qu'il faut tenir compte d'une question plus grave. De quelle(s) déclaration(s) accuse-t-on l'appelant/les appelants? La lettre du 10 février 1997, rédigée par l'agent d'assurance J. Lethbridge et adressée à chaque appelant, prétend qu'ils ont fait des déclarations fausses ou trompeuses et se lit comme suit : « Contrairement à ce que vous prétendez, nous avons appris que vous exploitez une entreprise. » Une autre lettre remontant à la même date, rédigée par le même agent et envoyée par exemple, à l'appelant George Klassen, mentionne ce qui suit : « Contrairement à ce que vous nous avez dit, nous avons appris que vous êtes un des administrateurs de la West Coast Cedar Products et que vous avez un lien de parenté avec les employeurs. De ce fait, vous participiez à une relation d'affaires avec votre employeur. » Je ne crois pas qu'il est important que la lettre réfère par erreur à la West Coast Cedar Products au lieu de la Pacific Coast Cedar Products. Je considère cependant important le fait que la présumée fausse déclaration a rapport à la question à savoir s'il « exploitait une entreprise. » Le conseil a cependant conclu sur la question « Avez-vous travaillé? », question à laquelle chaque appelant a répondu « non. »

    À mon avis, le conseil avait le loisir de considérer cette question particulière. Tel que je l'ai mentionné précédemment, une allégation à l'effet qu'un prestataire a fait de fausses déclarations pour obtenir des prestations porte des conséquences graves. Cela doit être bien précisé pour permettre à un prestataire de se défendre contre cette allégation. La Commission ne devrait pas avoir le droit de prétendre qu'un prestataire a fait une déclaration fausse ou trompeuse à l'égard d'une question particulière et ensuite modifier cette question lors de son appel devant un conseil. Par conséquent, j'accueillerais tous les appels interjetés sur la question de la pénalité et annulerais les pénalités imposées.

    LA QUESTION À SAVOIR SI LES APPELANTS ÉTAIENT SANS TRAVAIL
    Le conseil arbitral a conclu que les appelants n'étaient pas sans travail en raison du fait que leur « participation à l'entreprise leur demandait beaucoup de temps, que les actionnaires avaient investi une somme considérable (700 000$ en prêts personnels) dans l'entreprise, que l'entreprise fonctionne toujours dans une industrie où chaque prestataire possède une expérience et des contacts considérables. » De nouveau, le conseil a regroupé tous les appelants et négligé de traiter, dans ses motifs, de l'état individuel de chaque appelant. Bien que les membres du conseil aient considéré que la participation des appelants dans l'entreprise était importante, ils n'ont pas indiqué dans leurs motifs la façon dont chaque appelant y participait. De nouveau, bien qu'il existe un énoncé précisant qu'ils ont investi une somme considérable dans l'entreprise, « 700 000$ en prêts personnels » ne veut rien dire à moins que l'on précise la contribution de chaque appelant. En absence de conclusions de fait sur la preuve critique considérée par le conseil pour arriver à sa conclusion à l'égard de chaque appelant, il m'est impossible de déterminer si la conclusion du conseil est inique et aucunement soutenue par la preuve.

    LA QUESTION DE DISPONIBILITÉ
    En concluant que tous les appelants n'étaient pas disponibles pour travailler, le conseil arbitral a fait remarquer la preuve que les appelants se rencontraient « à leur lieu d'emploi chaque jour pour feuilleter des journaux et discuter d'emplois en prenant un café. » Cependant, le conseil a conclu que cela ne respectait pas le test de recherche active d'emploi précisé plus tôt dans la décision. Encore une fois le conseil semble regrouper tous les appelants, en particulier lorsque « les membres trouvent que la déclaration des prestataires n'est pas crédible lorsqu'ils disent qu'ils accepteraient tout autre travail offert. Il ne semble pas raisonnable, compte tenu de leur important investissement et de la période économique difficile, qu'ils légueraient la gestion quotidienne de l'entreprise à leurs employés. » La question est de nouveau soulevée - Le conseil a-t-il conclu que les sept appelants n'étaient pas crédibles ou ont-ils été marqués par une brosse collective? Bien que les appelants aient indiqué qu'ils accepteraient, sous certaines conditions, un autre emploi, le conseil a conclu qu'aucun d'entre eux ne léguerait la gestion quotidienne de l'entreprise à ses employés. Encore une fois, selon mon avis respectueux, le conseil a négligé de tenir compte de la disponibilité individuelle de chaque appelant.

    Par conséquent, je suis arrivé avec réticence à la conclusion d'accueillir les sept appels et de renvoyer l'affaire à un nouveau conseil arbitral pour que ce dernier tienne compte des questions à savoir si les appelants travaillaient au moment du dépôt de leurs demandes de prestations et, sinon, s'ils étaient disponibles pour travailler.

    L'avocat des appelants, M Ehrlich, m'a demandé des directives eu égard à certaines réclamations qui auraient pu être rejetées, notamment une réclamation pour prestations de maladie faite par Allen Hampton, une réclamation faite par Gordon Hampton et une réclamation pour prestations de maternité faite par Katherine Klassen. Mme Richardson, procureure de la Commission, a accordé son aide pour ce qui est des deux premières réclamations et déclaré qu'elle fournirait à M Ehrlich les renseignements à propos de la dernière réclamation. Dans les circonstances, je n'ai pas à donner de directives.

    R.E. Salhany

    Juge-arbitre

    Kitchener (Ontario)
    Le 12 octobre 2000

    2011-01-16