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  • CUB 24011A

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE la Loi sur l'assurance-chômage

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    ALLAN CHAMBERLAIN

    - et -

    d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le prestataire
    à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
    Brantford (Ontario) le 4 août 1993.


    VOIR CUB 24011B

    VOIR CUB 24011


    RÉVISION DE LA DÉCISION

    LA JUGE TREMBLAY-LAMER

    Dans une décision datée du 10 janvrier 1994, j'ai conclu que l'appel du prestataire était irrecevable vu que le prestataire n'était pas admissible à des prestations en dépit du fait que sa période d'admissibilité avait été prolongée jusqu'au maximum de 104 semaines pour cause de maladie. Le prestataire demande qu'il y ait clarification ou réexamen de cette décision au motif que j'ai omis de me prononcer sur l'allégation selon laquelle la Loi sur l'assurance-chômage (la Loi) viole la Charte canadienne des droits et libertés en ce qu'elle établit une discrimination à l’endroit des personnes qui deviennent malades ou invalides.

    L'article 86 de la Loi prévoit ce qui suit :

    86. La Commission, un conseil arbitral ou le juge-arbitre peut annuler ou modifier toute décision relative à une demande particulière de prestations si on lui présente des faits nouveaux ou si, selon sa conviction, la décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel ou a été fondée sur une erreur relative à un tel fait.

    La Commission prétend qu'en tant que juge-arbitre je n'ai pas compétence pour étudier la demande étant donné que le prestataire n'a laissé entendre l'existence d'aucun « fait nouveau » et qu'il n'a pas allégué que je n'avais pas connaissance des faits ou que je m'étais trompé de quelque façon à leur sujet. La commission prétend en outre qu'étant donné que le seul motif d’appel du prestataire était la question relative à la Charte et que j'avais rendu une décision à ce sujet, je suis maintenant dessaisie (functus officio) et que le recours approprié devrait être cherché ailleurs. Je ne puis accepter ces propositions.

    Je souscris à cet égard au jugement rendu par le juge d'appel Hugessen dans l'affaire Severud c. Canada 1. Dans cette affaire, un conseil arbitral avait clarifié sa décision qui portait sur deux points distincts. En se fondant sur cette clarification, le juge-arbitre avait subséquemment rejeté l'appel du demandeur. Celui-ci a alors interjeté appel devant la Cour d'appel fédérale en vue de faire annuler la décision du juge-arbitre au motif que le conseil était dessaisi et n'avait pas autorité pour clarifier sa décision antérieure.

    Le juge d'appel Hugessen a fait observer que le conseil n'était aucunement mandaté par la Loi pour clarifier sa décision étant donné que les conditions préalables à l'exercice des pouvoirs conférés par l'article 86 de la Loi n'avaient pas été remplies. Par conséquent, la source de l'autorité du conseil devrait résider ailleurs. À cet égard, le juge Hugessen s'est basé sur les commentaires suivants faits par le juge Sopinka aux pages 860 à 862 du jugement rendu dans l'affaire Chandler c. Alberta Association of Architects 2 concernant le principe de functus officio :

    En règle générale, lorsqu'un tel tribunal a statué définitivement sur une question dont il était saisi conformément à sa Loi habilitante, il ne peut revenir sur sa décision simplement parce qu'il a changé d'avis, parce qu'il a commis une erreur dans le cadre de sa compétence, ou parce que les circonstances ont changé. Il ne peut le faire que si la Loi le lui permet ou s'il y a eu un lapsus ou une erreur au sens des exceptions énoncées dans l'arrêt Paper Machinery Ltd. c. J.O. Ross Engineering Corp., précité.
    Le principe du functus officio s'applique dans cette mesure. Cependant, il se fonde sur un motif de principe qui favorise le caractère définitif des procédures plutôt que sur la règle énoncée relativement aux jugements officiels d'une cour de justice dont la décision peut faire l'objet d'un appel en bonne et due forme. C'est pourquoi j'estime que son application doit être plus souple et moins formaliste dans le cas de décisions rendues par des tribunaux administratifs qui ne peuvent faire l'objet d'un appel que sur une question de droit. Il est possible que des procédures administratives doivent être rouvertes, dans l'intérêt de la Justice, afin d'offrir un redressement qu’il aurait par ailleurs été possible d'obtenir par voie d'appel.
    Par conséquent, il ne faudrait pas appliquer le principe de façon stricte lorsque la Loi habilitante porte à croire qu'une décision peut être rouverte afin de permettre au tribunal d'exercer la fonction que lui confère sa Loi habilitante. C'était le cas dans l'affaire Grillas, précitée.
    De plus, si le tribunal administratif a omis de trancher une question qui avait été soulevée à bon droit dans les procédures et qu'il a le pouvoir de trancher en vertu de sa Loi habilitante, on devrait lui permettre de compléter la tâche que lui confie la Loi. Cependant, si l'entité administrative est habilitée à trancher une question d'une ou de plusieurs façons précises ou par des modes subsidiaires de redressement, le fait d'avoir choisi une méthode particulière ne lui permet pas de rouvrir les procédures pour faire un autre choix. Le tribunal ne peut se réserver le droit de le faire afin de maintenir sa compétence pour l'avenir, à moins que la Loi ne lui confère le pouvoir de rendre des décisions provisoires ou temporaires. [le souligné est de moi]

    Dans l'affaire qui nous occupe, la question relative à la Charte, qui a été soulevée à bon droit par le prestataire et à l'égard de laquelle j'ai compétence 3, n'a pas été tranchée clairement. J'ai donc compétence pour statuer sur cette question même si elle ne représente pas un nouveau fait matériel au sens de l'article 86. Par conséquent, des mémoires écrits de chacune des parties seront étudiés sur ce point.

    La demande de réexamen présentée par le prestataire est acceptée.

    Danièle Tremblay-Lamer

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA, Ontario
    le 5 avril 1994


    1 (1991), 47 Admin.L.R. 190 (CAF).

    2 [1989] 2 R.C.S. 848.

    3 Suivant l'article 81, le juge-arbitre a compétence pour déterminer la compatibilité d'une disposition de la Loi avec la Charte. Voir Tétrault-Gadoury c. Canada, [1991] 2 R.C.S. 22.

    2011-01-16